Les lois et les programmes sans résultats pour le monde des PME



...

La hausse du taux de chômage en septembre dernier chez les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur (28,2%) et de la formation professionnelle (27%) vient rappeler que le rythme de création d’entreprises est en déséquilibre total avec les besoins en emplois. Et pourtant, ce ne sont pas les annonces qui ont manqué au cours de ces dernières années concernant les mesures d’appui aux PME, aux TPE et aux startups dans le cadre des différents programmes. Dans le précédent plan quinquennal 2010-2014, l’objectif était de créer 200 000 entreprises par an. Un chiffre loin d’être atteint. L’une des raisons qui explique entre autres le retour à la hausse du chômage, particulièrement chez les jeunes. Et voilà qu’aujourd’hui on tente de donner un autre coup de pouce pour attirer l’implantation des projets et capter les investissements via le nouveau modèle de croissance économique. «La croissance sera dorénavant cherchée dans l’entreprise sur la base du nouveau modèle économique de croissance», avait d’ailleurs souligné le Premier ministre Abdelmalek Sellal en novembre dernier, lors de la réunion walis-gouvernement. Une occasion durant laquelle l’appel avait été lancé aux élus locaux pour accorder une importance particulière à l’accroissement de l’offre foncière, la simplification des procédures administratives et l’accompagnement des opérateurs, rappelant que 2017 est l’année de la dernière chance. Une année qui commence pour le monde des entreprises avec de nouvelles orientations dans le cadre réglementaire via la nouvelle loi d’orientation sur le développement de la PME dont l’objectif est de passer à «un nouveau palier de croissance économique». Incertitudes Comment sont vus ces changements ? «On commence l’année dans l’incertitude. On nous annonce de nouvelles mesures, mais on ne voit pas comment», résume Amar Moussaoui, chef d’une entreprise spécialisée en maroquinerie. Et de poursuivre : «De toutes les façons, quel que soit le changement, l’environnement ne joue pas en faveur de l’entreprise. C’est surtout à ce niveau qu’il y a lieu d’intervenir, surtout pour éviter les deux poids, deux mesures.» Eviter de telles pratiques dans l’octroi des crédits et la libération des assiettes foncières, que ce soit pour l’extension ou pour le lancement des nouveaux projets. Car «sur le terrain, l’investisseur est perdu. Il est livré à lui-même», reconnaît un cadre du secteur, pour qui les lois n’apportent pas grand-chose sans communication et sans management efficace. C’était le cas d’ailleurs pour le programme de mise à niveau qui a fini par avoir des résultats très en deçà des attentes et qui était, pour rappel, l’objet de divergences entre différents responsables. Au total, sur les 20 000 PME prévues par le programme, seules 7000 ont pu bénéficier de l’enveloppe consacrée pour l’amélioration de la compétitivité, selon le Conseil national consultatif de la PME (CNC/PME). Cela pour illustrer le manque de sensibilisation et de transparence dans la mise en œuvre des mesures décidées. Ce que risque de subir la nouvelle loi sur la PME Plus de pouvoir à l’ANDPME «Il faut de la communication autour de la nouvelle loi, sinon ça ne marchera pas», nous dira le cadre du secteur avant de préciser : «Ce n’est pas la loi qui va arranger la situation. C’est plutôt le management et l’organigramme à mettre en place. Ces managers à la tête des différents organismes sont-ils autonomes ?» s’interroge encore notre source, donnant l’exemple de l’Agence nationale de développement de la PME (ANDPME) dotée à la faveur de la nouvelle loi portant orientation de la PME de plus de pouvoirs (changement de statut) pour la promotion de l’investissement. Or, pour atteindre cet objectif, faudrait-il aussi jouer sur d’autres facteurs, à savoir améliorer le climat des affaires dont la nouvelle loi sur l’investissement n’a rien apporté, selon notre source qui déplorera : «Il y a eu juste un nettoyage». Et ce, au moment où les opérateurs économiques continuent à faire face aux différents blocages, essentiellement le foncier et les financements. Sur ces deux chapitres, les difficultés s’enchaînent, que ce soit pour les anciennes entreprises ou pour celles nouvellement créées. A titre illustratif, pour les nouveaux parcs industriels dont les chantiers remontent à 2012, ce ne sera qu’au cours de ce premier trimestre de l’année en cours que seront lancés les travaux de réalisation des 50 parcs industriels destinés à l’investissement. Soit un retard de cinq ans. Les investisseurs qui ont réussi au prix de moult interventions et démarches à bénéficier