«La loi doit être associée au climat général des affaires»



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Beaucoup de mesures incitatives ont été lancées ces dernières années pour diversifier l’économie, mais la réalité semble difficile pour les PME déjà existantes. Pourquoi ? Depuis la prise en main de son destin, l’Algérie, par le biais de ses pouvoirs publics successifs, a connu des étapes distinctes de politiques de développement, passant ainsi de la «Révolution agraire», à la «Révolution industrielle centralisée», et puis, pour finir, la «Révolution entrepreneuriale» avec l’ouverture de l’économie algérienne à l’investissement privé, qu’il soit national ou étranger appuyée par des mesures de soutien. Cette réalité semble arriver à ses limites. L’état global du marché est marqué par une forte mutation d’une économie d’échelle vers une économie d’envergure caractérisée par une compétition intensive ; un marché imprévisible, turbulent et segmenté ; des produits et des systèmes de production ayant un cycle de vie de plus en plus court ; et enfin une valeur ajoutée générée plus par la connaissance que par la matière première. Dans cet environnement mutant et changeant, la compétitivité de l’entreprise dépend de plus en plus de sa capacité d’anticipation et d’adaptation. Il est alors nécessaire que les pouvoirs publics prennent conscience que la politique de développement économique de l’Algérie de demain devra surgir des choix stratégiques et d’une vision globale de notre positionnement aux niveaux national, régional et international. En d’autres termes, la compétitivité de l’Algérie de demain, se fera par un choix stratégique de secteurs compétitifs et à forte valeur-ajoutée. Pour être concret, il faut sortir des discours et des décisions émanant du haut vers le bas ! Le politique se doit aujourd’hui d’aller plus en profondeur dans les territoires au niveau national, s’enquérir de la réalité du terrain. Les décisions politiques sur l’investissement devraient surgir des préoccupations des artisans, des chefs d’entreprise, des Collectivités locales et des citoyens locaux. Une décision émanant du bas pour alimenter le haut. La PME est un acteur qui vit dans et de son environnement, c’est un écosystème, un équilibre qu’il faut protéger par des mesures d’accompagnement, de facilitation et de soutien. Pour Keynes, les déséquilibres économiques peuvent trouver leur origine au sein même de l’économie, notamment dans des anticipations fausses des acteurs économiques. Les déséquilibres du marché causés, à titre d’exemple, par la pratique informelle ou par des mesures coercitives entrave le bon fonctionnement de l’activité économique. Cet écart par rapport à l’équilibre ne se résout pas de lui-même et nécessite l’intervention de l’Etat. Ce dernier doit être un symbole fort de régulation et de gouvernance des marchés. Les entrepreneurs, qu’ils soient locaux ou internationaux (IDE), ont besoin de garanties et de confiance, c’est une exigence pour garantir un investissement durable, et donc le développement de l’activité économique. Pour finir, il faudra replacer l’entreprise dans son contexte et son environnement, revenir au local comme facteur de développement national. La diversification et le développement de l’activité économique émaneront des potentialités locales. Si nous souhaitons concrètement sortir de notre dépendance aux hydrocarbures, il est nécessaire d’identifier toutes les potentialités locales dont dispose l’Algérie, de l’Est à l’Ouest et du Nord au Sud. Chaque localité recèle des richesses et des savoir-faire énormes qui ne demandent qu’à être reconnus, soutenus et accompagnés pour que ceux-ci se développent aux niveaux régional, national et même international. C’est à partir là que nous pourrions tracer nos orientations stratégiques et notre vision globale de développement économique de l’Algérie à l’horizon 2050, par exemple en adaptant les formations, les inputs, la logistique et le financement nécessaires, etc. Quelles sont les mesures les plus importantes de la nouvelle loi sur la PME ? Je pense qu’il est fondamental, en toute objectivité, de nous poser la question suivante : quel est le bilan des dernières mesures, en particulier en termes d’avantages financiers dont ont bénéficié certains groupes industriels, les assainissements financiers, les taux d’intérêts bonifiés, l’exonération de la TVA en termes de création de valeur ajoutée, d’emplois productifs, notamment des entreprises créées par les différentes institutions ANDI, Ansej, Anjem, CNAC ? L’évaluation des précédentes mesures