La politique entre la chape de répression et le poids des notables



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Ses palmeraies et ses ksour, ses paysages et ses oasis verdoyantes invitent le visiteur à la détente et la découverte. Ghardaïa regorge de mille et un trésors à explorer. Mais en cette journée printanière, en pleine campagne pour les élections législatives du 4 mai prochain, la vallée du M’zab offre l’image d’une ville garnison.  Elle est totalement quadrillée par les services de sécurité. Pour traverser Berriane, première ville avant d’arriver au chef-lieu de wilaya, il faut franchir plusieurs barrages dressés par la police et la gendarmerie. La RN1 sépare le Ksar de Berriane et les quartiers arabes. A l’entrée de la ville de Ghardaïa, la présence des services de sécurité est aussi remarquée. En s’enfonçant dans les entrailles de la ville, la police et la gendarmerie surveillent toutes les ruelles et s’érigent en barrière dans les zones tampons qui séparent les deux communautés, les quartiers à concentration mozabite et les quartiers arabes. Jeune cadre du secteur du tourisme à Ghardaïa, Abdellah déclare : «Voyez-vous, les hôtels sont pratiquement vides et l’arrivée d’un client nous extirpe un peu de notre torpeur et de la solitude. La ville est totalement maillée. Un dispositif de sécurité toujours impressionnant malgré qu’il ait été partiellement levé. Une présence ostentatoire dissuasive pour les fauteurs de troubles, mais combien agressive pour un touriste qui aimerait découvrir la beauté du M’zab. Quel contraste avec la magie des lieux capable de constituer un grand gisement pour le tourisme dans la région !» Mal nécessaire, dira un citoyen du vieux ksar. Les événements qu’a connus la région ont bel et bien terni la belle carte qu’offre à voir la vallée du M’zab avec la beauté architecturale de ses ksars millénaires et ses palmeraies. Une belle épopée qui témoigne de la capacité de l’homme à apprivoiser la nature quelle que soit sa dureté. Ghardaïa n’était qu’une succession de collines rocheuses, austères et rudes transformées par la volonté des hommes en paradis sur Terre. Arrivera-t-elle à exorciser les démons de la violence ? La vallée du M’zab aurait pu être une belle oasis de paix, de calme et de sérénité. Bien qu’elle semble les retrouver depuis plus deux ans, les Ghardaouis pansent lentement et patiemment leurs plaies, tout en espérant pouvoir un jour, et pour toujours, vivre dans le respect et la cohabitation. «Dieu merci, la paix est revenue et tout va bien pour le moment, pourvu que cela dure», nous dit un citoyen rencontré jeudi dernier dans le quartier dit Momo, à proximité du ksar de Beni Izguène. Le retour au calme est visible dans toute la ville grouillante de monde jeudi soir dernier. Les Ghardaouis apprécient à leur juste valeur ces moments de paix, eux qui ont trop souffert ces dernières années. Ils sortent peu à peu de la léthargie imposée par les affrontements qui ont eu lieu dans la région. Selon les Ghardaouis, les indices  qui certifient ce retour au calme sont sans doute «le déroulement sans incident de la Fête du tapis puis du Festival de la chanson mozabite». «Cela a été un plaisir de voir des jeunes Mozabites partager la même piste de danse avec les jeunes issus des tribus arabes  sur les airs et les répertoires de la musique locale.» Sur les terrains de jeu aménagés depuis peu par les autorités, les jeunes des deux communautés se livrent joyeusement, les fins d’après-midi, à des parties de football. «Personne n’aurait imaginé, après les affrontements sanglants, que la vie allait reprendre son cours normal aussi vite», soutient un habitant de la ville. La fracture engendrée par les affrontements était tellement béante. Jeudi dernier, quand nous sommes arrivés dans la ville de Ghardaïa vers 19h, des enfants mozabites vêtus de leurs tenues traditionnelles circulaient en groupe en ville et rejoignaient, comme ils le font chaque soir, les écoles coraniques en toute quiétude. N’était l’impressionnant dispositif de sécurité qui reste important malgré son allégement, personne n’aurait pensé que la ville a connu de graves affrontements auparavant.  