«L’Algérie et l’Ethiopie gagneront à travailler davantage sur le partenariat économique»



...

L’économie éthiopienne s’est considérablement transformée. Comment cette mutation s’est-elle opérée ? L’économie éthiopienne a évolué à grands pas ces dernières années pour se hisser aujourd’hui au rang des économies les plus compétitives du continent africain et du monde. Nous réalisons l’une des meilleures croissances économiques du continent. Plusieurs facteurs-clés sont la source de cette croissance. Après avoir identifié, en amont, les écueils qui empêchaient l’économie éthiopienne de se développer, la pauvreté et l’ignorance en l’occurrence, nous avons commencé à résoudre ces questions, en incitant les Ethiopiens à travailler et en investissant dans l’éducation, la formation et le savoir. Le gouvernement a voulu changer ce cliché qui écornait l’image de l’Ethiopie, celui d’un enfant souffrant de malnutrition. Et c’est ainsi que les premiers programmes de développement ont été initiés et mis en application en réponse aux défis que le gouvernement s’était lancé. Ces clichés ont complètement disparu aujourd’hui et l’Ethiopie devient le centre de l’investissement en Afrique. Notre stratégie était basée sur l’agriculture et l’élevage qui occupaient 80% de la population. Il était donc primordial d’améliorer les conditions de vie et les rendements de cette frange de la population pour pouvoir avancer. Nous avons commencé ainsi à former les agriculteurs ; il y avait au moins trois formateurs dans chacun village éthiopien. Et c’est ainsi que les agriculteurs se sont tournés davantage vers leurs terres et l’exode vers les villes fut endigué. Les agriculteurs étaient initiés essentiellement aux méthodes modernes de travail, à l’usage des engrais, aux choix des cultures et à la commercialisation. Et c’est ainsi que les rendements ont commencé à s’améliorer. Nous sommes passés d’un rendement de 10 quintaux pour un hectare à 40 quintaux aujourd’hui. Les agriculteurs s’acheminaient de plus en plus vers l’exportation et les marchés extérieurs. Des coopératives ont vu le jour et des managers parmi les diplômés des universités étaient chargés de développer l’exportation et trouver des débouchés à l’international pour les agriculteurs et les éleveurs éthiopiens. Outre l’agriculture, quels sont les secteurs qui tirent l’essentiel de la croissance économique ? Après avoir développé l’agriculture, qui pèse aujourd’hui pour plus de 50% dans le PIB, nous avons mis en place un deuxième plan de croissance et de transformation 2016-2020. Le premier qui était centré sur l’agriculture a été étalé sur la période 2010-2015. Le second plan a pour objectif de transformer la base de l’économie éthiopienne en orientant certaines activités et produits vers l’industrie. Des activités industrielles, à l’instar des textiles, profitent pleinement de l’essor du secteur agricole. Des investisseurs du monde entier — de Turquie, de Chine, d’Europe et des Etats-Unis — s’implantent en Ethiopie mettant à profit des atouts tels que la matière première et la main-d’œuvre qualifiée à bas coût. Il y a quelques années, nous avions deux universités seulement, aujourd’hui, l’Ethiopie dispose d’une cinquantaine d’universités publiques et une centaine de collèges et écoles privés. En matière d’éducation, la politique du gouvernement éthiopien était d’orienter 70% des élèves et étudiants vers l’ingénierie et les sciences. Outre les universités, nous avons 1300 centres de formation technique et professionnelle. Il était donc primordial d’accompagner les ambitions économiques et industrielles du pays de compétences hautement qualifiées. Le second secteur-clé qui a bénéficié de l’essor de l’agriculture concerne les cuirs et dérivés. Vous devez savoir que l’Ethiopie a le plus important cheptel en Afrique et le dixième dans le monde. La peau des bêtes est réputée pour être de très bonne qualité, de l’avis même des grandes marques mondiales investies dans le domaine. Plusieurs compagnies et marques mondiales, dont Calvin Clein et Guess, se sont implantées en Ethiopie pour profiter des disponibilités, en qualité et en