permettra de dégager les atouts à maintenir, les faiblesses à corriger, les opportunités à développer et les menaces à écarter. C’est dans ce cadre qu’émaneraient d’autres mesures de rééquilibrage et d’ajustement. La nouvelle loi d’orientation sur le développement de la PME est une réforme d’urgence ! Elle vient consolider et soutenir les réformes que doit mener l’Algérie pour sortir de cette crise économique causée par notre indéfectible dépendance aux hydrocarbures. Une nécessité absolue pour aller vers la diversification de l’appareil productif. Les nouvelles mesures apportées dans cette nouvelle loi qui s’adosse à la loi d’orientation de 2001 peuvent être résumées en trois points essentiels. Le premier traite de la définition même de la Petite et moyenne entreprise (PME) qui, à mon sens, l’adapte à la réalité économique actuelle de notre pays. La PME est définie dans l’article 5 comme étant «une entreprise de production de biens et/ou de services employant une (1) à 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas à 4 milliards de dinars ou dont le total du bilan annuel n’excède pas à 1 milliard de dinars, avec un capital qui n’est pas détenu à 25% et plus par une ou plusieurs autres entreprises ne correspondant pas à la définition de la PME». Le nouveau chiffre enregistré, c’est le relèvement des seuils des chiffres d’affaires à 4 milliards de dinars (contre 2 milliards précédemment). Le champ d’application de cette loi a été également élargi, puisqu’il prend en charge et permet, désormais, à la catégorie d’entreprises (PME) dont le capital social est détenu à hauteur de 49% par une ou plusieurs sociétés de capital-investissement et qui respectent les autres critères de définition d’une PME, ainsi que celles cotées en Bourse, de bénéficier des dispositions de cette nouvelle loi. Succinctement, le second point porte sur le soutien et avantages accordés aux PME dans l’objectif de redynamiser l’activité économique par l’investissement. Le texte prévoit des mesures de soutien dans le domaine de la création, de la recherche-développement, de l’innovation, du développement de la sous-traitance, de la reprise des activités viables en difficulté. Elles visent à diversifier et développer les PME et faciliter l’accès des PME au foncier qui, en effet, est un réel handicap pour le développement des entreprises. Nous citerons également, parmi les principales mesures, la mise en place de régimes fiscaux adaptés aux PME, faciliter l’accès aux instruments et services financiers adaptés à leurs besoins, les Bourses de sous-traitance et les groupements, etc. Certaines PME dont l’activité répond aux objectifs et priorités des territoires pourront bénéficier de l’aide et de soutien de l’Etat, financées du compte d’affectation spécial du «Fonds national de mise à niveau des PME, d’appui à l’investissement et de promotion de la compétitivité industrielle». Nous pouvons en déduire par ces mesures d’atteindre l’objectif de mettre en place une politique de développement sûr et durable des PME et la promotion de l’innovation. Le troisième point que nous retenons de cette nouvelle loi, c’est la création d’un Fonds d’amorçage pour les startups, une nouveauté pour l’Algérie. L’objectif étant d’encourager la création de start-up innovantes qui servira à financer en amont, par exemple, la conception du produit prototype (frais de recherche et de développement, business plan, prototypage, emballage, etc.). Ces mesures sont encourageantes, mais sont-elles suffisantes ? La loi est un instrument de cadrage, mais seule elle ne permet pas l’amorçage. La loi doit être associée au climat général des affaires et à la vision économique de l’Etat. Comment faire pour que cette loi ne connaisse pas le même sort que le programme de mise à niveau des PME ? La lecture des différentes politiques publiques de développement de l’investissement, depuis 1962 à nos jours, met en relief la volonté de l’Etat d’accroître le secteur industriel et de s’ouvrir davantage au privé, notamment à partir des années 90’. C’est une réalité incontestable, justifiée par l’exponentiel taux de création d’entreprises depuis le début des années 2000, avec la promulgation de la loi d’orientation de 2001. En parallèle, nous observons une autre réalité qui rend l’acte d’entreprendre très complexe et difficile à réaliser, que ce soit au niveau administratif et fiscal, ou au niveau du financement et de l’accès au foncier industriel. Cette réalité incontestable a fait réagir pendant ces dix dernières années les chefs d’entreprise, la presse nationale et quelques