Des ripostes ponctuelles à défaut de stratégie



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Une situation qui a surtout dévoilé l’absence d’une stratégie de gestion des incendies dont le nombre est en augmentation ces dernières années, comme le montrent les différents bilans de la Protection civile et de la Direction générale des forêts. A défaut de mettre à la disposition de ces localités les moyens de lutte contre les feux ravageurs et limiter ainsi les conséquences désastreuses sur le patrimoine forestier et les récoltes, on a recours aux solutions de facilité et aux promesses d’une indemnisation. Ayant réagi tardivement face à une telle situation, les représentants du gouvernement ont tenté de se rattraper en s’engageant à aider financièrement les populations affectées en application d’une décision présidentielle. En l’espace de deux jours, deux ministres se sont rendus au chevet de Tizi Ouzou, la wilaya la plus touchée par la catastrophe, selon le chef de bureau des incendies à la DGF, Rachid Benabdallah étant une zone fortement boisée. Faute de prise en charge Les 17 et 18 juillet, Nourredine Bedoui et Abdelkader Bouazgui, respectivement ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales et ministre de l’Agriculture, de la Pêche et du développement rural se sont rendus dans cette wilaya pour afficher l’engagement de l’Etat à prendre en charge les dégâts causés par les incendies dont la lutte a nécessité, pour rappel, l’appui d’autres wilayas (Boumerdès et Bouira notamment) en raison du manque flagrant des moyens sur place. Il a fallu que la Protection civile renforce ses moyens pour la lutte contre les feux à Tizi Ouzou après que les populations locales aient dénoncé le manque criant en équipements dédiés à cet effet Pour tenter d’apaiser la tension, c’est le ministre de l’Intérieur qui s’est déplacé en premier dans la ville des genêts pour annoncer la mobilisation des Fonds des catastrophes naturelles et de la Caisse de solidarité des collectivités locales pour prendre en charge les dégâts des incendies exceptionnels dans 17 wilayas, où les commissions d’évaluation de dégâts installées sont à pied d’œuvre pour recenser les pertes du cheptel, des arbres fruitiers et des habitations, les transmettre au ministère de l’Intérieur afin de pouvoir entamer théoriquement dès la semaine prochaine la procédure d’indemnisation. Autre mesure : la mobilisation de la Caisse de solidarité des collectivités locales pour prendre en charge les préoccupations à moyen terme soulevées par les secteurs concernés et les citoyens. En matière d’équipements de lutte contre les incendies, il est prévu le renforcement des colonnes mobiles de la Protection civile dont le nombre à l’échelle nationale est de 22. Leur nombre était, selon le colonel Farouk Achour, responsable de la communication à la direction générale de la Protection civile, de 10 en 2010 et il sera porté à 36 en 2018. «Nous avons un programme spécial pour augmenter nos capacités de lutte contre les incendies», nous dira-t-il à ce sujet, rappelant que la Protection civile intervient dans ce cadre en appoint puisque les pompiers sont sollicités pour d’autres activités (accidents de la circulation, surveillance des plages…) surtout pendant la saison estivale. Manque de moyens Une manière de reconnaître que la pression est forte sur les agents de la Protection civile dont les services enregistrent jusqu’à 3000 interventions par jour. En sus du manque de moyens de lutte contre les feux de forêt, il faut relever également que sur le plan humain, les pompiers doivent assumer l’ensemble des opérations de sécurité civile. Parallèlement, M. Bedoui compte proposer au gouvernement le dégel du programme de réalisation de 11 postes avancés de la Protection civile inscrits au profit de la wilaya de Tizi Ouzou pour renforcer la présence de proximité de ce corps constitué. Et ce, en plus du lancement d’un programme spécial pour l’ouverture et la réhabilitation de pistes agricoles considérées comme une priorité dans les zones montagneuses