Les systèmes politiques compromettent le développement



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Dans cette édition, la 16e du genre, résultat d’un travail de collaboration entre trois institutions — la Banque africaine de développement, le Centre de développement de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique) et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) —, le coup de projecteur porte sur l’entrepreneuriat et l’industrialisation. Autrement dit sur les conditions à mettre en place pour déployer des politiques susceptibles d’assurer une croissance durable après une période marquée par un ralentissement économique. Une situation due, selon les rédacteurs dudit document, à la faiblesse des cours internationaux des produits de base, la morosité de la conjoncture internationale, l’essoufflement progressif de l’économie chinoise, les effets secondaires des révolutions dans certains pays arabes et le conflit qui se prolonge en Libye. D’emblée, le rapport des trois institutions souligne les conséquences négatives de la chute des prix des produits de base sur les pays africains exportateurs comme l’Algérie. Ainsi, en résumé, les pays qui se sont dotés de politiques budgétaire, monétaire et de change mieux coordonnées et plus cohérentes ont de solides capacités de résilience aux chocs. Les pays perçus comme des destinations sûres pour les investissements (du fait, entre autres, de cette cohérence des politiques) sont les mieux outillés pour résister à des déséquilibres extérieurs importants sur une période de turbulences plus longue, indépendamment de leurs fondamentaux sur le plan de la gouvernance macroéconomique. Diversifier les exportations pour réduire la vulnérabilité «Les pays africains exportateurs nets de produits de base ont vécu une année 2016 difficile, la plupart des pays non exportateurs de ces produits ont continué de progresser, consolidant les acquis des années précédentes. Les politiques budgétaire, monétaire et de change ont varié à travers le continent, les Etats dotés de politiques mieux coordonnées ayant été plus à même de supporter les chocs», résume l’édition 2017 des perspectives économiques en Afrique dans laquelle il est préconisé de diversifier les exportations. «A terme, l’Afrique va devoir diversifier ses exportations pour réduire sa vulnérabilité aux chocs sur les prix des produits de base. De plus, elle devrait s’efforcer aussi de mieux exploiter les atouts du commerce intra-africain», est-il encore indiqué dans le rapport qui plaide pour la relance de la dynamique de l’intégration régionale. En attendant, pour 2017 et 2018, l’Afrique devrait bénéficier du redressement des cours des matières premières, entamé en fin d’année 2016, mais également de la hausse de la demande privée, y compris sur les marchés intérieurs. Une note positive est également relevée en matière de gestion des politiques macroéconomiques. «Désormais ancrée dans de nombreux pays, d’un environnement des affaires globalement favorable qui tend à s’améliorer et d’une structure économique plus diversifiée, en faveur en particulier des services et de l’industrie légère», précise le document de la BAD, l’OCDE et le PNUD. Maintien des déficits en 2017 Cependant, les perspectives tablent sur le maintien des déficits courants en 2017 de manière moins prononcée qu’en 2016. Mais faudrait-il que le redressement récent des cours des produits de base se confirme. Ce qui reste incertain. Faudrait-il aussi qu’il y ait des changements sur le plan politique. Car, dans le domaine de la gouvernance économique et politique, il y a des améliorations qui restent toutefois insuffisantes. Pour les trois institutions sus-citées, des défis sont à surmonter. Comment ? «Si les gouvernements africains veulent soutenir les entreprises et favoriser l’innovation, ils doivent élargir l’accès à l’électricité et aux financements et améliorer les politiques de concurrence», répondent les rédacteurs du rapport. Il y a surtout la nécessité d’être à la hauteur des aspirations des citoyens sur le plan politique. Pour ce qui est de la promotion de l’industrialisation, thème principal de cette édition qui insiste sur les stratégies innovantes, il faut commencer par dépasser les approches traditionnelles se limitant aux seules industries manufacturières, pour couvrir tous les secteurs porteurs de croissance et créateurs d’emplois. Car, tout au long de ces dernières années, la mauvaise gestion des rentes a affaibli les stratégies d’industrialisation. Quelques stratégies seulement se sont avérées efficaces, les autres se sont soldées par des échecs. A titre illustratif, l’île Maurice et la Tunisie ont créé des zones économiques spéciales et attiré des Investissements directs étrangers (IDE) pour exporter leur production. Ce qui leur a permis de devenir des pays à revenu intermédiaire. Aussi, la mauvaise gestion des rentes tirées des matières premières dans plusieurs pays axant leur économie sur les ressources naturelles a encore affaibli des institutions déjà fragiles. Créant un environnement des affaires risqué, les investissements productifs et l’entrepreunariat ont pu être découragés. En Afrique, les tentatives d’industrialisation ont également pâti des exportations d’Asie de l’Est vers le marché africain et international à des prix très compétitifs. La consommation a entraîné une augmentation des importations alors que la croissance restait faible là où il aurait fallu investir dans l’économie nationale. Face à un tel