quantité, de la matière première. Pour capter les investissements, le gouvernement éthiopien a aménagé de très grands parcs industriels qui comprennent également des résidences. La demande est telle que dix nouveaux parcs industriels sont actuellement en construction à travers le pays pour pouvoir y répondre. Et c’est ainsi que nous avons réussi à changer complètement l’image de l’Ethiopie. Disposez-vous de statistiques sur l’évolution de l’économie éthiopienne ? Depuis 40 ans, l’économie éthiopienne réalise une croissance moyenne de 11%, alors que la croissance moyenne en Afrique était de 5,5%. Les objectifs du Millénaire en matière de développement ont été ainsi concrétisés : 98% des zones rurales disposent d’écoles primaires dont l’égalité entre écoliers et écolières est quasi-parfaite, 95% des adultes ont accès à l’éducation, la mortalité infantile a été considérablement réduite, la couverture en matière d’accès à l’eau potable dans le villes est de 98,5%, tandis que l’accès à l’eau dans les zones rurales est assuré à près de 100% sur une distance de 1,5 km. Dans chaque village éthiopien, il y a un dispensaire où exercent trois médecins. En termes d’accès à l’énergie électrique, il faut que vous sachiez qu’une bonne part de l’énergie produite en Ethiopie est d’origine renouvelable. Outre l’éolien, l’énergie solaire et géothermique, nous avons un potentiel de production d’énergie d’origine hydraulique de 45 000 MW. Nous avons actuellement une capacité de production installée de 5000 MW et la mise en service du barrage actuellement en construction sur le Nil nous permettra d’obtenir une production supplémentaire de 6420 MW. Nous exportons actuellement de l’énergie électrique à destination de Djibouti (50 MW) ainsi que vers le Soudan (100 MW). Actuellement, nous construisons des lignes de transport à destination de Nairobi (Kenya) d’une capacité de 2000 MW. Dans une première étape, nous allons exporter 500 MW seulement. Nous travaillons sur une ambition d’exporter l’énergie électrique à destination de l’Egypte. Nous disposons également d’une ligne ferroviaire reliant Addis-Abeba à Djibouti et sur des projets de lignes électrifiées (2395 km) reliant le nord au sud et l’est à l’ouest de l’Ethiopie. Pour revenir aux statistiques économiques, la croissance annuelle du secteur agricole est en moyenne de 8,4%, l’industrie 20% et les services 10,6%. Nous avons pu réduire la pauvreté dans les zones rurales de 55,3% à 23,5%. Nous avons l’ambition de devenir la première économie en Afrique en 2025. Quels sont les produits que vous exportez et vers quels pays ? Nous exportons divers produits à destination de plusieurs pays. Je vous donne deux exemples : celui des fleurs où nous sommes deuxième producteur en Afrique, nous exportons à destination des Pays-Bas et de plusieurs Etats européens. Nous exportons du café à destination du Japon, l’Allemagne, les Etats-Unis ainsi que vers d’autres pays, mais aussi des huiles, les graines de sésame, les graines de soja, les produits agricoles et d’élevage. Maintenant que l’industrie réalise une très bonne croissance, nous commençons à exporter des produits textiles et cuirs. Quelle appréciation faites-vous des échanges entre l’Algérie et l’Ethiopie ? Le niveau des échanges entre nos deux pays est insignifiant, même si nos relations politiques et diplomatiques sont excellentes. Nous gagnerions à travailler davantage sur le partenariat économique. Je pense qu’il est grand temps. Nous sommes en train de faire de notre mieux pour capter les investisseurs algériens, créer des partenariats. Notre ambassade, qui n’a qu’une année d’existence, a organisé trois forums (Oran, Annaba et Biskra) à l’adresse des investisseurs algériens. Nous avons eu un feedback positif durant nos échanges avec nos amis algériens. D’ailleurs, une délégation d’investisseurs algériens s’envolera en avril prochain à destination de l’Ethiopie pour discuter des opportunités d’investissement. Nous avons l’objectif de créer une commission mixte algéro-éthiopienne qui travaillera davantage sur la consolidation des partenariats et des échanges.  


Lire la suite sur El Watan.