Le chemin de croix des Premiers ministres de Bouteflika



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Le président Bouteflika a procédé, mercredi dernier, à la nomination d’Abdelmadjid Tebboune au poste de Premier ministre, en remplacement d’Abdelmalek Sellal qui a occupé ce poste avec docilité pendant près de cinq ans. Jusqu’au dernier moment, l’ex-Premier ministre a semblé croire qu’il allait être reconduit à son poste, allant même jusqu’à mener des consultations avec les partis politiques et à préparer sa liste de ministres. La réalité du poste qu’il occupe aura néanmoins fini par le rattraper, comme tous ses prédécesseurs.

Dans tous les régimes présidentiels, la fonction du Premier ministre a toujours été foncièrement ingrate et défavorable à celui qui l’occupe. Bien trop souvent, le Premier ministre cumule en effet les rôles de paravent et de paratonnerre au profit du détenteur du pouvoir exécutif. Le Premier ministre finit par la suite inévitablement en jouant le rôle de fusible lorsque la situation devient intenable, permettant ainsi au chef d’État en poste de créer l’illusion d’une nouvelle dynamique.

Benbitour, huit mois à peine…

Le Premier ministre en Algérie ne fait pas défaut à ce rôle ingrat qui lui est assigné. Ce rôle de paratonnerre et de fusible est même poussé jusqu’à ses derniers tranchements depuis la prise de pouvoir du président Bouteflika, où le Premier ministre est relégué au rang de simple exécutant. Avec Abdelmadjid Tebboune, Bouteflika aura nommé six Premiers ministres depuis décembre 1999. Les six précédents ont jusque-là presque tous connu le même sort, malgré des destins différents.

Ahmed Benbitour a été le premier chef du gouvernement nommé par le président Bouteflika, un poste qu’il occupera un peu plus de huit mois à peine. Se rendant compte de la futilité de la fonction qu’il occupe sous la présidence de Bouteflika, il démissionne en août 2000. Avec son départ, il perd toute influence politique et disparaît dans l’anonymat, réapparaissant ici et là pour effectuer des déclarations dans les médias et se plaçant du côté de l’opposition en rejoignant notamment la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD).

Benflis : l’ambition contrariée

Benbitour est remplacé au poste de chef de gouvernement par Ali Benflis, une fonction qu’il occupera pendant près de trois ans. Ali Benflis quittera son poste en 2003 avec l’aspiration de devenir le prochain président. Perçu comme favori et bénéficiant de nombre de soutiens, Benflis est sèchement battu lors des présidentielles d’avril 2004. Des élections dont l’ex-chef du gouvernement dénoncera la fraude massive.

Il revient à la charge en présentant une nouvelle fois sa candidature lors des élections présidentielles de 2014, où il sera une nouvelle fois battu tout en dénonçant encore la fraude massive. Il a lancé dans la foulée son propre parti politique, Talaie El Hourriyet, qui a boycotté les dernières élections législatives. Déchu de toute influence politique, Ali Benflis se distingue de nos jours par la publication de communiqués ou par l’organisation de sporadiques conférences de presse où les mêmes éléments de langage sont utilisés, et où l’on évite soigneusement de franchir toute ligne rouge qu’il semble s’être tracé.

Belkhadem : la disgrâce

Abdelaziz Belkhadem a également été nommé chef du gouvernement sous la présidence de Bouteflika, un poste qu’il occupera pendant deux ans. Dès sa nomination, Belkhadem a semblé accepter son rôle en tant que Premier ministre à l’ère de Bouteflika, affirmant qu’il n’était que « le coordinateur d’une équipe gouvernementale ». Après avoir quitté sa fonction de chef du gouvernement, Belkhadem demeure pendant plusieurs années dans les gouvernements successifs en étant nommé ministre d’État, représentant personnel du chef de l’État.

Il finit cependant en disgrâce en août 2014 lorsqu’il est limogé de son poste de conseiller et que la présidence demande au FLN d’interdire à Belkhadem toute activité au sein du parti. Évincé, tenu à l’écart du cercle du pouvoir, Abdelaziz Belkhadem perd toute influence politique. L’ex-chef du gouvernement tentera bien quelques percées afin de formuler le début d’un come-back, mais sans succès jusqu’à présent.

Ouyahia : le survivant

Au final, seul un chef du gouvernement a réussi à tirer son épingle du jeu et se maintenir contre vents et marées : Ahmed Ouyahia. Ce dernier a en effet réalisé l’exploit d’occuper le poste de chef du gouvernement sous la présidence de Bouteflika à deux reprises.

Qu’importe qu’il ait été évincé une première fois en 2006 après avoir pris ses fonctions trois ans auparavant, Ouyahia trouvera le moyen de revenir deux ans plus tard afin d’occuper une nouvelle fois pendant quatre ans le poste de chef de gouvernement.

Qu’importe qu’il ait été mis à la porte une seconde fois par le Président en 2012, Ouyahia trouvera les ressources pour s’immiscer entre les fissures de la présidence, et en devenir le directeur de cabinet en mars 2014, se plaçant ainsi au plus proche du pouvoir exécutif.

Malgré les nucléaires guerres de clans, malgré sa volonté affichée de devenir calife à la place du calife, malgré les vaines tentatives visant à l’écraser, Ahmed Ouyahia a pour l’instant toujours trouvé les ressources pour survivre politiquement. La question est de savoir jusqu’à quand ?


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