L’ouverture du marché aux opérateurs privés va booster le développement du renouvelable



...

Le gouvernement s’est récemment engagé à subventionner une partie des factures d’électricité pour 13 wilayas du Sud, tout en appelant à réfléchir sur une stratégie d’approvisionnement en énergie solaire. Peu visible, la politique de l’Etat en matière d’énergies alternatives est ici expliquée par un des hommes-clés du secteur. - Les experts pointent depuis longtemps l’inadéquation entre l’habitat et les conditions climatiques (des températures très élevées ou plutôt basses) du Sud. Est-ce raisonnable de penser possible une révision des stratégies de développement urbain, ou vaudrait-il mieux miser sur d’autres options ? En premier lieu, il faut d’abord revenir au savoir ancestral des régions du Sud qui consiste en des constructions bioclimatiques, résilientes aux conditions climatiques extrêmes et permettant un bon confort aussi bien en été qu’en hiver, le jour comme la nuit, et où les concepts de l’efficacité énergétique sont bien respectés. Le ksar Tafilelt Tajdite de Ghardaïa, récemment primé à la COP22, montre que c’est possible pour peu que les communautés se mobilisent pour des actions dans le développement durable. Le modèle «bottom-up» de la population de Tafilelt est un exemple à suivre dans toutes nos villes, notamment du Sud. En présence des conditions de sobriété énergétique dans lesquelles la climatisation n’est pas nécessaire, les énergies renouvelables seront utilisées comme source d’électricité économiquement rentable. La subvention des équipements du renouvelable à la place de la subvention directe du prix d’électricité est une option à avantager dans le secteur résidentiel à l’avenir pour sortir graduellement de la dépendance de l’électricité d’origine conventionnelle. Le secteur tertiaire doit également donner l’exemple en s’alimentant avec le renouvelable. L’éclairage de nos sites urbains doit se faire à l’énergie solaire combinée à des lampes à LED. - Début novembre, le secteur privé, via le FCE, a annoncé vouloir investir plus de 2,5 milliards de dollars pour réaliser des fermes solaires photovoltaïques. Comment — dans l’environnement économique que l’on connaît et sur un secteur aussi budgétivore — voyez-vous le privé réussir là où le public a échoué ? Le déploiement du programme national des énergies renouvelables nécessite la participation de tous les acteurs aussi bien publics que privés. Certains opérateurs, souhaitant devenir producteurs indépendants d’électricité, ont déjà commencé à faire le montage financier et la constitution des consortiums avec les partenaires étrangers selon la règle 51/49 en vue de répondre à l’appel d’offres qui sera lancé prochainement par le ministre de l’Energie. L’ouverture du marché du renouvelable aux opérateurs privés nationaux et étrangers va certainement booster le développement à grande échelle de cette filière dans notre pays. Le montage des projets avec des partenaires étrangers permettra, d’une part, de gagner en expertise et en transfert de technologie et, d’autre part, de mobiliser le financement nécessaire. - Pour assurer une sécurité énergétique au pays à long terme, quelles priorités le gouvernement doit-il fixer ? Par quoi faut-il commencer ? Dans le contexte de restrictions budgétaires, est-ce possible ? Le gouvernement a déjà fixé les priorités dans le secteur de l’énergie. Le programme d’efficacité énergétique et celui des énergies renouvelables ont été hissés au rang de priorité nationale par le président de la République. Ces deux programmes qui vont de pair permettront à notre pays, d’une part, de rationaliser la consommation d’énergie et de lutter contre le gaspillage et, d’autre part, de substituer la production d’électricité à partir des sources d’énergie précieuses mais malheureusement non renouvelables par les énergies alternatives propres et durables. Conséquemment, des volumes de gaz seront préservés pour les employer dans des utilisations non combustibles de forte valeur ajoutée. Face à l’augmentation fulgurante de la demande interne d’énergie, nos ressources d’hydrocarbures tarissables ne peuvent à elles seules couvrir, à terme, nos besoins en énergie et de continuer, en même temps, à être la principale source de nos revenus en devises. Compte tenu des atouts considérables de notre pays en énergie solaire, la transition vers les énergies renouvelables s’impose comme une alternative