Quid des promesses populistes en temps de crise ?



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Avec la chute des ressources financières du pays, il semble difficile de multiplier les largesses populistes à l’approche des élections législatives du 4 mai prochain. La conjoncture se présente en effet différemment que lors des précédentes échéances, même si les pouvoirs publics tiennent à la même recette pour drainer les électeurs le jour J devant la hantise de l’abstention. Comment et avec quels moyens ? Telle est la question. Il fallait coûte que coûte éviter les tensions sociales à l’approche du rendez-vous électoral. Pour cela, des milliards de dinars furent mobilisés. Mais sans pour autant prendre en charge la question dans le fond, c’est-à-dire élaborer une politique salariale cohérente. Ce qui fait qu’aujourd’hui, les salaires demeurent non indexés à la hausse des prix et ne correspondent ni à l’augmentation de la productivité ni à une croissance de l’offre locale des produits sur le marché. Ainsi, ces hausses de salaires ont été vite rattrapées par la flambée des prix des produits de base. ACe qui est perceptible aujourd’hui avec la poussée inflationniste enregistrée en 2016. Même les députés ont vu leur salaire tripler pour des raisons électoralistes (à la veille d’une consultation pour les amendements de la Constitution).  Les jeunes comme cible On avait même promis en 2012 des postes de travail ouverts dans les administrations et les structures étatiques aux jeunes universitaires dans le cadre des contrats d’insertion sans concours d’accès. A l’époque, il y a eu l’engagement de créer 400 000 emplois. En 2014, d’autres promesses ont été tenues à la veille de l’élection présidentielle du 17 avril. Des engagements qui ont commencé à être annoncés bien avant le début de la course, en 2013, à travers des annonces plutôt populistes liées aux réformes économiques, à l’emploi des jeunes, au développement local (distribution d’enveloppes pour les wilayas) à la résolution du problème du logement via notamment le lancement du programme AADL 2 en septembre 2013. Un dossier toujours en attente de nouveautés, tout comme les dossiers restants de l’AADL 2. Ce sont là des exemples sur les annonces populistes à chaque fois que des échéances électorales approchent. C’est justement encore le cas cette fois, mais avec une moindre ampleur. Et pour cause, si la rente pétrolière et l’aisance financière des années fastes ont permis aux pouvoirs publics de dépenser sans compter pour puiser dans le réservoir électoral, particulièrement les jeunes, ce n’est pas possible à l’ère actuelle. Les annonces se font au compte-gouttes. Difficile en effet de concilier, en cette période de difficultés financières, rigueur budgétaire et annonces populistes pour encourager les électeurs algériens à aller voter en masse et éviter ainsi l’abstention, comme ce fut le cas lors des législatives de 2012. Ce sont surtout les jeunes qui sont ciblés par ces opérations de convoitise. Lesquelles ont commencé timidement faute de moyens financiers. Des mesures, dont l’objectif est électoraliste, mais qui sont considérées comme un cadeau empoisonné par les jeunes entrepreneurs en difficultés financières. C’est du moins ce que pense Yassine Guellal, représentant du Collectif d’appui à la microentreprise (CAME) au niveau de la wilaya de Tizi Ouzou. Un collectif en concertation avec d’autres  jeunes entrepreneurs de 32 wilayas. Cadeau empoisonné «C’est un cadeau empoisonné qu’on nous offre à la veille des élections législatives. C’est toujours comme ça, on attend les échéances électorales pour nous annoncer de telles mesures qui ne sont en fait que de la poudre aux yeux», estime Yacine Guellal, pour qui «le problème nécessite un traitement de fond et non symptomatique», dira-t-il. «Nous ne voulons plus de solutions sociales, qu’on nous sort à chaque fois qu’il y a élection ou risque de mécontentement chez les jeunes», ajoutera-t-il, en donnant l’exemple de 2011 avec les financements de projets en masse. Des «financements de complaisance», fera-t-il remarquer.  Meghaoui Mansour, jeune entrepreneur de Tlemcen, abonde dans le même sens : «C’est une mesure populiste. C’est à chaque fois le même discours. On veut amener les jeunes entrepreneurs à aller voter massivement en leur proposant une telle solution qui n’est en fait qu’un piège.» Et de souligner au passage que même dans ce cas, rien n’est encore clair.  