Ces leaders malades qui gouvernent le Maghreb



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Le député français Jean Glavany a dit tout haut ce que nombre de diplomates et responsables des services secrets de l’Europe du Sud pensent tout bas et qui les inquiète : les chefs d’État du Maghreb sont âgés ou souffrent de diverses affections médicales qui peuvent fragiliser les pays qu’ils gouvernent. Leur déstabilisation supposerait une pelletée de nouveaux problèmes pour un Vieux Continent déjà en crise à cause des réfugiés, du Brexit, etc.

Glavany, ancien ministre de l’Agriculture et ex-directeur de cabinet du président François Mitterrand, présentait, mercredi 18 janvier, un rapport sur la coopération entre l’Europe et le Maghreb devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.

Son franc-parler a déplu à Elisabeth Guigou, la présidente de la commission, qui lui a rappelé que la séance était ouverte aux oreilles indiscrètes de la presse. Seule la chaîne de télévision publique LCP, qui couvrait la réunion, s’en est fait écho deux jours après.

Après avoir évoqué l’état de santé des présidents tunisien et algérien, Glavany a ensuite encensé le roi Mohamed VI (53 ans), décrit comme « courageux » et « visionnaire ». Puis il a osé faire ce qui semble être une révélation : « Je ne suis pas porteur de secrets médicaux mais tout le monde sait qu’il est atteint d’une maladie à l’évolution lente; qu’il est soigné à coups de cortisone et que lui aussi représente, après Essebsi [Tunisie] et Bouteflika [Algérie], des pouvoirs personnels qui sont d’une grande fragilité et sur lesquels pèsent beaucoup de points d’interrogation ».

La prise de cortisone, que mentionne le député socialiste, expliquerait sans doute l’embonpoint du souverain depuis quelques années. Elle a été évoquée une première fois en 2009 par le journal marocain, aujourd’hui disparu, « Al Jarida Al Oula ». Cela lui a d’ailleurs valu quelques ennuis. La maladie chronique du monarque n’est cependant en rien comparable à celle de ses pairs maghrébins. Eux ne pourraient pas, comme l’a fait le roi à l’automne dernier, faire de longues tournées en Afrique pour promouvoir l’adhésion du Maroc à l’Union africaine.

Des trois chefs d’État de la région c’est, de loin, Abdelaziz Bouteflika, sur le point d’avoir 80 ans, qui est le plus souffrant. Opéré d’urgence en novembre 2005 à l’hôpital du Val-de-Grâce à Paris d’un « ulcère hémorragique au niveau de l’estomac », il a été frappé huit ans après par un accident vasculaire cérébral qui a affecté sa mobilité et son élocution. Il est d’ailleurs en chaise à roulette.

| LIRE AUSSI : Un rapport officiel français s’alarme de l’état de santé de Bouteflika et de Mohamed VI

« Il est tassé dans son fauteuil, très essoufflé, la voix faible ». C’est ainsi que le décrit dans son livre « Ce que je ne pouvais pas dire », Jean-Louis Debré, ancien ministre français de l’Intérieur, qui lui avait rendu visite en décembre 2015 à Alger. « Un petit micro collé contre sa bouche permet de mieux entendre ce qu’il dit », poursuit-il. « Il a bien des difficultés pour s’exprimer ». « À plusieurs reprises, il doit s’interrompre (…) ». « Il me faut être particulièrement attentif pour réussir à le comprendre ». « Bouteflika est-il encore en capacité de diriger l’Algérie ? », se demande Debré à la sortie de l’audience. Certains dirigeants de l’opposition algérienne répondent à la question en évoquant « une vacance du pouvoir » dont profiteraient certains des proches du Président.

Le Tunisien Béji Caid Essebsi est le troisième chef d’État le plus âgé de la planète après la reine Elisabeth d’Angleterre et Robert Mugabe, le président du Zimbabwe. Ses 90 ans lui pèsent un peu. Une absence non prévue, lors de la prière de l’Aid el-Fitr, en juillet 2016 par exemple, provoqua une fois de plus les rumeurs les plus folles que son fidèle porte-parole, Moez Sinaoui, s’empressa de démentir. Essebsi se permet de blaguer sur les douleurs qu’il endure. Lors d’un meeting l’année dernière, il raconta qu’un médecin lui avait dit : « Si à ton âge tu te réveilles et que tu n’as pas mal aux jambes, aux bras, aux articulations… C’est que tu es tout simplement mort ».