de terrain sont loin d’être bien nantis. Et pour cause, ces assiettes sont situées dans des zones où les conditions n’ont rien à voir avec des zones industrielles. Ni viabilisation ni éclairage public, pour ne citer que ces manquements. «Comment pourrait-on contribuer à créer de l’emploi quand tous les facteurs ne jouent pas en notre faveur. J’attends depuis des années qu’on me libère un terrain pour l’extension de mon usine, mais toujours rien», se plaint un industriel dans l’agroalimentaire de la région d’Akbou. Les startups face aux difficultés financières Même les startups censées avoir l’appui du gouvernement pour leur développement déplorent les conditions dans lesquelles elles évoluent. Chouaïb Atoui, manager de Creactivinno, nous dira à ce sujet : «Le monde des startups n’est pas évident. En cause, le problème du financement.» Pour notre jeune entrepreneur, les entreprises technologiques ne baignent pas dans un environnement favorable. «En termes d’accompagnement, nous avons besoin de financements. Or, les banques ne nous font pas confiance, alors qu’ailleurs ce sont les startups qui créent de l’emploi», regrette Chouaïb Atoui soulignant qu’elles sont nombreuses les startups à avoir arrêté après avoir passé du temps et dépensé de l’argent pour le lancement d’un produit prototype. Au problème financier, s’ajoute celui des marchés publics. «Un marché contrôlé par les grandes entreprises», poursuivra le jeune entrepreneur qui résumera ainsi la situation : «La société ne valorise pas la création de technologies». Il reste à savoir si la création d’un fonds d’amorçage pour les start-up pour financer les frais de recherche et de développement, le business plan, le prototypage, l’emballage boosteront ce créneau. Certains sont sceptiques à ce sujet. C’est le cas de Mohamend Amokrane Zoreli, enseignant à l’unversité de Béjaïa. «On parle de mesures d’aide à la création de startups. Sur ce plan, je vais prendre le cas de Taïwan et le cas de l’Algérie. Taïwan, entre le début des années 1980 et 2007, a pu construire trois parcs scientifiques atteignant à 2007 un chiffre d’affaires de 2000 milliards de TWD et deux clusters, et avait trois parcs scientifiques en construction. En Algérie, on parle depuis le début des années 2000 du parc technologique de Sidi Abdellah et jusqu’à aujourd’hui on n’y voit rien de plus qu’une ville ayant un peu plus de moyens de vie que les autres du pays, où vont bientôt paraître des problèmes de gestion, d’entretien et d’extension ingérables», dit-il. Une manière de rappeler que presque en deux décennies les choses n’ont pas évolué en matière de startups. Que des engagements et quelques petits exemples de réussite. La Recherche, le maillon faible Notre enseignant va plus loin en posant le problème de la recherche. «Des mesures d’aide à la recherche-développement sont prévues. Or, il est connu que les PME ne font pas de la recherche-développement. Au mieux, elles exploitent les résultats de recherches réalisées dans les secteurs publics de recherche fondamentale ou appliquée», analysera M. Zoreli. Et d’enchaîner dans le même sillage : «Les PME n’ont pas de capacités d’exploitation des résultats de la recherche, de les transformer en innovations. C’est la même chose pour les mesures d’aide à l’innovation, puisque pour réaliser des modifications innovantes, il faut d’abord avoir les moyens de recherche consacrés spécialement pour cela ; il faut déjà avoir une équipe de spécialistes compétents, ce qui n’est pas le cas de nos PME.» Pour illustrer ses propos, M. Zoreli reviendra sur les résultats d’une étude récente (2016) ayant porté sur les PME familiales du territoire de la wilaya de Béjaïa, laquelle a montré que ces PME dépendent totalement, du point du vue innovation, de l’extérieur et elles ne pratiquent pas une veille informationnelle, au point qu’elles ne soucient guère des rapports de stage et mémoires que les étudiants réalisent à leur niveau. Pourquoi ? «En partie parce qu’elle ont ce handicap de capacités», expliquera t-il, jugeant ridicule cette mesure portant création d’un système d’information dédié aux PME tout simplement parce qu’il n’y a même pas une base de données renseignant sur les PME par catégories, par secteurs d’activité, que ce soit au niveau local ou à l’échelle nationale. «On veut donc répondre à des besoins de la frange de PME qu’on ne connaît même pas et qui, de plus, ne pratiquent pas de veille informationnelle et technologique», déplorera notre chercheur pour qui le plus important est de s’inscrire dans une logique concurrentielle. Ce qui ne peut se faire sans changement de mode de gouvernance.  


Lire la suite sur El Watan.