Selon notre interlocuteur, il y a eu juste un effet d’annonce, sans explication. «Même les banques ne savent pas comment procéder. Ici à M’sila, on nous signifie qu’elles (les banques ndlr) n’ont encore rien reçu pour mettre en œuvre la décision», soulignera pour sa part Bouabdallah Smaïl, un jeune ayant bénéficié d’un crédit dans le cadre d’un dispositif Ansej à M’sila pour son projet dans les services. Il s’interrogera, tout comme l’entrepreneur de Tlemcen, sur la véracité du chiffre divulgué la semaine dernière et portant sur le règlement des crédits Ansej à hauteur de 76% réglés en 2016. «L’Ansej  a recouvré en 2016, au niveau national, 76% du total des crédits octroyés pour la création de microentreprises», a indiqué, mardi dernier à Tlemcen, le directeur général de ce dispositif, Mourad Zemali. Quelques jours plutôt, avant de fixer la date des législatives, le ministre des Finances, Hadji Baba Ammi, annonce la mise en place d’un dispositif de rééchelonnement des dettes bancaires des jeunes entrepreneurs Ansej. Le choix de cette date pour faire une telle annonce est loin d’être fortuit pour Yacine Guellal, qui dira : «Arrêtons d’utiliser les jeunes pour des desseins politiques. Nous avons mis en garde tous les promoteurs contre ce piège, car tant qu’ils auront la main sur les jeunes, ils les utiliseront.» Des promesses au goût de déjà- vu Des jeunes qu’on cherche également à convoiter au Sud en leur promettant l’exclusivité du recrutement dans dix wilayas du Sud, sauf autorisation des walis pour le dispositif de l’Agence nationale de l’emploi (ANEM), selon son directeur général, Mohamed-Tahar Chaâlal, qui a arrêté comme objectif en 2017,  lors de son passage au forum d’El Moudjahid la semaine dernière,  400 000 placements économiques classiques, en plus des 40  000 dans le cadre des Contrats de travail aidé (Cta) et de 85 000 dans le Dispositif d’aide à l’insertion des diplômes (Daip). «2017 sera aussi l’année de la promotion de The Best Pratics en matière d’emploi, qui sera scindée en trois étapes  : la gestion des dossiers des demandeurs d’emploi par le Net, le lancement des entretiens collectifs et, enfin, l’affectation des demandeurs selon l’offre du secteur économique», a-t-il expliqué, promettant l’allégement des procédures. Tout porte à croire qu’il s’agit plutôt d’une promesse électorale, car  la réalité est toute autre. «Sur le terrain, les choses sont différentes. On continue, par exemple, à nous demander beaucoup de documents pour les dossiers de demande de crédit»,  tiendra à préciser le jeune entrepreneur de Ms’ila, pour qui le fossé est grand entre les annonces officielles souvent pompeuses et la réalité du terrain. Des annonces qui font part aussi du lancement des programmes de développement local au Sud, comme l’a souligné également le ministre des Ressources en eau et de l’Environnement, Abdelakder Ouali (candidat aux législatives aux côtés d’autres membres du gouvernement), lors de sa visite d’inspection à Tindouf le 14 février dernier. Abstention Des promesses qui rappellent l’enjeu de l’élection pour le pouvoir en place, qui redoute encore une fois un désaveu massif de la part des électeurs, surtout les jeunes, dans un contexte économique des plus difficiles, comparativement aux précédents rendez-vous électoraux. Il y a lieu justement de rappeler que l’élection du 10 mai 2012 avait enregistré un taux de 42,90%. «Car le plus grand danger est le taux d’abstention, ce qui entacherait la crédibilité de ces élections qui engagent l’avenir du pays», nous dira à ce sujet le professeur, Abderrahmane Mebtoul, qui s’interrogera dans le même sillage sur  les conditions de cette course à l’Assemblée populaire nationale (APN). «Ces candidats ont-il le niveau requis pour étudier une loi, proposer une loi et tracer les perspectives futures du pays ? Pourquoi des ex-ministres ou ministres ayant déjà fait plus de trois à quatre mandats se représentent-ils, ils doivent laisser la place aux nouvelles générations, l’apprentissage politique ? », sont en effet parmi les questions abordées par Abderrahmane Mebtoul. Et ce, au moment où du côté des décideurs l’on cherche à redonner une certaine crédibilité à l’APN, en essayant de placer des candidats parmi les experts économiques en leur proposant juste de se présenter, sans s’encombrer de toutes les étapes à suivre. C’est du moins ce que l’on a appris de la part d’un expert économique approché à cet effet.  


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