afin de rendre l’intervention des hommes plus rapide et plus efficace. Un point qui a pourtant été soulevé à maintes reprises par les populations et les autorités sans qu’il ne soit pris en charge. Maintenant que la crise s’installe et que les moyens s’amenuisent, on tente du côté du gouvernement de rattraper le coup. Ce que nous fera remarquer un cadre à la DGF. «Quand il y avait de l’argent, on a mal géré», notera-t-il rappelant que pourtant la forêt n’a pas de prix avec toutes ses richesses. «Les moyens actuels ne sont pas suffisants», regrettera-t-il encore. Comme pour souligner l’insuffisance des moyens en matière de personnel, d’aménagement préventif et de sensibilisation aussi bien du public que des responsables politiques locaux. Il y a également l’absence de coordination entre les différents corps avec l’administration locale. Les actions restent en effet timides faute de stratégie globale et coordonnée. D’où l’urgence de travailler en collaboration sur un plan spécifique de lutte contre les incendies et de préservation des zones montagneuses, selon notre interlocuteur. Justement, l’on apprend auprès d’une source à la DGF (qui compte 480 brigades mobiles et 407 postes de vigile) qu’un travail est en cours actuellement sur ce dossier. «Chaque wilaya se penche sur ses spécificités pour pouvoir arrêter un plan», nous dira notre source. Il reste à savoir combien de temps prendra la finalisation d’un tel chantier. Mais aussi le temps nécessaire pour évaluer les dégâts économiques. Pour la DGF, cette opération ne sera achevée que fin octobre, et là commencera par la suite la plantation des arbustes dans les forêts. Dans le secteur agricole, le ministre de l’Agriculture, qui a déjà été wali de Tizi Ouzou, a fait savoir dans ce cadre que son département est en mesure d’assurer l’opération de remplacement et de réhabilitation de tous les arbres fruitiers et des ruchers touchés. «Nous avons les capacités et les plants nécessaires pour remplacer et réhabiliter tous les arbres fruitiers touchés par les feux. De même pour les ruchers», a-t-il insisté le 18 juillet dernier. Il a également tenu la même promesse que son collègue de l’Intérieur, à savoir la réalisation de nouvelles pistes agricoles, la restauration de celles déjà existantes ainsi que l’ouverture de nouveaux points d’eau. Aménagement du territoire en attente Autant de points qui auraient pu être pris en charge en amont s’il y avait eu des plans de développement local spécifique à chaque région permettant de prendre en considération ses atouts et de prévenir les risques tant au niveau naturel (inondations, incendies, séismes…) qu’industriel pour mieux les maîtriser. Mais les leçons ne semblent pas avoir été retenues. Il y a eu, à titre d’exemple, les inondations de Bab El Oued en 2001, celles de Ghardaïa en 2008 et le séisme de Boumerdès en 2003. Depuis l’indépendance, l’Etat centralisé a ignoré les spécificités. Il y a certes eu quelques initiatives depuis les années 2000 et certains dispositifs comme le Projet de proximité de développement rural intégré (PPDRI). Mais vu les attentes des populations et les montants dégagés à cet effet, le fossé est profond. Ce que notera le spécialiste en développement local, Ahmed Bouguermouh (lire l’entretien en p. III). Il y a également lieu de noter l’absence d’une politique claire en matière d’aménagement territorial, comme le soulignera une enquête de Sahar Ouahiba Meddour, expert FAO «incendies de forêt» et maître assistante à l’université de Tizi Ouzou Mouloud Mammeri. L’étude en question rappelle que dans le cas algérien, il est incontestable qu’une amélioration supplémentaire des moyens techniques et une meilleure répartition de l’effort d’aménagement et d’équipement pourraient contribuer à réduire encore les bilans des surfaces incendiées. «Les politiques actuelles ne s’intègrent pour l’instant que très peu dans une réflexion plus globale sur l’aménagement du territoire et les transformations territoriales», conclut l’enquête.  


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