organismes internationaux. Comment faire pour y remédier ? Bonne question ! Comme je le disais précédemment, il ne suffit pas de promulguer des lois pour que l’économie se développe ; encore faudrait-il les mener jusqu’au bout ! Evaluer, rendre compte de ce qui a été fait ou pas. C’est comme ça que nous pourrions avancer en faisant de nos erreurs nos futurs atouts et de nos atouts notre excellence. L’entrepreneuriat ne se décrète pas, il s’assume et c’est aux pouvoirs publics de créer un environnement approprié pour qu’il s’épanouisse. Nous devons impérativement sortir de la logique de l’entrepreneuriat de nécessité et de soutenir davantage l’entrepreneuriat d’opportunité qui, à mon sens, est l’essence du développement de l’entreprise en Algérie. Dans l’absolu, l’objectif fixé par le programme de mise à niveau des PME était très ambitieux et avait pour enjeux l’amélioration de la compétitivité des entreprises et le renforcement de son positionnement sur son marché. Cependant, la démarche de mise en œuvre de ce programme a provoqué, à mon sens, son échec, puisque seules quelques dizaines d’entreprises ont bénéficié de ce programme, contre 2000 prévues au préalable. L’environnement économique est un ensemble d’acteurs qui agissent et interagissent dans un cadre organisé et régulé agissant, en grande partie, sous contrat moral et dont le maître-mot est «la confiance» ! La réussite de ce nouveau modèle doit être impérativement soutenue par des signaux forts de l’Etat envers les autres acteurs économiques au sens large, y compris à l’international : assouplissement des contraintes, respect des engagements, présence régalienne de l’Etat, et surtout offrir des garanties de maintien de l’équilibre des marchés par la stabilisation du cadre réglementaire, la lutte contre les pratiques de corruption et de marché parallèle et la protection de l’activité industrielle nationale. Nous avons également besoin de capitaines d’industrie, à l’exemple de Cevital et quelques autres entreprises. Des référents fort indispensables pour les générations futures d’entrepreneurs. Des exemples de réussite à consolider et à renforcer et qui véhiculent tout une symbolique : «C’est possible de réussir en Algérie». Aussi, il est nécessaire de souligner l’importance et le rôle prépondérant des banques pour soutenir les jeunes entreprises dans leur développement et croissance ; c’est une équation sine qua non pour le développement des PME et espérer diversifier notre tissu économique.  Le ministère de l’Industrie et des mines veut faire de cette année celle de la sous-traitance. Les conditions sont-elles réunies à cet effet ? Tout le monde est convaincu que le secteur de la sous-traitance est incontestablement un secteur qui se développera le mieux en Algérie sur le moyen et long terme. A titre d’exemple, l’industrie textile, qui était un des fleurons de l’Algérie des années 70’ et 80’, était pourvoyeur d’emplois à tous les niveaux de la chaîne. La multiplication des contrats pour la fabrication de véhicules en Algérie augure d’une plausible émergence d’entreprises sous-traitantes spécialisées dans les différents intrants. D’autres secteurs sont prometteurs et générateurs d’externalités positives, comme les énergies renouvelables. Aujourd’hui, nous sommes aux balbutiements de l’émergence de la sous-traitance en Algérie et afin de lui faciliter son développement, elle doit faire l’objet de facilitations et de soutien de la part de l’Etat, comme l’accès aux financements pour l’importation des équipements, la formation des compétences, l’accès au foncier industriel, des avantages fiscaux et parafiscaux et des mesures protectionnistes contre l’importation. Comme sus-mentionné, il existe aujourd’hui en Algérie des PME qui disposent de véritables potentialités à même d’accompagner et d’alimenter l’industrie en amont et en aval. Nous citerons, à titre d’exemple, l’industrie mécanique qui est présente à Alger, Blida, Tizi Ouzou et dans d’autres wilayas. Un savoir-faire qui est appelé à se développer à grande échelle s’il est bien pris en charge. Pour ce faire, il est urgent que les pouvoirs publics prennent conscience de l’importance d’identifier les entrepreneurs locaux au niveau national qui disposent de compétences et de savoir-faire et de les mettre en relation avec les secteurs qui les recherchent. L’objectif c’est de créer une synergie productive à partir la mise en place d’un système d’information national.   * CREAD : Centre de recherche en économie appliquée pour le développement  


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