Un faisceau d’intérêts et des contraintes en pile



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Sous l’effet de l’amenuisement des ressources fossiles, les filières photovoltaïques, de par leurs mille et une «vertus» écologiques, ont connu un essor prodigieux, devenant, ces derniers temps, un véritable phénomène mondial qui ne cesse de déchaîner les passions. L’Algérie, où le style de vie est de plus en plus énergivore, a, elle aussi, été vivement emballée par l’image «verte» ou «éblouissante» que propagent les acteurs du business photovoltaïque. Dans son programme national de développement des Energies renouvelables (EnR), officiellement approuvé par le gouvernement en mars 2015, ont été revues à la hausse les capacités prévisionnelles de production d’électricité à partir de sources renouvelables. Désormais, il est question d’atteindre 22 000 MW, au lieu des 12 000 MW initialement arrêtés en 2011. Par ce volume, près du tiers des besoins du pays en électricité devrait, d’ici à 2030, être satisfait à partir du photovoltaïque (13 575 MW), de l’éolien (5010 MW), du solaire thermique (2000 MW), de la biomasse (1000 MW), de la cogénération (400 MW) et enfin la géothermie (15 MW). Et pas seulement: Les capacités projetées en EnR seraient susceptibles de garder sous le sol quelque 300 milliards de mètres cubes de gaz naturel, soit l’équivalent de 8 fois la consommation de toute l’année 2014, l’électricité étant produite à 98% à partir du gaz naturel, selon des données officielles du groupe Sonelgaz.   Se hisser au rang des pays les plus vertueux en matière de maîtrise de consommation et d’efficacité énergétique est l’autre challenge que se sont fixé les pouvoirs publics. Le chantier d’une série d’amendements, dont devraient faire l’objet certaines dispositions de loi relative à la maîtrise de l’énergie, a été récemment ouvert. Y seraient particulièrement visées certaines industries qui se caractérisent par leur nature hautement énergivore. A ce sujet, l’Agence nationale pour la promotion et la rationalisation de l’utilisation de l’énergie (Aprue) a déjà annoncé la couleur, préconisant de baisser de moitié le niveau d’assujettissement qui se situerait actuellement à hauteur de 2000 tonnes d’équivalent pétrole (tep). Et ce, outre son appel au déploiement et à la généralisation au sein de ce type d’industries des technologies et dispositifs de compensation de l’énergie réactive, vu que cette dernière ne peut être éliminée. La finalité étant de réduire la consommation de l’énergie totale soutirée aux réseaux de distribution et de mieux circonscrire l’impact des activités industrielles sur l’environnement (émissions de CO2). C’est justement dans cette perspective qu’a a été scellé, début mars 2015, un protocole d’accord de partenariat entre le groupe industriel public  Elec El Djazaïr (conception, production, la distribution et commercialisation des équipements électriques, électroménagers et électroniques) et son homologue italien Ducati Energia. Les démarches nécessaires à la mise sur pied d’une coentreprise spécialisée dans la fabrication de batteries de condensateurs de moyenne tension pour la compensation de l’énergie réactive s’accélèrent et seraient presque finalisées, avons-nous appris de sources proches du dossier. Si la partie algérienne vise à libérer de la dépendance au marché extérieur les maîtres d’ouvrage intervenant dans le domaine de l’énergie, le groupe Sonelgaz à leur tête, en leur fournissant des condensateurs fabriqués localement, les Italiens cherchent, quant à eux, à faire de cette joint-venture un site d’excellence à l’export vers les marchés Maghreb, Moyen-Orient et Afrique. Un tel projet, jugent nombre d’observateurs, sera d’un apport indéniable eu égard aux nombreux chantiers industriels, gros consommateurs d’énergie électrique, qui sont ouverts çà et là. D’où les débouchés supplémentaires incontestables, aussi bien dans l’ingénierie que dans la fabrication de matériels électriques pour la future coentreprise algéro-italienne. A combien s’élèvent les besoins immédiats de compensation ? Le «marché de la compensation de l’énergie réactive est spécifique et singulier. Il ne suffit pas d’évaluer le marché, c’est-à-dire la demande, mais tout l’environnement. Plusieurs acteurs en sont particulièrement concernés, d’abord Sonelgaz en amont et en aval de la problématique énergie réactive, ensuite les industriels, et enfin les