Législatives à l’étranger

“L’Algérie, ce n’est plus simplement porter un drapeau pendant les matches”



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Les Algériens vivant en France ont commencé à voter ce samedi 29 avril pour les élections législatives algériennes. Le scrutin se poursuit dimanche, puis le jeudi 4 mai.

Pour les Parisiens, le vote a lieu, selon l’ordre alphabétique, aux bureaux du consulat à Paris 16e, rue d’Argentine ou rue des Eaux. Pour faciliter le processus, le consulat a mis en place un système de navettes entre les deux sites, pour ceux qui se tromperaient d’adresse. 

Rue d’Argentine, Aïssa, en forme pour ses 76 ans, essuie l’encre de ses doigts en sortant du bureau de vote. “J’ai toujours voté, c’est un devoir”, dit-il en montrant les nombreux tampons sur sa carte électorale. “Je suis en France depuis 1959 mais j’ai gardé la nationalité algérienne. J’ai toujours de l’espoir pour l’Algérie”.

Un vote sous surveillance 

Face au consulat général, rue d’Argentine dans le 16e arrondissement, une camionnette de police est stationnée. “L’ordre vient d’en haut”, nous apprend un policier français debout sur le trottoir, l’oeil sur l’entrée du consulat. “Ce sont des ordres qui nous sont donnés quand une sensibilité est ressentie”, explique-t-il, sans donner plus de détails.   

Au consulat, des votants, généralement assez âgés, défilent sans discontinuer, mais l’affluence espérée n’est pas au rendez-vous.

“En ce premier jour de scrutin, le bouche-à-oreille n’a pas encore fonctionné à fond, mais nous sommes tout de même agréablement surpris par la fréquentation”, explique M. Touahria, chef du centre. “Nous aurions bien sûr voulu voir des files d’attente devant le consulat ! Mais il faut bien admettre que les législatives ne sont pas les élections les plus glamour”, dit-il avec un sourire.

“Nous espérons que le vote sera représentatif de la communauté algérienne en France. Ici, il y a 42.155 Algériens inscrits sur les listes électorales, sur un total de 130.000 personnes inscrites au consulat général de Paris. Le ratio n’est déjà pas si important. Nous espérons toutefois que le scrutin intéresse nos concitoyens, car c’est un vote pour ceux qui les représenteront à l’Assemblée nationale. Tous les pays ne permettent pas à leur ressortissants à l’étranger d’être représentés, c’est un lien très important à la mère partie. Et nous essayons toujours de renforcer ce lien”.

Les contraintes de l’état d’urgence 

Pour informer les Algériens en France de la tenue des élections, le consulat s’est efforcé d’entrer en contact avec eux. “Nous avons envoyé des SMS aux personnes dont nous avions les coordonnées. Il n’est pas facile de communiquer davantage sur les élections, car il faut respecter les contraintes du pays hôte, la France. C’est l’état d’urgence qui explique que le scrutin, initialement prévu du 29 avril au 4 mai, ait été abrégé à trois jours : les autorités françaises l’ont demandé, parce qu’elles ne pouvaient pas mobiliser des policiers sur six jours“.  

Pour cette élection, le consulat a aussi mis en place un système de navettes qui récupère à l’hôpital ou à l’hospice les personnes handicapées ou âgées suivies par les services sociaux et désireuses de voter. “Nous les amenons au bureau de vote et les raccompagnons quand ils finissent de voter”.  

Une dizaine d’observateurs, envoyés par les partis candidats, gardent l’œil sur le processus. Si certains préfèrent ne pas faire de commentaire, d’autres nous livrent volontiers leur point de vue. “L’élection se passe bien, les gens sont libres de voter comme ils veulent”, nous dit M. Mahtout, l’un des observateurs

Un observateur du FLN, Mohammed Mekid, nous explique qu’il est “étonné” de voir des jeunes, surtout binationaux, se rendre aux urnes. “Il y a un retour de mobilisation de la part des compatriotes, un nouvel allant”, estime-t-il. Il déplore toutefois un “manque de communication. Beaucoup de compatriotes n’ont pas été avertis des élections”, regrette-t-il. Une autre observatrice du FLN, Mme Abla, est également satisfaite du déroulement du vote et de la logistique au consulat.

Une autre observatrice, qui a préféré garder l’anonymat, trouve ,elle aussi, que les binationaux se mobilisent plus qu’avant. “Pour eux, l’Algérie, ce n’est plus simplement porter un drapeau pendant les matches”, remarque-t-elle.

Valoriser la communauté des immigrés algériens

Quelques-uns des candidats se sont rendus au consulat ce samedi. Ils se rendent généralement sur les lieux de vote en fonction des endroits ciblés par leur campagne, nous explique-t-on au consulat. Parmi eux, M’hamed Benkherouf, candidat de l’ANR, regrette que tous les candidats ne soient pas venus sur le terrain. “Nous avons fait campagne sur une surface de 7800 km, ce n’était pas facile. Cette élection est importante, il faut que tout le monde soit mobilisé”, estime-t-il. 

