Le grand cauchemar des signatures



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Alors que la date butoir approche à grands pas pour clôturer la date de dépôt des dossiers fixée au 4 mars à minuit, plusieurs partis politiques ainsi que des indépendants mènent une véritable course contre la montre pour être à l'heure.

Des représentants de ces petites formations, ou celles qui n'ont pas obtenu le fameux seuil des 4% des voix exprimées lors des dernières législatives de 2012, se démènent partout pour remplir cette fameuse condition, celle des signatures des citoyens pour faire valider une liste de candidatures. L'opération n'est guère facile. Bien au contraire, rechercher, convaincre et inviter le citoyen à apposer sa signature est un travail de titan, une gigantesque action de proximité.

De plus, cela exige non seulement des journées et des soirées entières de mobilisation et des va-et-vient vers les guichets d'état civil des APC, mais aussi cela comporte parfois des débats inutiles et des pertes de temps incroyables.

Un constat amer que nous font quelques « délégués » de ces petits partis, qui confessent que depuis quelques années il devient « impossible de ramener le citoyen facilement vers l'APC pour une légalisation de signature ». Cette réalité est beaucoup plus le résultat de conclusions « politiques » sur l'APN, son rôle « médiocre » et surtout sur la « trahison notoire » des élus députés.

Tous les citoyens ne veulent plus croire aux discours, « vaccinés » par les comportements indécents des parlementaires précédents, qui n'ont même pas daigné venir faire « un tour dans le café du coin ou du quartier ». Naturellement, il existe des exceptions qui relèvent de l'épiphénomène.

Dans une agglomération moyenne de la Mitidja, on nous confie que cette opération de collecte des signatures est un labeur plus fatiguant que n'importe quel travail ou emploi. « On ne fait confiance ni à une liste ni à un candidat », « dégoutew » (ils sont dégoûtés), « kerhou » (ils abhorrent).

Les qualificatifs foisonnent sur les réactions ou les opinions de citoyens. Pour Boudjemaâ, un ancien militant d'un grand parti, reconverti dans l'action associative, « des petits partis politiques nous sollicitent pour remplir des formulaires. Ils ne proposent ni débat ni programme.

Ils mettent comme tête de liste quelqu'un qui n'a aucun passé politique ou associatif et le bombardent comme potentiel député. Ça ne marche pas comme ça. Personne ne donne sa signature pour ça. »

C'est sans doute cela qui a mis sur la trajectoire le rôle grandissant de l'argent. Des échos nous parviennent de partout sur la nouvelle mode mercantile qui se met en place. Un marché se met en place, celle de la valeur pour une signature.

Pratiquement, tout se vend, tout s'achète. Un candidat potentiel verse une belle somme (des centaines de millions de centimes) pour guider une liste d'un petit parti et avoir ainsi la validation de la direction nationale.

Comme cet exemple qui nous vient de Médéa où un jeune candidat a sollicité de mener la campagne électorale d'un petit parti. Il fut surpris par le chef de ce parti politique, dont le siège se trouve à Alger, qui lui exigea une coquette somme de 500 millions de centimes avant de valider sa liste.

Ou cet autre qui clame publiquement qu'il est capable d'acheter toutes les signatures à raison de 1 000 DA par personne, ce qui lui exige des dépenses qui avoisinent les 250.000 DA pour un siège, soit 250 millions pour une wilaya pourvue de 10 sièges. « Le coût est dérisoire par rapport à la plus-value des cinq années de mandature », d'où l'investissement flagrant de certains indépendants, notamment parmi les plus riches.

D'ailleurs, cela me rappelle le cas d'un milliardaire qui sollicita ses propres travailleurs de ces quatre usines et ateliers pour lui valider les signatures et lui faciliter la collecte. En contrepartie, il y aurait bien des primes apposées en bas du salaire net à la fin du mois.

Dans cette bataille de signatures, exigées par la loi sur le régime électoral, les petits partis ont adressé des lettres et des motions au gouvernement pour lever des contraintes relevant de la bureaucratie, comme l'absence criante et permanente des P/APC, de leurs adjoints ou SG de la commune de leurs bureaux.

Ces derniers sont les seuls habilités à valider et légaliser les formulaires des citoyens ramenés à l'APC. « Nous ramenons à chaque fois quatre ou cinq citoyens à la commune pour cette opération, mais on ne trouve personne parmi ces fonctionnaires.

On perd du temps face à la démission généralisée dans les collectivités locales », nous raconte un candidat d'une liste indépendante. Lui-même aurait envoyé des messages au wali afin de trouver des solutions plus pratiques à cette condition, comme l'établissement d'un horaire précis pour l'accueil.

En fait, ceux qui n'ont pas les 4% doivent courir et suer pour arracher le simple droit de participer à des élections aléatoires et dont l'abstention est la tendance lourde depuis plus de 20 ans.

Les législatives algériennes semblent avoir été faussées depuis longtemps par les dérives politiques et morales de nos parlementaires. L'APN, caricaturée à l'extrême par ses propres membres, a une image de marque bien ternie qui n'incite ni à l'exercice politique ni à convaincre à voter.

A cela s'ajoutent les conditions « draconiennes » que le législateur a mis dans les nouveaux dispositifs sur le régime électoral et la loi sur les partis politiques. A bien des égards, ces législatives de mai prochain devraient ouvrir de nouveaux chantiers pour les futurs députés.


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