Financement de l’économie

L’heure des arbitrages a sonné



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Sur fond de baisse des liquidités bancaires, le Premier ministre a défendu récemment, depuis Annaba où il réunissait les partenaires sociaux pour une nouvelle tripartite, l’option d’une accélération des dotations financières au profit de l’économie. Selon Abdelmalek Sellal, les crédits à l’économie passeront de 9100 milliards de dinars en 2016 à 11 400 milliards de dinars en 2017, soit une hausse de 25%, alors qu’ils étaient de 5156 milliards de dinars en 2013. Les propos du Premier ministre plaident pour un ajustement des dotations au gré de la conjoncture, privilégiant désormais le financement de l’économie plutôt que de canaliser une bonne partie des disponibilités monétaires vers la couverture des importations. Un ajustement nécessaire au vu du contexte économique actuel, marqué essentiellement par la fragilisation des positions financières du pays et le creusement des déficits. Cependant, le Premier ministre, qui disait aux partenaires sociaux sa vision de la réforme monétaire, a omis de préciser qu’une bonne partie des crédits à l’économie était destinée à renflouer les caisses des grandes entreprises, notamment publiques et mixtes. Ces entreprises accaparaient à la fin septembre 2016 une part de 52,7% du total des crédits alloués à l’économie, marquant une évolution de +15,46% par rapport à 2015. Serait-ce finalement prendre acte de la poursuite de la politique de soutien financier aux entreprises publiques ? Pour plusieurs d’entre elles, le Trésor public a racheté en 2016 des crédits infructueux d’une valeur de 305 milliards de dinars. A moins qu’il y ait une sélection qualitative au niveau des banques, les chiffres sur les prévisions de financements au profit de l’économie au titre de l’actuel exercice ne sont aucunement indicateurs d’un quelconque changement de politique. En tout cas, cette option d’accélérer davantage le rythme des crédits à l’économie dans ce contexte de choc externe violent n’est aucunement partagée par la Banque centrale. En effet, à fin 2015, quand bien même la valeur des crédits à l’économie baissait par rapport à 2014, la Banque d’Algérie a jugé que le rythme d’expansion de ces prêts ne semblait pas être soutenable sans recours de certaines banques au refinancement auprès de la Banque d’Algérie au cours de l’année 2016. 50% des crédits vont aux entreprises publiques L’analyse de la structure des crédits à fin 2015 par secteur juridique, rachats de créances non performantes déduits, montre que 50,69% des crédits sont accordés au secteur public et 49,31% au secteur privé, dont seulement 6,39% aux ménages, lit-on dans la dernière note de conjoncture de la Banque d’Algérie. Pour soulager les banques du fardeau qu’imposent les choix politiques du gouvernement, la Banque centrale a été contrainte de faire usage de certains outils monétaires  : réduire les reprises de liquidités et retour au refinancement des banques. Un fardeau, car bon nombre des crédits alloués aux entreprises publiques ont été octroyés sur injonction des politiques en l’absence, par moments, de plans d’investissement économiquement fiables et financièrement soutenables. Ceci est d’autant plus vrai qu’il est peu probable que le nouveau régime de croissance puisse produire des effets concrets dès lors que plus de 50% des crédits à l’économie sont destinés à renflouer les caisses des entreprises publiques. Le problème, c’est que cette approche ne rompt point avec les politiques du passé et cadre peu avec les besoins de réformes qu’impose la conjoncture. Bon nombre d’économistes plaident pour le soutien à l’initiative privée dans ce contexte de baisse des dépenses d’équipement et de maîtrise des importations. Là aussi, le discours du gouvernement est contredit par des faits palpables ; des investisseurs se plaignent encore des difficultés d’accès aux financements et au foncier ; plusieurs projets sont en souffrance dans les tiroirs des ministères faute de réponses ; un flux d’IDE relativement faible comparé aux voisins, etc. En somme, s’il est vrai que les crédits à l’économie restent importants, ils sont néanmoins loin des niveaux observés durant les années 1980. Les montants et la qualité des investissements financés sont aussi pour le moins faibles et peu productifs. Du reste, dans une économie qui fonctionne normalement, d’autres moyens de financement de l’économie sont possibles, à l’instar du marché financier. Ce dont les entreprises privées ont besoin. L’urgence n’est donc pas de rehausser le niveau des crédits à l’économie, mais de faire le choix de projets économiquement viables, de faciliter l’investissement privé et étranger, de développer le marché financier et de fédérer les banques autour de l’impératif de croissance plutôt que d’assumer les décisions politiques du gouvernement.  


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