Retirez-vous en paix monsieur Bouteflika Par Abdou Semmar



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Monsieur Le Président,

 

Permettez-moi tout d’abord de prendre de vos nouvelles, d’espérer que vous allez mieux et de vous souhaiter un prompt rétablissement. Il ne s’agit ni d’un exercice convenu ni d’un préalable à une quelconque demande mais bien de l’expression d’une compassion et d’une empathie que chacun de nous éprouve à l’égard de son semblable lorsqu’il traverse des moments aussi pénibles dus à une mauvaise santé.

 

Croyez monsieur le Président, qu’à l’instar du peuple algérien dans sa totalité, je prie Dieu de vous épargner la douleur et la tristesse et de vous assister avec la plus grande bienveillance dans la pénible épreuve du passage, inévitable pour nous tous du reste, vers l’autre rive.

 

Seuls les plus sages d’entre nous s’y préparent avec la plus grande des sérénités. Je ne doute pas que vous en soyez, eu égard à votre érudition à votre culture et à votre conversion, fut-elle tardivement révélée, à la spiritualité islamique et à l’ambiance feutrée des zaouias, nous dit-on.

 

Connaissant l’intensité de votre foi en Dieu et en sa miséricorde et la profondeur de votre réflexion sur la fragilité de notre passage en ce bas monde, je mesure la sérénité qui ne vous quitte jamais lorsque vous sentez approcher par les moments de fatigue et de lassitude, le moment qui vous rapproche de la rencontre du Créateur. On dit que dans ces moments rares, on voit défiler en mode accéléré les moments importants de sa vie et on souhaite alors seulement que les ralentis évitent nos moments de turpitude, de faiblesse et d’abandon à ce qu’il y a de plus mauvais de nous en nous.

 

Comme à vous demander par exemple, monsieur le Président, s’il est vraiment raisonnable et utile de s’accrocher désespérément aux derniers oripeaux du Pouvoir ou de ce qu’il représente, aux seules fins de satisfaire on ne sait quel dernier soubresaut de narcissisme crépusculaire. Sans la moindre pensée pour toute une jeunesse qui n’arrête pas de piaffer et qui souffre d’être contrainte de se demander s’il fallait souhaiter votre mort – qu’à Dieu ne plaise- pour exprimer enfin son talent ou pour tout simplement exister.

 

Les trois-quarts de vos administrés sont des jeunes et ils ne peuvent se résoudre à se considérer hors-jeu alors qu’ils n’ont encore jamais eu l’occasion de tenter, au prétexte que les anciens jouent les prolongations, qu’il n’y a pas d’arbitre, que les règles ont évolué et que les spectateurs sont grassement payés pour assister aux mimiques aux jeux de rôles et au bal masqué. Que faut-il leur répondre ?

 

Que la maladie vous a tellement affaibli que vous souffrez plus de ne pas dialoguer directement avec votre peuple que des douleurs récurrentes de la maladie ?

 

Que vous comprenez les besoins et les envies de cette jeunesse qui ne demande qu’à se construire et à construire le pays, et que vous ne pouvez rien faire pour elle parce que vous avez perdu l’usage de la parole ?

 

Fort bien !

 

Qu’attendez-vous alors, monsieur le Président pour éloigner toutes ces silhouettes parasites, qui parlent pour vous, qui décident pour vous ? Qui prétextent une bronchite fulgurante au mépris des normes de la faculté pour faire rebrousser chemin au partenaire allemand, qui a eu le courage de braver les interdits français pour apporter la preuve que la coopération de l’Allemagne n’était pas réservée exclusivement à l’ancienne Europe de l’Est, et qui n’avait plus à faire la preuve de son respect des valeurs humanistes en réservant l’accueil que l’on sait aux réfugiés. L’Allemagne venait d’étonner le monde et de donner de la France patrie des droits de l’homme, l’image d’un pays rabougri, replié sur lui-même, et soucieux de ne pas trop contrarier la relève fasciste.

 

Nous avons accueilli Manuel Valls et nous avons bien apprécié le cadeau qu’il nous a envoyé en guise de remerciements. Mais nous avons reporté la visite de la chancelière allemande au prétexte d’une bronchite fulgurante, alors qu’elle était venue finaliser tant de projets nous dit-on qui auguraient d’un avenir plus engageant.

 

Faut-il que le développement d’un pays et son accès au progrès soient tributaires d’une quinte de toux, d’un mauvais virus ou d’une saute d’humeur ?

 

Faut-il penser qu’un pays de quarante millions d’habitants n’ait pas réussi à trouver une seule personne capable de remplacer l’irremplaçable en cas de bronchite ? Un premier ministre de circonstance, capable de jouer les utilités pour faire bonne figure et nous éviter les sarcasmes.

 

On nous dit, monsieur Le Président que, non seulement vous êtes en possession de tous vos moyens intellectuels mais qu’en plus, vous avez tellement envie de prendre votre part au devenir du monde, que vous souhaitez un cinquième mandat présidentiel. Serait-il alors irrespectueux de vous suggérer de convaincre la faculté pour être sûr de convaincre tout le pays. Les Algériens croient comme tout le monde à la science. Il leur arrive même de croire au miracle tant qu’il ne ressemble pas à de l’entourloupe et tant qu’ils ne passent pas pour des idiots.

 

Car au fond, et cela dure depuis des années, on leur demande de s’habituer au langage des signes, des courroies de transmission, des porte-parole, des proches, des amis du frère, des proches des amis du frère, des bruits du palais, des rumeurs des coursives, des murmures des cénacles et des chuchotements des zaouias et dès qu’ils demandent à voir et à comprendre ils sont éconduits avec plus ou moins de brutalité, selon le niveau de la douleur et l’humeur du moment.

 

Ils sont devenus un peuple otage, qui ne sait plus quoi attendre, qui ne sait plus à quelle sauce il va être mangé, qui attend le moindre éternuement, le moindre signe pour se perdre aussitôt en spéculations.

 

Quarante millions d’âmes sont suspendues à un thermomètre, à un froncement de sourcil, à la profondeur d’un regard pour savoir si demain il y aura ou non pénurie de médicaments contre le diabète, grève au lycée, tricherie au bac, ou qualification aux quart de finale de la CAF.

Alors monsieur le Président, il faudra bien que vous sachiez que notre jeunesse est comme toutes les autres jeunesses du monde.

Qu’elle veut se construire et prendre sa part à la construction du monde.

Qu’elle se fiche comme d’une guigne de savoir qui a pris quoi et combien.

Que la seule chose qui l’intéresse c’est de prendre son destin en main.

 

Alors, elle vous dit : retirez-vous sur votre Aventin, prenez de la hauteur pour mieux apprécier l’œuvre accompli, entourez-vous de ceux qui sont fatigués de vous avoir aidé à accomplir tant de miracles et qui ne demandent qu’à se reposer, et profitez ensemble du repos mérité.

 

Retirez-vous en paix monsieur le Président. Nous prierons nuit et jour pour votre santé et pour que le ridicule ne vienne pas achever tout un peuple.

 

Croyez monsieur le Président à ma plus grande sincérité et à tout le respect que je dois à l’homme, à la fonction et à l’image qu’il est sensé incarner.

 


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