«Je veux apporter un regard neuf sur l’Algérie»



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Candidat à l’élection présidentielle française d’avril prochain, Emmanuel Macron est en visite de deux jours à Alger, et ce, à partir d’aujourd’hui. Un accueil d’Etat lui sera réservé. Alger lui déroule le tapis rouge. Il sera reçu par le Premier ministre, M. Sellal, par les ministres des Affaires étrangères, de l’Industrie, de l’Education, et des Affaires religieuses. Issu de la génération des hommes politiques tournée vers le futur et qui n’a pas connu la Guerre d’Algérie, M. Macron n’ignore pas le poids du passé. «Etre d’une génération qui n’a pas connu la Guerre d’Algérie ne me rend pas amnésique», professe-t-il.   En quoi votre déplacement en Algérie est-il nécessaire pour votre campagne présidentielle ? Je ne viens pas ici pour cocher une case que tout candidat à la présidence de la République française se devrait de cocher. Je viens ici parce que je pense que les relations entre la France et l’Algérie reposent sur une histoire complexe, riche, douloureuse souvent, et d’une importance fondamentale.  Je suis venu plusieurs fois lorsque j’étais ministre de l’Economie et que je participais aux réunions du Comité mixte franco-algérien, et j’ai pu alors toucher du doigt cette relation singulière qui nous unit. Etre candidat à la présidence de la République, c’est savoir identifier les priorités. Pour la France, l’Algérie est une priorité. Le dialogue avec les Algériens est essentiel. L’histoire qui nous lie est ancienne et elle a forgé nos deux pays. Je souhaite que nous entrions dans une nouvelle phase de notre histoire et je veux placer nos relations dans un avenir partagé, riche des liens tissés entre nos deux peuples. Nous devrons ensemble trouver des domaines de coopération et travailler sur des projets précis, en particulier tournés vers la jeunesse. Etes-vous porteur d’une nouvelle politique dans les relations algéro-françaises, ou faut-il se contenter de quelques réajustements des rapports actuels entre les deux pays ? Je ne peux pas être indifférent ni aux efforts de convergence menés ces dernières années entre nos deux pays ni aux mots importants et sensibles qui ont été prononcés depuis plusieurs années, je pense aux discours de Sétif, de Guelma, à celui de Constantine et à celui d’Alger, notamment en 2012, à l’occasion de la visite d’Etat du président de la République, François Hollande. Il serait irresponsable de balayer d’un revers de la main des années de dialogue et d’amitié. Il serait aussi naïf de considérer que l’on peut faire table rase du passé et refonder à partir de rien et de manière unilatérale les relations algéro-françaises. La force de nos liens vient de notre histoire, des épreuves que nous avons traversées, des obstacles que nous avons su franchir. Mais en même temps, vous l’avez dit, je suis d’une génération qui n’a pas connu la Guerre d’Algérie, je veux apporter un regard neuf sur l’Algérie et un rapport nouveau avec l’Algérie. Ce partenariat renouvelé que nous attendons depuis des années, je veux lui donner du corps, de la matière, et pour cela je veux mettre en avant les projets de coopération, les solutions concrètes entre nos deux pays dans les domaines de l’économie, de l’éducation, de l’innovation technologique, en nous appuyant notamment sur la jeunesse. La jeunesse algérienne est une formidable chance pour l’Algérie, si elle peut s’exprimer dans des projets innovants, dans des entreprises fondées en Algérie mais qui travaillent avec le monde entier, à commencer par la France et l’espace francophone. Pour cela, je veux mettre à contribution la richesse extraordinaire que constitue la communauté franco-algérienne qui vit entre nos deux pays. Quel peut être le message politique d’un homme qui n’est pas de la génération qui a connu la Guerre d’Algérie ? Personne ne peut s’affranchir du passé. Un dirigeant politique est comptable de l’histoire de son pays et doit respecter la mémoire de ceux qui ont fait cette histoire et de ceux qui ont souffert. Etre d’une génération qui n’a pas connu la Guerre d’Algérie ne me rend pas amnésique. En outre, dans mon enfance, ce souvenir était encore brûlant. Aujourd’hui, je crois que la France et l’Algérie sont suffisamment fortes pour construire ensemble un futur commun, avec toutes les générations et notamment avec notre jeunesse. Ce futur est fait de relations humaines, d’échanges économiques, de projets culturels, scientifiques, écologiques, entrepreneuriaux. Autour de la France et de l’Algérie, nous pouvons créer un axe fort, porteur d’une ambition collective pour la Méditerranée et l’Afrique. Comme le moteur franco-allemand a permis à l’Europe de se construire, je pense que le partenariat entre la France et les pays du Maghreb, et en premier lieu pour de multiples raisons avec l’Algérie, peut fonder une politique méditerranéenne et une politique africaine qui soient faites, justement, pour apporter des opportunités aux nouvelles générations, dans un esprit de paix, de dialogue et de partenariat équilibré. Certains milieux économiques algériens reprochaient le «peu d’intérêt» économique que vous accordiez à l’Algérie, lorsque vous étiez patron de Bercy. Qu’en dites-vous ? Au contraire, j’ai été l’un des ministres les plus engagés en Algérie et sur les dossiers algériens. Je me suis rendu en Algérie à plusieurs reprises, à Alger mais aussi à Oran, par exemple, pour l’ouverture de la nouvelle usine Renault. J’ai suivi de nombreux projets de co-investissements et de nombreux dossiers d’intérêt commun. Alors que