Le commissaire aux comptes alerte la justice



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Selon des sources proches du parquet de Annaba, le nouveau commissaire aux comptes de Somiphos a saisi, hier, le procureur près le tribunal de Annaba à l’effet de procéder au démêlage de l’écheveau d’un volumineux dossier entaché d’irrégularités et situer les responsabilités des gestionnaires. C’est le branle-bas de combat à la Société des mines de phosphates (Somiphos) Annaba et Tébessa, relevant du groupe Manal. En effet, la gestion du principal exportateur de phosphate en Algérie fait l’objet d’une action en justice. Et c’est le nouveau commissaire aux comptes de cette société de développement, d’exploitation et de commercialisation des différents produits phosphatés qui est l’initiateur de cette action. Selon des sources proches du parquet de Annaba, le nouveau commissaire aux comptes de Somiphos a saisi, hier, le procureur près le tribunal de Annaba à l’effet de procéder au démêlage de l’écheveau d’un volumineux dossier entaché d’irrégularités et situer les responsabilités des gestionnaires. Etablis par ce contrôleur légal externe, six principaux faits délictueux, les uns aussi graves que les autres, forment la conclusion d’un rapport épineux qui a passé à la loupe la gestion de Somiphos Annaba et Tébessa de 2014 jusqu’à 2016. Ils ont trait en majorité aux contrats d’exportation des phosphates, non-respect du code des marchés, fautes graves dans la gestion des contrats et rémunération exorbitante du commissaire aux comptes. Selon ce dossier, dont une copie est en possession d’El Watan, l’examen de certains échantillons des contrats d’exportation des phosphates des trois derniers exercices 2014, 2015 et 2016, a permis de relever l’existence d’une disparité remarquable et flagrante dans les prix fixés du phosphate pour certains clients par rapport à d’autres. Dans certaines cargaisons, le tonnage chargé dépasse le tonnage contractuel à plus de 10%. Il en est ainsi du contrat 05/VL/2014, signé avec le client Indagro, en date du 20 janvier 2014 à destination de la Grèce, dont le tonnage contractuel oscille initialement entre 5800 et 5900 tonnes de phosphate. Facturé à raison de 70 dollars/tonne, la cargaison chargée est cependant de 6547 tonnes, soit une différence supplémentaire de plus de 600 tonnes par rapport au contrat, estimée à 11%. Ce qui représente un manque à gagner de plus de 45 000 dollars. Des insuffisances auxquelles il faut ajouter plusieurs autres, notamment un important écart dans les stocks du phosphate destiné à l’exportation. En effet, le bilan fait état d’une différence cette année de plus de 37 000 tonnes de phosphate, représentant une valeur de près de 260 millions de dinars. Bien que les exportations des phosphates soient encadrées par une procédure de vente, validée par le conseil d’administration, l’examen de ce volet par le commissaire aux comptes montre que Somiphos, durant le dernier trimestre de l’année 2014, n’a pas respecté cette procédure, notamment en ce qui concerne les prix de vente. «On remarque que la décision de vente sous la formule ‘‘offre spéciale’’, c’est-à-dire que l’on cède à des prix inférieurs à ceux prévus par la procédure des ventes, n’a pas d’explication, car elle n’est pas formalisée ni adoptée par les organes délibérants. Mieux encore, un seul client — Timac Agro — a bénéficié de cet avantage en décembre 2014 uniquement, pour trois mois. L’état détaillé ainsi que les écarts de manque à gagner par Somiphos en devise dans le même mois et uniquement sur 4 contrats démontrent que le client Timac Agro a bénéficié d’une somme de 177 950 dollars. Cet avantage a été octroyé par Somiphos au profit du client privé français au détriment des autres clients», dénonce la même source. En effet, dans certains contrats, les prix de vente ne sont pas ceux arrêtés par le comité commercial. L’écart est important, alors que le comité commercial est l’unique organe habilité à fixer les prix de vente. Ces dérogations de diminution des prix de vente aux clients étrangers ne sont pas formalisées, comme il est exigé par la procédure de vente. «Qui justifie ce dépassement flagrant de la procédure de vente, validée par le conseil d’administration ? La notion de l’offre spéciale n’est pas prévue dans la procédure de vente ‘‘version 3’’. Qui a introduit cette notion en faveur de certains clients étrangers ? Est-il logique que dans le même mois, pour les mêmes destinations et la même qualité, certains clients bénéficient de la vente spéciale qui n’est pas autorisée par la procédure de vente, alors que d’autres sont gérés par la même procédure ? Qui profite de cette pratique ayant fait perdre à Somiphos  61 570 000 DA, soit une rentrée de devises de 615 700 dollars, uniquement pour une période d’un mois de l’année 2014 ?» s’interroge notre source en reprenant les accusations du commissaire aux comptes. Qualifiée de douteuse et portant préjudice à Somiphos, cette situation ne manquera pas d’être l’objet d’une enquête judiciaire plus approfondie par les services compétents, à l’effet de déterminer les responsabilités et préserver les intérêts de la société Somiphos SPA. Contrat avec une société en faillite La société espagnole Maquinaria de Canteras Triman, qui a signé le 23 avril 2015 un contrat avec Somiphos pour l’étude, la fourniture, la supervision du montage, la mise en service et les essais de performance de deux broyeurs impacter et deux cribles pour un montant de plus d’un million d’euros, est en situation de faillite. D’après des informations confirmées par des documents officiels, le contrat a dépassé deux années et concrètement la situation demeure inchangée. Sachant que les équipements de la 2e ligne sont réceptionnés alors que les réserves sur la 1re ligne ne sont pas levées. Force est de signaler que le contrat qui a été signé par Somiphos, notamment en ce qui concerne les modalités de paiement, n’est pas en faveur de l’entreprise. Pour preuve, Somiphos a réceptionné et payé des équipements sans pour autant s’assurer de leur conformité avec les performances attendues. «Le contrat est mal fait et la gestion de litige a pris du temps. Ceci aura certainement des conséquences sur l’augmentation des capacités de la production et le rendement de l’usine de traitement. Des mesures légales et réglementaires en vigueur s’imposent afin de déterminer le niveau de responsabilité de chacun, y compris l’ancien commissaire aux comptes», estime-t-on. Mais pourquoi interpelle-t-on l’ancien commissaire aux comptes de Somiphos ? Selon toujours la même source : «La vérification de la convention de commissariat aux comptes liant Somiphos à D. A., commissaire aux comptes couvrant le deuxième mandat allant de 2014, 2015 à 2016, a donné lieu à des irrégularités. Outre une convention signée par les deux parties non datée, ce commissaire aux comptes a signé la convention au nom de son cabinet A. D. Conseil, en même temps, il perçoit d’autres honoraires, pour un montant global de 2 324 179,44 DA, rémunérant des formations réalisées au profit du personnel de Somiphos depuis 2013.» Or, selon l’article 37 régissant cette fonction, le commissaire aux comptes n’a le droit, durant son mandat, qu’aux honoraires de la mission de commissariat aux comptes. Des avantages qui ont poussé le nouveau commissaire aux comptes à s’interroger sur le lien entre les différents acteurs et le commissaire aux comptes de l’entreprise. Force est de rappeler que la direction des ressources humaines est censée maîtriser la réglementation en vigueur concernant le choix des organes habilités à assurer la formation et de veiller sur sa stricte application.  


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