institutionnels, la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG) et l’Agence nationale pour la promotion et la rationalisation de l’utilisation de l’énergie Aprue», nous explique d’emblée, Mourad Ghoualmi, docteur d’Etat en automatisme et expert-conseil opérationnel dans le domaine de la grande industrie. Le premier client potentiel de la future usine n’est autre que le groupe Sonelgaz (renouvellement et nouveaux investissements). Il est suivi par les industriels HTB (le domaine HTB comprend des tensions de 50 à 130 kV. Pour les années 2016-2017, le marché affiche des besoins s’élevant à 7584 condensateurs de 0,427 mega voltampère réactif (MVAR). Les industriels HTA MT (le domaine HTA comprend des tensions entre 1 et 50 kv) qui représentent un marché de 1270 condensateurs de 100 kvar et 2540 condensateurs de 50 kvar, détaille M. Ghoualmi, ex-PDG de la défunte entreprise publique Sider-Automation. Les fabricants locaux exclus Et ce, outre les besoins du «renouvellement du parc compensation des industries HTB, de l’équipement en compensation des transformateurs et moteurs d’Azazga et ceux de la future usine de Sonelgaz». En l’absence de fabricants nationaux, le pays s’approvisionne, en centaines de millions d’euros, auprès de producteurs européens basés dans cinq pays différents. Pourtant, le marché existe, et, à en croire M. Ghoualmi, ce type d’industrie serait à notre portée : «Le produit condensateur se compose de trois intrants principaux, feuilles d’aluminium électrolytiques et feuilles polypropylène. Les fabricants peuvent ainsi se fournir tous dans les industries nationales de la pétrochimie et de l’aluminium.» Les principaux fournisseurs, tels que Ducati Energia, Schneider Electric ou ABB, leaders mondiaux dans les technologies d’énergie, qui disposent de filiales en Algérie «considèrent le marché de la compensation comme mineur par rapport à leur activité électrique principale. Pour le reste, c’est par des représentations locales très réduites ou par leur siège à l’étranger qu’ils abordent le marché algérien», précise notre interlocuteur. Dit autrement, pour ces géants de la technologie et de l’expertise électriques et tant d’autres, l’Algérie est un marché mineur lorsqu’il s’agit d’y investir, mais majeur pour y vendre : 80% de la demande dans l’ingénierie et les équipements destinés aux infrastructures de transport et de production d’énergie électrique y sont couverts par des fabricants ou des prestataires étrangers, selon l’agence Business-France. Et avec la cinquantaine de milliards d’euros que projette d’investir le groupe Sonelgaz au cours de la prochaine décennie pour le développement du réseau électrique national et sa sécurisation, c’est une rude bataille entre ces mêmes fournisseurs et prestataires, qui se profile à l’horizon. Mais l’usine, fruit de la future joint-venture Elec El Djazaïr –Ducati Energia opérationnelle, le grand marché de la compensation de l’énergie réactive risque de leur échapper. «Ce projet, si un terrain d’entente gagnant-gagnant avec Ducati Energia est trouvé, a le mérite de présenter au client une offre complète qu’aucun concurrent en Algérie n’est capable d’assurer actuellement, et ce, en termes de pré-diagnostic, de fournitures, montage, mise en service ou de formation et maintenance», confirme M. Ghoualmi. Toutefois, insistera-t-il, «ce nouvel arrivant ne pourra s’introduire sur le marché algérien, tenu par des fabricants mondialement connus, que s’il opte pour fabriquer localement et ainsi avoir un avantage compétitif qui peut être décisif, surtout en cette période où l’Etat favorise l’industrie nationale. Et cette fabrication locale ne pourra être rentable, à notre avis, que si ce partenaire procède à une délocalisation partielle au bénéfice de cette joint-venture». Dans une première étape, poursuit-il, la future coentreprise pourrait couvrir le marché national puis fournir à partir de l’Algérie ses clients européens. Extension Dans une deuxième étape, l’extension des capacités de production serait à même de pourvoir le marché maghrébin, voire africain (avec le programme d’électrification de l’Afrique lancé par l’UE). Aussi, «compte tenu des  investissements énormes prévus par l’Etat pour l’électrification du réseau ferroviaire, une collaboration avec le partenaire Ducati pour prendre en charge cette activité serait très profitable pour nous, vu que ce groupe est également spécialisé dans les systèmes de télé-contrôle de réseau électrique et de