j’étais ministre, ma priorité était de recréer, en France, les conditions d’une croissance libérée et plus durable, mais à l’international, j’ai été presque autant impliqué sur les dossiers algériens que sur les dossiers franco-allemands. J’en suis très heureux, car comme je le disais au début de cet entretien, les relations entre la France et l’Algérie sont fondamentales. Quelle place aura la communauté algérienne, et au-delà celle d’origine maghrébine basée en France dans votre programme présidentiel ? Elle a une place centrale. Pas en tant que «communauté», car dans notre système républicain nous ne reconnaissons qu’une seule communauté, la communauté nationale. Cette communauté nationale accueille toutes les cultures, toutes les différences, les femmes et les hommes de toute origine, religion ou croyance, tant que ces personnes respectent les valeurs et les lois de la République. Mais depuis plusieurs décennies, depuis l’émergence d’un chômage de masse en France en réalité, à la fin des années 1970 après le second choc pétrolier, notre République et notre société sont confrontées à un défi majeur : celui de l’intégration. Notre modèle républicain est mis à mal, il est fragilisé et ne fonctionne plus comme il le devrait pour protéger tous les membres de la communauté nationale, respecter les différences et offrir à chacun les mêmes opportunités. Dans ces conditions, depuis 30 ans au moins, les Français d’origine maghrébine de première, de deuxième et aujourd’hui de troisième générations ont été confrontés de manière souvent difficile – malgré de vraies réussites d’intégration – à cette question de leur place dans notre communauté nationale. Sans cibler en particulier telle ou telle personne en fonction de son origine, mon projet politique vise en premier lieu à recréer, en France, les conditions d’une croissance partagée, de lutter contre les discriminations, de pratiquer une laïcité exigeante mais respectueuse des pratiques privées de chacun, de mettre en valeur les cultures de tous. C’est le cœur de mon projet. Et au milieu de ce cœur, il y a la relation franco-algérienne que nous devons bâtir. Beaucoup de jeunes Algériens viennent en France pour leurs études et ont une formation très riche ; ils sont une chance pour l’Algérie, ils doivent être une chance pour la France. Je veux développer et encourager la formation d’élites nouvelles qui pourront jouer un rôle économique des deux côtés de la Méditerranée. Je rencontre dans mes déplacements de nombreux jeunes binationaux qui souhaitent travailler pour les deux pays dans de nombreux domaines : l’expertise, la finance, la médecine, l’informatique… Ce sont ceux-là qui constituent l’avenir des deux pays. Votre pays est confronté à la montée de l’islamisme radical et à la violence terroriste. Quelles sont, selon vous, les raisons de ce basculement et quelle est votre stratégie pour y mettre un terme ? Ce basculement a été progressif. C’est un phénomène très grave qui ne concerne qu’une petite minorité de Français, mais dont les répercussions sont extrêmes. La France a été touchée dans sa chair par plusieurs attentats sanglants en 2012, 2015 et en 2016 et nous faisons face à cette menace terrible au quotidien, ce qui nous oblige à prendre toutes les mesures de sécurité nécessaire. C’est un phénomène mondial d’abord, qui touche tragiquement de nombreux pays. Cela a été le cas en Algérie, lors de la décennie noire des années 1990. L’islamisme radical et le terrorisme font aujourd’hui des victimes partout dans le monde, et en premier lieu dans les pays à majorité musulmane, comme l’Irak. A ce titre, parce que Daech nous a déclaré la guerre, la France est directement engagée dans la lutte contre l’Etat islamique au Proche-Orient. En même temps, nous devons regarder en face la situation dans notre pays, d’autant que la plupart des jeunes qui ont commis des attentats en France étaient Français. Ils ont grandi dans notre pays, ils sont passés par les institutions de la République, à l’école, à l’université parfois, dans nos services sociaux, et pourtant, à un moment donné, ils ont commis l’irréparable et se sont retournés contre leur propre pays, au nom d’une idéologie mortifère. Pourquoi ? Les causes sont multiples, mais j’ai déjà eu l’occasion de dire que nous devions chercher en nous-mêmes, au cœur de notre société, les raisons pour lesquelles des jeunes, fascinés par cette vision totalement détournée de l’islam, tombaient dans la barbarie. Il existe un terreau d’exclusion, de solitude, de violence dans la société et de frustration qui peut expliquer en partie ce basculement, sans jamais le justifier. J’observe que plusieurs auteurs d’attentats se sont convertis au dernier moment à l’islam ou à ce qu’ils croyaient être l’islam : ils n’en avaient qu’une connaissance superficielle, dictée par les fanatiques qui les avaient endoctrinés. Je ne veux pas entrer dans cette confusion parfois présente dans les esprits entre musulman et terroriste. Nous devons continuer à intégrer les musulmans dans la communauté nationale tout en respectant leur foi. L’Algérie peut nous aider dans ce travail en soutenant nos efforts pour traquer les islamistes radicaux, dénoncer leurs méfaits, pour résoudre aussi les crises régionales qui contaminent à la fois le Maghreb et les pays européens, pour avancer avec nous sur des objectifs économiques qui permettront de tarir cette misère sur laquelle prospère le fanatisme. Nous avons beaucoup à faire contre la violence terroriste et nous le ferons aux côtés de l’Algérie.  


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