La présence policière est le seul stigmate visible que porte encore la vallée du M’zab. Tous les points chauds de la ville, les lignes séparant les quartiers des deux communautés sont occupés par les services de sécurité. Ils encadrent encore la place du marché, situé au bas du ksar de Ghardaïa, à proximité de la mosquée malékite, qui se trouve en plein quartier mozabite. Elle a été construite par ces derniers pour permettre aux employés des autres communautés d’accomplir leurs prières sans avoir à se rendre durant la journée dans leurs propres quartiers. Autrefois symbole de tolérance et du vivre-ensemble, ces lieux de culte répliqués pratiquement dans la majorité des ksars, comme c’est le cas aussi à Berriane, à Kef Hamouda, sont devenus des endroits de défiance pour ceux qui veulent donner une coloration religieuse aux affrontements qui ont secoué la région et ceux qui veulent transformer en poudrière la vallée du M’zab. Les services de sécurité surveillent  Ghardaïa comme on surveille le lait sur le feu. De quoi susciter la confiance et l’enthousiasme des citoyens qui nourrissent tout de même quelques inquiétudes quant à l’avenir. «Si rien ne se passe durant le Ramadhan et pendant la prochaine rentrée scolaire, on pourra dire que la paix est revenue», espère vivement un habitant de Ghardaïa content de savourer ces moments de tranquillité. Les cafés, les restaurants et autres commerces sont ouverts jusqu’à une heure avancée de la nuit. Les gens circulent librement et en toute sécurité. «Que demander de plus ?» A l’entrée de la ville de Ghardaïa, le monument de La Concorde qui symbolise ce retour au calme, réalisé par deux artistes, l’un Mozabite, Hadj Saïd Slimane, et l’autre Arabe, Siradj Bouhafs,  un chef-d’œuvre architectural et artistique trône sur la vallée du M’zab. Un joyau de paix qui rappelle à l’ordre et expurge des démons qui ont endeuillé la région à plusieurs reprises. Situé au carrefour qui relie Ghardaïa à Ouargla, ce monument de La Concorde est devenu un passage obligé pour tous les visiteurs de Ghardaïa et ceux qui prennent la route vers l’extrême sud du pays. Les deux cafés entourés de grandes terrasses et de vastes espaces verdoyants ne désemplissent pas le soir. Ghardaïa : zone interdite pour le FFS et le RCD Peu de gens parlent des élections dans la rue. Comme si le prochain scrutin viendrait  gâcher la sérénité des lieux. Même les responsables des partis politiques évitent cette ville martyre. D’ailleurs, la première semaine de la campagne électorale n’a vu aucun passage de chef de parti politique, excepté le Front des forces socialistes (FFS) dont le premier secrétaire a lancé sa campagne électorale à partir de Ghardaïa, en solidarité avec ses responsables locaux «empêchés de se porter candidats au scrutin du 4 mai». On dit que Louisa Hanoune, dont le Parti des travailleurs a présenté une liste, est attendue, mais personne ne connaît la date. Le président du Front national algérien (FNA), Moussa Touati, a lui animé un meeting  populaire à la bibliothèque communale de Guerrara, d’où est originaire le tête de liste du parti dans la wilaya. Une vingtaine de personnes sont venues écouter son discours sans l’applaudir une seule fois. En matière de pratique politique, Ghardaïa est depuis longtemps comparée à un véritable ghetto. Pour les partis de l’opposition, la vallée du M’zab est une zone interdite. Le FFS a été carrément empêché de se présenter aux élections législatives du 4 mai prochain. Le fédéral du parti à Ghardaïa, Hamou Mesbah, est sous contrôle judiciaire depuis quelques mois. Rencontré au siège local du FFS à Ghardaïa, le secrétaire national à la solidarité du parti du défunt Hocine Aït Ahmed est catégorique : «Il y a une volonté manifeste d’empêcher le FFS d’exister à Ghardaia.» Tout a été fait pour qu’il ne se présente pas aux prochaines élections législatives. «Les chefs d’accusation prononcés à mon encontre ne tiennent pas debout.» Hamou Mesbah, qui a été dans la cellule de crise pour mettre fin aux affrontements intercommunautaires, est accusé de «menace contre la stabilité de l’Etat», «incitation à la violence». Le poursuivre en justice et le mettre sous contrôle judiciaire, lui et d’autres responsables locaux du FFS, était «une manœuvre suffisante pour les empêcher de prendre part aux prochaines élections. Même les notables mozabites cultivent, selon une source locale, une méfiance vis-à-vis du parti du défunt Hocine Aït Ahmed. Les notables (conseil El Kourty), cette structure qui pèse lourd dans les choix politiques locaux, a été pour beaucoup dans cette situation. «Ce sont eux qui donnent leur caution aux représentants des formations politiques et ce sont eux qui valident les listes électorales.» Dernièrement, indique une source à Ghardaïa, ils avaient convié la majeure partie de la classe politique, sauf le FFS. Pis encore, «quand ils tiennent leur réunion et remarquent  la présence d’un militant du FFS, ils lèvent la séance». «Ils ne veulent pas d’un parti qui éveille les consciences», regrette Hamou Mesbah. