Pourquoi Chakib Khelil fait la tournée des zaouïas



...

Sociologue, chercheur et directeur de la revue universitaire La religion et la société, Zoubir Arous revient dans cet entretien sur la tournée de Chakib Khelil qui va le conduire à travers les zaouïas des 48 wilayas du pays et explique l’importance de cette « institution » religieuse pour le système politique en Algérie.

Chakib Khelil a commencé une tournée qui va le conduire dans les zaouïas des 48 wilayas du pays. Pourquoi ?

La zaouïa est l’un des moyens permettant d’acquérir une légitimité. Actuellement, elle est la première étape à partir de laquelle décolle le parcours des politiques algériens. La zaouïa est un moyen de se porter candidat et de gagner des voix lors des élections.

Aujourd’hui, on est passé à une autre étape, celle du blanchiment des personnalités accusées de corruption dont Chakib Khelil. L’ex-ministre de l’Énergie et des Mines sait et connaît très bien le pouvoir des zaouïas sur la conscience collective des gens. Il recourt alors à cette institution qui a son poids et qui est plus importante que les partis qu’ils soient islamistes ou pas pour se refaire une virginité. Malheureusement, on enregistre une régression dangereuse en matière de rationalité au sein de notre société.

Est-ce que cette tournée peut être une initiative personnelle ?

Non, il ne s’agit pas d’une initiative personnelle. D’abord, Chakib Khelil ne peut pas effectuer une telle tournée sans obtenir l’aval (du pouvoir). Le système a les moyens d’empêcher qui que ce soit de faire cela car il s’agit d’un domaine sensible et d’institutions qui ont leur importance et qui ont un rôle à jouer pour le système politique actuel. Donc cela ne peut pas être une action spontanée.

Ensuite, innocenter Chakib Khelil, c’est innocenter tout le système et le laver de toutes les saletés qui sont le résultat de la corruption. Le blanchiment de Chakib Khelil est le blanchiment de tout le système politique. La tournée de l’ex-ministre échappe même au contrôle de certaines institutions. Le ministre des Affaires religieuses a clairement dit que les zaouïas étaient libres et qu’elles ont le pouvoir de décider de recevoir et travailler comme elles veulent.

© TSAChakib Khelil pourrait-il être en train de préparer sa candidature à la prochaine élection présidentielle ?

Je ne pense pas que Chakib Khelil compte se présenter. En s’innocentant grâce à une institution religieuse qui a un pouvoir sur la conscience des gens, il innocente ceux qui l’ont ramené en Algérie. Car Chakib Khelil n’est pas revenu de son propre chef. Je pense qu’il  a reçu une invitation et des garanties qu’il ne sera pas poursuivi en justice. Encore une fois, innocenter, blanchir et « nettoyer » Khelil, c’est innocenter tout le système algérien dans son ensemble du discours sur la corruption porté par les partis de l’opposition. Cela étant dit, vous savez bien qu’en Algérie tout est possible.

Comment expliquez-vous ce timing ?

N’oubliez pas l’état de santé difficile du Président de la République qui est dans l’incapacité de gérer les affaires du pays.  N’oubliez pas aussi les prochains rendez-vous électoraux (législatives en 2017 et présidentielles en 2019). Donc, il s’agit de préparer  le climat général à celui qui va lui succéder au poste de premier magistrat du pays. Il s’agit également de créer un climat (favorable) à ceux qui s’occupent de la gestion des affaires du pays afin qu’ils puissent continuer avec la même politique. L’Algérie traverse une situation politique extrêmement complexe et compliquée.

Est-ce que le système a réussi à normaliser le retour de Chakib Khelil ?

C’est ce qu’ils cherchent à faire. Sur le terrain,  on n’a pas encore les premiers résultats.

Que représentent aujourd’hui les zaouïas en Algérie ?

Aujourd’hui, les zaouïas jouent un rôle plus profond et plus actif suite à l’échec total des partis prônant l’islam politique. Le retour vers les zaouïas date de l’élection du président Abdelaziz Bouteflika en 1999. Ce n’est plus les zaouïas de la « derwacha » (charlatanisme). Les zaouïas ont maintenant des positions politiques et des activités sociales et économiques. Les zaouïas sont présentes à travers tout le territoire national. Ce sont des institutions qui ont leur poids. Il ne faut pas oublier également leur rôle auprès  de la communauté algérienne à l’étranger.

Les zaouïas sont-elles désormais plus influentes et plus puissantes que les mosquées ?

En Algérie, nous avons des mosquées qu’on appelle « salafistes » qui ne sont pas soumis au contrôle et la gestion centrale du ministère des Affaires religieuses. Elles ont leur propre discours. Nous avons également des mosquées officielles gérées directement par le ministère et dont le discours date de quelques siècles. Donc si on parle du discours dirigé aux catégories les plus fragiles de la société notamment les jeunes, on peut dire que les mosquées salafistes ont plus d’influence. Si on évoque le discours élargi dirigé à toutes les catégories de la société, on peut dire que ce sont les zaouïas.

Comment ont-elles une telle influence alors que certaines zaouïas ont joué un rôle ambigu durant la guerre de libération ?

Les zaouïas ont toujours joué un rôle dans l’histoire de l’Algérie. Il faut préciser clairement certaines choses. Certaines zaouïas ont eu un rôle très important dans l’histoire des révoltes populaires. L’émir Abdelkader, Cheikh El Haddad et Lala Fadhma N’soumer sont des enfants de zaouïas. Elles ont également joué un rôle très important dans la guerre de libération. D’autres ont été exploitées par le système colonial pour endormir la conscience patriotique générale au sein de la société.

 


Lire la suite sur Tout sur l'Algérie.

Publier des annonces gratuites

Petites annonces Babalweb Annonces

Publier une annonce gratuite

Autres sites

Sciencedz.net : le site des sciences
Le site des sciences en Algérie


Vous cherchez un emploi? Essayer la recherche d'emploi en Algérie
Babalweb Annonces Babalweb Annonces
Petites annonces gratuites