constat, les pays qui comptent sur leurs ressources naturelles comme l’Algérie peuvent recourir aux recettes de la vente de produits de base pour fournir aux regroupements d’entreprises des biens publics (tout particulièrement des infrastructures) afin de diversifier l’économie, favoriser les interconnexions locales, attirer les IDE et développer l’emploi. Mais, pour relever ce défi, des changements sont à opérer. Et pour cause, pour l’heure, «l’engagement en faveur de la responsabilité dans les instances politiques-clés n’est toujours pas à la hauteur des attentes des citoyens. C’est également le cas pour la performance des administrations publiques», est-il mentionné encore en exergue dans le rapport. Evaluer pour réussir «Les stratégies d’industrialisation doivent par ailleurs intégrer les entrepreneurs offrant un réel potentiel en s’appuyant sur les start-up et les petites et moyennes entreprises capables d’étayer la croissance des grandes entreprises, pour accélérer l’industrialisation africaine», recommande le rapport. De même que ces stratégies doivent encourager une «industrialisation plus propre», moins coûteuse sur le plan environnemental et adaptées à la spécificité du contexte africain et les enseignements venus de pays possédant une solide base industrielle. Pour concrétiser ces objectifs, il y a lieu d’opter pour des plans directeurs tenant compte des besoins des entreprises à fort potentiel de croissance. Car, pour l’heure, les capacités de mise en œuvre des politiques demeurent faibles, avec de fréquents conflits de compétence entre organismes gouvernementaux. En résumé, déployer des stratégies de productivité exige un engagement total, sans faille et visionnaire de la part des responsables politiques et une coordination excellente au niveau du gouvernement et la participation active du secteur privé. Et ce, tout en réservant une place de taille à l’évaluation des politiques publiques et de leurs effets, seul garant de la réussite des stratégies d’industrialisation à orienter sur la base de certains facteurs à prendre efficacement en charge. Il s’agit en premier lieu du développement des compétences (éducation formelle, apprentissage, formation professionnelle) et des capacités managériales répondant ainsi aux besoins du marché du travail. Viendront ensuite des politiques de soutien aux regroupements d’entreprises (clusters) pouvant servir de catalyseurs pour renforcer la productivité et le développement des entreprises, même de petite taille. Enfin, des politiques relatives aux marchés financiers pourraient améliorer l’accès des entreprises à des instruments de financement sur mesure et innovants. Financement extérieurs à diversifier Sur un autre plan, en 2017, les apports financiers extérieurs à l’Afrique devraient atteindre 179,7milliards de dollars, en hausse par rapport aux 177,7 milliards de 2016. Pour les experts ayant rédigé ce rapport, les IDE et les envois de fonds des émigrés confirmant leur statut de principales sources de financements extérieurs. Ainsi, grâce aux apports du Moyen-Orient et de l’Extrême-Orient, les IDE devraient atteindre 57,5 milliards de dollars. La diversification de ces investissements est attendue dans les biens de consommation et le secteur tertiaire, comme les services financiers, les technologies de l’information et les télécommunications. Les envois de fonds devraient atteindre pour leur part 66,2 milliards de dollars en 2017, en progression de 2,4% par rapport à l’année précédente. Ce qui explique que l’aide restera essentielle pour les pays à faible revenu et les économies fragiles où les apports privés sont appelés à jouer un rôle grandissant pour mobiliser les financements et stimuler le développement et l’entrepreneuriat à l’échelle locale. Car, «malgré les importants efforts consentis pour accroître les recettes budgétaires, celles-ci ne parviennent toujours pas à couvrir les besoins», rappelle le document. Intégration régionale, une urgence En matière d’intégration commerciale régionale, il est signalé que le volume des échanges interafricains reste faible. D’ailleurs, au cours des 20 dernières années, les échanges entre l’Afrique et le reste du monde ont quadruplé en valeur. D’où la nécessité justement de relancer la dynamique de l’intégration régionale. Et ce, d’autant que les dimensions réduites du marché intérieur de nombreux pays africains ont limité les économies d’échelle, tout particulièrement pour les petits pays et ceux n’ayant pas d’accès à la mer. Comme conséquences, la lenteur de l’intégration régionale s’est accompagnée de multiples problèmes : normes différentes, mesures protectionnistes ou autres politiques réduisant la taille des marchés pour l’industrialisation. Au chapitre du développement humain, 18 pays africains ont un niveau de développement moyen ou élevé et le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté est en recul. Mais les progrès sur le front du développement humain restent lents et inégaux. Une situation qui ne pourra changer qu’avec la création d’emplois et l’entrepreneuriat, à condition que les freins soient levés : «A condition de renforcer l’éducation, les compétences et la santé des populations, d’inclure les jeunes et les femmes et de promouvoir une utilisation durable des ressources environnementales, l’Afrique réussira à mieux respecter ses engagements vis-à-vis des objectifs de développement durable (ODD) et de l’Agenda 2063», préconise le document.  


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