L’usine Peugeot sacrifiée ?



...

Notre ciel est bleu», affirme le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. «Nous avons une relation exceptionnelle ; rien ne la remettra en cause», appuie son homologue français, Manuel Valls. C’était lors d’un point de presse animé, hier à Alger, à l’issue des travaux de la troisième session du Comité intergouvernemental de haut niveau algéro-français (CIHN). Le ton est donné. Les affirmations des deux Premiers ministres interviennent pour tenter de minimiser l’ampleur de cette tempête qui perturbe les rapports «d’exception» entretenus par les deux pays depuis 2012. Mais la crispation se voyait sur les visages. Abdelmalek Sellal et son invité du jour avaient du mal à la cacher, malgré le discours policé adopté. Et la décision des autorités algériennes de refuser le visa aux journalistes du quotidien Le Monde et de Canal+ n’a fait qu’aggraver le climat tendu entre les deux pays. En effet, malgré les tentatives de clore cet «incident» pour «se tourner vers l’avenir», comme le soutient Manuel Valls, les faits sont là. Il y a notamment le grand ratage de cette 3e session du CIHN : annulation ou ajournement de la signature, attendue depuis des mois, de l’accord d’implantation de l’usine PSA Peugeot Citroën en Algérie. Enigmatique. Ce projet est censé, pourtant, être maturé et ficelé. Le ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb, qui a annoncé le report de la signature, avait même donné, à plusieurs reprises, la date du démarrage des travaux de réalisation de cette usine. Que s’est-il passé ? Seule une décision politique reste valable pour justifier ce report qui est un témoin, on ne peut plus clair, de la tension qui risque de stopper net «la lune de miel» qui dure depuis plus de quatre ans entre les deux pays. Raison principale : la question du Sahara occidental et la position française alignée sur celle du Maroc. Alger ne cache plus son mécontentement par rapport au soutien inconditionnel de la France à la position marocaine au détriment de la légalité internationale. Et cela a été exprimé par le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, à l’occasion de la visite en Algérie de son homologue français, Jean-Marc Ayrault. «La crise du Sahara occidental dure depuis près de 40 ans», avait-il déclaré, en appelant à la «responsabilité» et en espérant que «le gouvernement Hollande contribue à aider la région pour une sortie de crise». «Il faut prendre les décisions qui s’imposent pour arriver à l’autodétermination du peuple sahraoui. La question du Sahara occidental relève d’un processus de décolonisation», avait-il lancé à son hôte. La question a été posée encore une fois, hier, par Abdelmalek Sellal : «Je ne saurais terminer mon propos sans rappeler, avec insistance, le drame que vit le peuple sahraoui, empêché depuis plus de quarante années de décider librement de son destin. L’Algérie, à l’instar de la majorité de la communauté internationale, soutient un règlement juste et durable de ce conflit, basé sur une solution politique mutuellement acceptable.» Et Manuel Valls de rétorquer : «Nous avons évoqué l’ensemble des questions et des dossiers. Pour celui du Sahara occidental, toute solution doit être trouvée dans le cadre des Nations unies. Et la France assume ses responsabilités en tant que membre du Conseil de sécurité.» Mais le couac n’est pas dépassé et risque d’envenimer les relations entre les deux pays à l’avenir. Afin d’atténuer, du moins pour l’instant, l’ampleur du désaccord politique, les deux Premiers ministres ont évoqué le partenariat économique entre les deux pays. Ainsi, Abdelmalek Sellal parle de «26 conventions signées, notamment dans les domaines de la santé, des travaux publics, de l’éducation, de la justice… et de 12 accords de partenariat entre entreprises algériennes et françaises». Pour sa part, Manuel Valls appelle à sortir de «la vision caricaturale» selon laquelle la France considère l’Algérie comme un marché pour ses produits. «Ce sont plusieurs millions d’euros qui vont se concrétiser grâce aux accords signés dans le secteur économique», soutient-il. Mais sans une entente politique, peut-on parler de «relations exceptionnelles» en mesure de «bâtir un pont entre l’Algérie et la France» pour se retourner vers l’Afrique ?  


Lire la suite sur El Watan.