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Mohcine Belabbas n’est pas épargné. Depuis longtemps, les militants du RCD souffrent du joug des pressions. La majorité de ses cadres sont jetés en prison. Il n’a d’ailleurs pas pu présenter de liste à Ghardaïa. Nourreddine Kerrouche, militant du parti et membre de son conseil national, n’est sorti de prison qu’en mars dernier. Il a été acquitté après 20 mois d’emprisonnement injuste. Des militants de partis politiques rencontrés dans la ville sont convaincus qu’il y a une volonté manifeste du pouvoir d’empêcher les partis de l’opposition de prendre racine dans la vallée du M’zab. A Berriane, le bureau de la formation de Mohcine Belabbas est fermé. A Ghardaïa, après tout qui s’est passé, peu de gens sont tentés par la militance dans les partis de l’opposition. Seulement dix partis politiques sont en compétition pour les 5 sièges. Bien évidemment, on note la présence des plus importantes formations, à savoir le Rassemblement national démocratique (RND) d’Ahmed Ouyahia, Le Front de libération nationale (FLN), Le Mouvement populaire algérien (MPA), l’Alliance nationale républicaine (ANR) de Belkacem Sahli, le Parti des travailleurs (PT), le Front national algérien (FNA), le Mouvement de la société pour la paix (MSP),  mais aussi des listes indépendantes. Les listes électorales des notables Les plus importantes parmi ces dernières sont les listes confectionnées par la communauté mozabite avec la bénédiction des notables. Selon un des notables qui tient à préserver l’anonymat, la wilaya de Ghardaïa est divisée en 3 zones. La première comprend trois ksars, Beni Yezguene, Bounoura et El Atef, la deuxième est composée des ksars de Ghardaïa et Mélika et la troisième, ceux de Berriane et de Guerrara. Les trois zones géographiques couvrent en fait les sept ksars. Et ce n’est pas un hasard. Notre source révèle que le choix est bien étudié. Il répond au partage du gisement électoral de chaque zone. Selon lui, le souci est de garantir un certain équilibre et surtout la victoire des listes mozabites et trois sièges sur cinq possibles dans la wilaya. Notre interlocuteur avance, en effet, des pronostics chiffrés. 20 000 électeurs de Guerrara additionnés à ceux de Bériane 11 000, feront 31 000 voix. Ghardaïa 30 000 et Mélika 7000 feront 37 000, Ben Yezguene, Bounoura et El Atef 30 000 électeurs. Par ailleurs, d’autres  Mozabites se sont portés candidats sur des listes de partis politiques. Celle du RND est conduite par un Mozabite. Un certain Omar Kara, un député  sortant mais qui est très contesté par ses pairs pour n’avoir pas respecté la règle non écrite qui dicte qu’un membre de la communauté n’a droit qu’à un seul mandat non renouvelable. Le candidat de la formation d’Ahmed Ouyahia  est passé outre et s’est imposé encore une fois pour postuler une seconde fois à la députation. Cet ancien militaire qui, selon des sources locales, a été «radié des rangs de l’armée, s’accroche à la députation comme  à une bouée de sauvetage». Ce Mozabite natif de Relizane ne parle pas un traître mot de mozabite. Il a passé sa vie et sa carrière ailleurs que dans la ville de ses parents. Et «il traînerait plusieurs casseroles». Les notables qui ont donné leur caution à sa première candidature le regrettent. Pour eux, c’était juste une erreur de casting. Sa candidature pour un second mandat n’a pas laissé indifférent. Le président de l’APC de Ghardaïa, Yahia Abaza, la conteste en confectionnant  sa propre liste. Dans ce bric-à-brac politique d’une inextricable complexité due aux enjeux tribaux et communautaire, le FLN a misé lui sur un candidat issu de la tribu des Mdhabih, un enseignant à l’université d’Alger, secondé par Meriame Benkhelifa, femme d’affaires propriétaire,  d’El Goléa. Une autre femme conduit une liste indépendante (El Ichrak). Comme dans certaines régions du pays, le conservatisme a encore de beaux jours devant lui. Sur les listes des candidats, déchirées par endroit, les visages de certaines femmes candidates sont carrément masqués. On les retrouve surtout sur des listes indépendantes et la liste de l’ANR, le parti de Belkacem Sahli. «On élira des fantômes», peste Kamel, un citoyen de la wilaya. Mais sur les panneaux d’affichage, on remarque bizarrement l’absence de listes présentées par les Mozabites. La configuration politique dans la région se fait au pas de charge. Elle est à coup sûr façonnée par  les violents affrontements qu’ont connus les villes de Ghardaïa et Guerrara. 


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