« Je suis frappé de voir à quel point tout tourne autour de ces hommes et de leur fragilité, fragilité extrême », s’inquiétait le député socialiste à l’Assemblée nationale. Il aurait pu ajouter à la liste des leaders vulnérables le président mauritanien, le général Mohamed Ould Abdelaziz, âgé de 60 ans. Il jouit apparemment d’une bonne santé mais les coups de feu, tirés sur lui par erreur par un soldat en octobre 2012 -il a été évacué sur Paris- ont bien failli le tuer.

En Europe du Sud, ce n’est pas tant la « fragilité » physique des gouvernants tout-puissants qui préoccupe, mais celle du système politique qu’ils chapeautent. Il y a certes des dispositions constitutionnelles qui prévoient que faire en cas de vacance du pouvoir, mais il n’est pas sûr qu’elles seront respectées.

Ce qui frappe aussi, c’est l’opacité qui entoure la santé des gouvernants maghrébins. Mohamed Abdelaziz, le leader de l’entité fondée par le Front Polisario (République arabe démocratique saharaouie), est mort à 68 ans d’un cancer du poumon qui a plombé les dernières années de sa vie. Jamais il n’a informé les réfugiés de Tindouf de sa maladie ni de son hospitalisation aux États-Unis où il est d’ailleurs décédé en mai 2016.

L’Algérie a fait quelques progrès dans ce domaine. Maintenant, avant que la rumeur ne se répande, El Mouradia a pour habitude de publier un communiqué annonçant que Bouteflika est arrivé à Grenoble « pour des contrôles médicaux périodiques » au Groupe Hospitalier Mutualiste de la ville où travaille désormais le docteur Jacques Monségu, son cardiologue attitré.

Ces communiqués ne rentrent dans aucun détail. Ce ne sont pas les bulletins de santé du chef de l’État auxquels devrait avoir droit une citoyenneté mature dans une société démocratique. Celle-ci a le droit de savoir avec précision comment se porte celui qui tient les rênes du pays.

Driss Chahtane, directeur de l’hebdomadaire marocain « Al Michaal », a voulu en savoir plus sur « l’infection à rotavirus avec signes digestifs et déshydratation aiguë » dont souffrait Mohamed VI, après un communiqué du Palais diffusé en août 2009. Pour ce faire, il interviewa un médecin qui expliqua à ses lecteurs ce qu’est un rotavirus. Mal lui en prit ! Il fut condamné à un an de prison et 10.000 dirhams (900 euros) d’amende. Le roi le gracia et il sortit de prison avant d’avoir accompli toute sa peine.

À trois reprises, le Palais a publié des bulletins détaillés sur la santé du souverain, mais jamais sur cette maladie que lui attribue le socialiste Glavany. Après celui du rotavirus, il y eut, en novembre 2014, celui sur « le syndrome grippal aigu avec fièvre à 39,5 degrés compliqué d’une bronchite ». Tant de détails furent nécessaires pour justifier l’annulation d’un voyage officiel en Chine que le souverain était sur le pont d’entreprendre.

Juste un an après un nouveau communiqué signala la réapparition du syndrome grippal. Pour se rétablir, Mohamed VI devait prendre entre 10 et 15 jours de repos, selon son médecin. Cela n’étonna pas trop les Marocains qui avaient vu leur roi éprouvé en prononçant devant les caméras son discours annuel à l’occasion de la Marche Verte qui commémore la prise de contrôle du Sahara occidental par le Maroc.

Mais en matière de transparence médicale, les Européens, à commencer par la France, l’ancienne puissance coloniale, ne sont pas bien placés pour donner des leçons aux Maghrébins. Le président Georges Pompidou a caché jusqu’à sa mort, en 1974, sa maladie, un cancer hématologique. François Mitterrand a feint d’informer l’opinion publique, mais il a truqué les bulletins de santé pour dissimuler son cancer de la prostate. C’est François Hollande qui a été jusqu’à présent le plus limpide publiant tous les six mois ses bilans de santé.

« L’exemple le plus marquant est celui des États-Unis », expliquait récemment dans une interview le journaliste Laurent Léger, co-auteur du livre « Le dernier tabou. Révélations sur la santé des présidents ». « Outre-Atlantique, le président et les candidats rendent des comptes extrêmement précis sur leur état de santé », poursuivait Léger. « John McCain, candidat en 2008, avait communiqué 1.100 pages d’analyses médicales. Barack Obama a rendu public son bilan de cholestérol et les antécédents cancéreux de ses parents et de ses grands-parents. Il n’y a pas de loi les y obligeant, mais c’est une pratique communément admise. » On est loin du compte en Europe, et encore plus au Maghreb.


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