stratégique pour pérenniser notre sécurité énergétique et honorer nos engagements vis-à-vis des objectifs du développement durable et l’effort global de lutte contre le changement climatique. Cette transition offre également des perspectives en termes de R&D et de l’innovation et de l’émergence d’une industrie locale du renouvelable, créatrice de richesse et d’emplois. Pour ce faire, il faut d’abord commencer par mettre en place un cadre réglementaire clair pour faciliter son application sur le terrain et pour éviter des erreurs pouvant entraîner des retards dans l’exécution du programme. Elle doit être également stable dans le temps, le renouvelable exige des investissements et des garanties à long terme. Aussi, il faut mettre en place une cartographie des sites devant abriter les parcs solaires ou éoliens selon le potentiel, le besoin en électricité, la proximité du réseau électricité et surtout en tenant compte du Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT) et des différents programmes (un million d’hectares irrigués, zones industrielles, usines de dessalement de l’eau de mer qui consomment énormément d’énergie, zones d’extension touristiques, etc.). L’approche intersectorielle doit être de mise dans l’exécution du programme. La conjoncture financière actuelle de notre pays et du monde entier coïncide également avec la baisse des prix du renouvelable sur le marché international pour des raisons devenues connues par tout le monde et documentées dans tous les rapports des agences et think tanks internationaux. La nouvelle démarche qui consiste en l’ouverture du marché du renouvelable aux opérateurs privés nationaux et étrangers moyennant des appels d’offres est une option qui a montré ses preuves dans plusieurs pays. Cependant, il faut que les modalités et les cahiers des charges soient clairement précisés en termes de garantie d’investissement, de l’accès au foncier, du raccordement des centrales aux réseaux électriques (le code réseau algérien gagne à être actualisé pour s’adapter au renouvelable qui est différent du conventionnel), de garantie de paiement en monnaie locale ou étrangère (à définir clairement), le choix des technologies, de la qualité des équipements qui doivent manifester de meilleures performances dans des conditions extrêmes du Sud de l’Algérie (température élevée, vent de sable) et répondre aux normes de qualité, la question de l’intégration nationale doit être clairement définie et à quel taux, l’industrialisation d’un segment ou de tout l’équipement doit être également clarifiée… - L’Etat a annoncé que d’ici la fin de l’année, 343 MW d’électricité seraient issus du solaire et de l’éolien et que 16 centrales étaient déjà opérationnelles. Sans élément de comparaison, ces chiffres ne sont pas très parlants. Alors, si on devait les comparer aux résultats du Maroc, souvent présenté comme un champion du renouvelable, qu’est-ce que ces chiffres diraient ? L’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA) a analysé déjà ces chiffres dans son rapport publié le 7 avril 2016 en classant l’Algérie en deuxième position derrière l’Afrique du Sud en termes de puissance installée dans la filière énergie solaire photovoltaïque en Afrique, et ce, sans compter les centrales réalisées en 2016. Il faut souligner que ces 20 centrales solaires photovoltaïques de 343 MW ont été réalisées par SKTM, filiale de Sonelgaz, en s’appuyant sur l’expertise des centres de recherche spécialisés dans le domaine, entre 2014 et 2016 et avec des fonds 100% algériens. Si on fait l’agrégation de tout ce qui a été réalisé, nous sommes autour de 400 MW en capacité installée en renouvelable. Cela reste modeste au vu du grand potentiel de notre pays en matière des gisements d’énergies renouvelables. Maintenant, il faut que l’évaluation de cette expérience puisse nous permettre de tirer les leçons nécessaires afin de lever certains verrous d’ordre technique, opérationnel et réglementaire. Le déploiement de ces centrales a également permis de développer l’expertise locale dans la réalisation des projets EPC (Engineering, Procurement & Construction), dans l’O&M (Operating and Maintenance) et de faire l’arbitrage approprié quant aux technologies du renouvelable résilientes aux conditions climatiques extrêmes du Sud. Tout ce capital d’expérience devra servir à mieux élaborer les cahiers des charges et à la mise en œuvre du programme.  


Lire la suite sur El Watan.