Aïssa Nakes, du RND, espère que l’affluence sera plus importante dimanche et jeudi. “Nous avons fait campagne au même moment que l’élection présidentielle française, donc il n’a pas été facile de faire passer notre message en France. Mais nous ne perdons pas espoir”, assure-t-il. Sa campagne a été une campagne “de proximité”. 

Pour son parti, l’électorat immigré a une importance particulière. Un point de vue partagé par Smail Hamroun, candidat d’Al Moustakbal. Pour lui, la communauté algérienne en France, “forte de 5 millions de personnes, constitue un réservoir d’énergie, de compétence et d’expertise qui doivent impérativement servir l’Algérie”.

S’il est élu, il entend demander la création d’un ministère de l’Immigration et mettre en place une politique qui permette une synergie avec les immigrés, afin qu’ils puissent participer au redressement de l’Algérie dans tous les secteurs. “Il faut amener les immigrés à s’intéresser à leur pays, il faut par exemple donner aux médecins algériens d’ici les moyens d’opérer là-bas dans de très bonnes conditions. Il faut doter le gouvernement d’outils institutionnels pour répondre aux aspirations des immigrés. Ce n’est pas normal que nos intellectuels s’en aillent au Canada… L’Algérie est exsangue de sa substance intellectuelle”.

Mais “les électeurs ne sont pas là”, déplore-t-il. “Ils n’étaient même pas au courant de cette élection, l’information n’a pas été suffisante, et le fichier d’électeurs qui nous a été fourni ne contenait même pas de coordonnées, nous n’avons pas pu les contacter. La spécificité de l’électorat de l’immigration n’a pas été prise en compte, parce qu’il est dispersé”, analyse-t-il. 

Voter, un devoir

Que pensent les votants de cette élection ? Yahia, 75 ans un peu voûté mais au regard vif, lance : “Je vote toujours. Ici, si je suis ici, et en Algérie si je suis en Algérie” explique-t-il. “C’est un devoir”.

Khadidja, une votante d’une soixantaine d’années, renchérit : “Je vote à chaque élection, je vois ça comme un devoir. On a la chance de pouvoir voter, il faut la prendre. Moi, c’est en appelant ma famille à Alger que j’ai appris les dates de l’élection ici. Je suis en France depuis 40 ans, mais je me sens concernée par ce qui se passe dans mon pays. J’espère que cette élection apportera de bonnes choses pour notre pays et qu’il subira moins d’attaques”.

Un point de vue partagé par Fatima, quinquagénaire qui nous explique, entièrement en arabe : “Je vote toujours, je vote pour le bled qui est comme ma deuxième maman. Je vote pour le FLN, et que le meilleur gagne. Il y a beaucoup de partis, et je ne les connais pas, je n’ai pas suivi la campagne. Je vote pour ceux qui sont là depuis longtemps, en espérant qu’ils redressent le pays et ne créent pas de problèmes”, explique-t-elle, avant de nuancer : “De toute façon, ils donnent et reprennent. Donc, j’espère juste qu’ils ne créeront pas de problèmes. Nous avons déjà tellement souffert pendant les années 1990… J’aimerais quand même qu’ils fassent quelque chose pour baisser le prix des billets d’avion, et réduire la durée de rapatriement des corps… Beaucoup d’Algériens ici en ont marre. Pour les Marocains et les Tunisiens, ces choses-là se passent mieux. Ce n’est pas normal que chez nous, ce soit encore si compliqué”, lance-t-elle.

D’autres sont moins enthousiastes. Fatna et Djemila, deux sexagénaires venues ensemble au consulat pour raisons personnelles, ne voteront pas. Pourquoi ? “J’ai l’habitude de voter pour les présidentielles, parce que le président représente le pays. Je vote moins pour les législatives, parce qu’elles ne changeront rien”, explique Fatna. “Je vous avoue que je n’y crois pas, je n’ai pas confiance dans ces gens qui cherchent le pouvoir. Ils ne s’intéressent ni au pays ni au peuple. Moi, j’ai un neveu bardé de diplômes qui est obligé de vendre des légumes pour survivre”. Sa belle-soeur, Djemila, renchérit : “Les promesses faites ne sont pas tenues. C’est très bien que je ne me sois pas inscrite sur les listes. Mais attention : on aime notre pays ! Nous, on le critique, mais on ne permettra à personne d’autre de le critiquer”.  

Fatima et Kheira, deux femmes d’une quarantaine d’années, sont venues voter ensemble. “Je vote rarement pour les législatives, mais je suis attentivement les informations sur Canal Algérie. On veut que notre pays brille par rapport aux autres”, explique Fatima.“Beaucoup de choses ont changé en Algérie, et on a quitté la période du terrorisme. Souvent, les gens oublient el kheir (le bien), mais moi, je n’oublie pas. Ceux qui critiquent l’Algérie sont des jaloux”. Pour Kheira, ”c’est normal de venir voter. Et nous, nous avons ennif (la fierté). Nous n’oublions pas que tous les autres pays nous ont tourné le dos pendant les années 1990. Moi, j’adore mon pays, je ne supporte pas qu’on en dise du mal”.


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