signalisation ferroviaire». S’agissant des actions à entreprendre en interne pour une meilleure maîtrise énergétique, l’ex-patron de l’ex-filiale de l’énergivore complexe sidérurgique d’El Hadjar préconise de baisser à 40%, au lieu de 50% actuel, le taux d’énergie réactive fournie et gratuite avant de l’uniformiser sur tout le territoire national (norme européenne) ainsi que l’instauration d’une redevance fixe par mois, à l’image de celle appliquée pour l’énergie apparente mise à disposition. Pour cela, il estime irréversible la mise en place préalable de Cellules Diagnostics et Solutions (CDS) qui auront pour mission l’audit énergétique dont doivent se soumettre, en priorité, les gros consommateurs d’énergie ( 35 à 40% du bilan national de la consommation). Cette opération requiert, selon lui, «l’implication de Ducati Energia qui doit fournir les équipements de mesure et des logiciels d’analyse, fournir des kits de simulation, assurer la formation sur les outils et méthodes et formation sur plusieurs types d’industrie : sidérurgie, métallurgie, cimenterie et industrie agroalimentaire». Et, pour sensibiliser ces dernières au déploiement de dispositifs de compensation, notre interlocuteur propose aux pouvoirs publics de prévoir des exonérations de TVA de l’investissement aux industriels qui équipent leurs installations en produits de compensation d’énergie réactive fabriqués en Algérie. En d’autres termes, le déploiement d’un mécanisme d’encouragement, semblable à celui déjà en vigueur dans le  photovoltaïque, «le producteur d’EnR bénéficie de tarifs d’achats garantis sur une période de 20 ans pour les installations en photovol-taïque et en éolien. Les filières ne bénéficiant pas des tarifs d’achats garantis seront financées par le FNERC à hauteur de 50 à 90 % du coût d’investissement, selon la technologie et la filière retenues». Toujours au sujet de la filière de la compensation réactive, le Dr Ghoualmi suggère encore de rendre l’investissement en la matière éligible au fonds national pour la maîtrise de l’énergie lequel est en passe d’être fusionné avec le Fonds national des énergie renouvelables et cogénération (FNERC). Celui-ci, faut-il le préciser, étant approvisionné via des prélèvements de 1% de la redevance pétrolière. Tout cela pour dire que devant l’explosion de la consommation et son lourd impact sur l’environnement, sa production et son transport qui prennent une place de plus en plus importante dans les dépenses publiques, la maîtrise de l’énergie électrique par les procédés de compensation constitue, aujourd’hui plus que jamais, un enjeu majeur au double plan économique et écolo-gique. Et qu’en pense M Ghoualmi, l’automaticien et expert en conseil opérationnel, des autres am-bitions algériennes toujours dans le domaine énergétique. Le photovoltaïque, un impératif majeur Le photovoltaïque, en particulier, constitue-il un impératif majeur et immédiat? Aux ses yeux, l’introduction du photovoltaïque industriel sur les marchés des pays en développement a généré une excitation générale, en Algérie y compris. Là où le débat autour de la pertinence de cette nouvelle option énergétique reste ouvert et s’exacerbe tant il est difficile d’en cerner, avec précision, la portée, en termes de rentabilité économique et de durabilité des technologies devant être fournies par ceux qui les ont mises au point et les contrôlent. D’autant que du côté des grandes puissances de l’industrie et technologie photovoltaïque, comme les Etats-Unis, l’Allemagne, le Canada, l’Espagne et la Chine, l’on anticipe déjà les incidences d’une potentielle «disruption» ou rupture technologique. Aussi, de plus en plus de voix s’y élèvent pour rappeler aux fabricants, une centaine, à leur tête Upsolar, SunPower, SolarWorld, Solopower, Hanwha SolarOne, Mitsubishi, Panasonic, Re-nesola, China Sunergy-Csun, Solar Frontier, ou encore Samsung et Eurener, la nécessaire mise en place de systèmes de recyclage des panneaux solaires dont l’industrie se répand et progresse de manière spectaculaire et inquiétante, pour protéger l’environnement et l’homme contre tout risque que peuvent générer, à long terme, les composants entrant dans leur processus de fabrication. C’est dire que suivant sa nouvelle vision industrielle dans l’éco-énergie, notre pays aura à faire face à plus d’un défis, de toute nature; financier, technologique, technique et environnemental.  


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