«Il ne faut pas agiter l’endettement extérieur comme un épouvantail»



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- La Banque mondiale et le Fonds monétaire international préconisent que l’Algérie recourra à l’endettement extérieur à moyen terme.  Est-ce réellement une fatalité ? Tout dépend de ce que nous voulons faire. Si on veut maintenir le statu quo et continuer à voir la situation se dégrader faute de ressources, on peut se passer de l’endettement extérieur. Mais si on veut redresser la situation et relancer l’activité économique, il est indispensable de recourir à l’endettement extérieur. Parce que si on veut préserver nos réserves de change et garder un certain niveau, on ne peut pas le faire sans recourir au financement extérieur. Si on veut relancer les projets d’équipement économique et social on ne pourra pas le faire, compte tenu de l’amenuisement de nos ressources, sans recourir au financement extérieur. Si on a l’intention d’avoir de grands projets d’investissement productifs là aussi on ne peut pas le faire sans recours au financement extérieur. - C’est donc un passage obligé ? Les appréhensions qui existent à l’heure actuelle vis-à-vis de l’endettement extérieur sont dues au fait que des gens doutent de la capacité des pouvoirs publics à gérer convenablement le recours au financement extérieur. Il est malheureusement vrai que le financement extérieur donne lieu à certaines pratiques peu recommandables mais seulement s’il n’est pas bien suivi et bien affecté et de manière précise à des opérations qui produisent des richesses. Dans ce cas, ça peut constituer un moyen de précipiter encore l’Algérie dans la crise. Ce serait le cas, et c’est là une très grave erreur, si par exemple on veut utiliser le financement extérieur pour continuer à importer des produits de consommation. Il est important de souligner que le  recours au financement extérieur est une bonne chose, mais à condition de fixer dès le départ un cadre précis pour indiquer comment on va y recourir et pour quel genre de financement extérieur opter, et à quoi il sera destiné. Il faut préciser tout cela à l’avance dans un cadre précis et indiquer que le recours à ce type de financement doit se faire dans des limites bien déterminées. Si on va au-delà des possibilités de notre pays, cela peut entraîner des conséquences très graves. C’est une question importante et vitale qu’il faut aborder d’une manière réfléchie et rationnelle en traçant un cadre bien clair, indiquant tous les aspects nécessaires pour que le financement extérieur soit utilisé à bon escient et contribuer à la relance de l’activité économique et au développement du pays. Tous les pays développés ont eu recours et ont toujours recours à l’endettement extérieur, même s’ils ont des ressources propres et suffisantes, il y a toujours un besoin d’appoint de ressources et ça ne peut provenir que de financement extérieur. - Le ministre des Finances a estimé que le recours à l’endettement extérieur n’était pas nécessaire et que l’intervention au Trésor public sera réduite afin de laisser plus de ressources aux entreprises. Est-ce là une option soutenable à moyen terme ? Les moyens dont dispose le Trésor public sont les moyens budgétaires et l’endettement intérieur ou extérieur. Les ressources budgétaires sont aujourd’hui, comme tout le monde le sait, insuffisantes suite à la chute des prix du pétrole. Pour ce qui est de l’endettement intérieur, on y a eu déjà recours à travers l’opération de l’emprunt obligataire et le gouvernement a récolté un certain montant, mais l’endettement local ne permet d’avoir que des dinars. Si on veut avoir des devises pour préserver, comme je vous l’ai dit, nos réserves de change et relancer l’activité économique et financer des projets d’équipement publics et projets productifs, il est inévitable de recourir au financement extérieur. Il est clair pour tous ceux qui suivent l’activité économique du pays, que si on veut relancer l’économie nationale, nous devons aller puiser dans le financement extérieur, et ce, dans un cadre précis pour que les ressources obtenues soient utilisées de manière correcte et efficace. - Il ne faut donc plus regarder la dette extérieure comme un tabou, mais savoir gérer et conditionner l’endettement ? C’est cela, il ne faut pas continuer à agiter l’endettement extérieur comme un épouvantail pour faire peur. L’endettement extérieur est dangereux s’il est mal géré, et bénéfique s’il est bien géré. L’Algérie a une longue expérience en la matière, malheureusement on ne tient pas compte de nos expériences. Pendant une période déterminée, dans les années 1970, le financement extérieur était très bien géré et a permis de créer des entreprises et financer des infrastructures, etc., mais lorsqu’on a commencé à utiliser ces dettes pour importer des biens de consommation, on a enfoncé le pays dans une situation ingérable. - Si les prix du pétrole restent en l’état, on est obligé de recourir à cet endettement ? Exactement. Tout le monde dit : les prix stagnent et n’arrivent pas à augmenter. Dans le meilleur des cas, cela ne dépassera pas 60 dollars et avec ce montant, il nous sera impossible d’avoir les ressources nécessaires pour financer des projets d’infrastructure économique et sociale et des projets productifs. La souveraineté du pays est touchée lorsqu’on fait un endettement extérieur excessif dépassant les moyens du pays, et si on utilise cet endettement d’une façon inefficace.  


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