«Les spécificités locales ne sont pas suffisamment prises en compte ni maîtrisées»



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- Les feux qui ont ravagé ce mois de juillet des milliers d’hectares à travers plusieurs wilayas ont dévoilé de nombreuses défaillances en matière de prise en charge des préoccupations locales, notamment dans les zones montagneuses. Qu’en pensez-vous ? Il n’est plus possible aujourd’hui aux pouvoirs publics de cacher les faits à la population. Pour se rendre compte de la véritable tragédie que viennent de subir les régions forestières de Kabylie, il suffit de consulter Facebook ou YouTube. Mais si vous le permettez, je répondrai à vos questions en simple professionnel du développement local que je suis. Depuis l’indépendance du pays, nous avons un Etat centralisé qui considère la dimension locale comme une simple composante de la dimension nationale. De ce fait, les spécificités locales ne sont pas suffisamment prises en compte, et donc elles sont pas maîtrisées. Pour évoquer plus particulièrement la prise en charge des régions forestières, on peut dire simplement que la gestion économique et sécuritaire des forêts n’est pas suffisamment prise en charge malgré l’existence, notamment, de programmes de prévention des feux de forêt et malgré la compétence et la disponibilité des divers professionnels que nous avons personnellement vus à l’œuvre, notamment la Conservation des forêts. Pour être juste, il faut également parler de l’incivisme et du manque de responsabilité de nos populations. Mais comment taire aussi l’incertitude des politiques, la faiblesse des moyens mis en œuvre et l’inefficacité en amont ? - Les citoyens sont désarmés face aux incendies, mais aussi impuissants devant la rudesse de l’hiver avec l’isolement causé par les neiges. N’est-il pas urgent de penser à des plans spécifiques pour les zones montagneuses ? La situation hivernale des villages de montagne est tout simplement digne d’un autre temps : au moindre enneigement, les routes sont bloquées, le ravitaillement défaillant, notamment en gaz naturel, la vie socioéconomique suspendue. Il paraît surprenant, voire incompréhensible qu’une situation aussi prévisible ne soit pas encore maîtrisée en 2017. Des plans spécifiques de développement des montagnes ? Il y en a eu quelques-uns depuis les années 2000, sans parler de la multitude d’organismes et dispositifs traitant du développement des montagnes au sein des divers ministères. On peut même parler de trop-plein plutôt que de vide. Il faut reconnaître d’ailleurs que certains dispositifs, comme le PPDRI, ont donné des résultats. Mais, il faut bien parler d’échec lorsqu’on met en parallèle les montants alloués à ces divers plans, programmes, organismes, dispositifs et la situation socioéconomique actuelle qui prévaut dans nos montagnes. Dans un Etat comme le nôtre, la solution ne semble donc pas, aujourd’hui, résider dans les plans, programmes publics de développement des montagnes, qui, il faut le rappeler, sont parmi les plus densément peuplées au monde. - Comment faire pour, justement, assurer un certain équilibre régional en prenant en considération les spécificités régionales ? Vous savez que les spécificités régionales sont considérées comme une chance dans les pays développés, car elles permettent la valorisation de ressources, y compris humaines, comme les savoir-faire traditionnels par exemple. Ceux-ci resteraient en friche sans cette prise en compte de la dimension régionale. Dans notre pays et son Etat frileux et centralisateur, il s’agit encore aujourd’hui d’un sujet tabou. Cette situation d’ignorance sinon de rejet des spécificités régionales par l’Etat n’est pas simplement politique, elle est également économique, et cela est peut-être encore plus grave. Un simple exemple : les montagnes de Kabylie pourraient, s’il existait une volonté politique, diminuer de manière significative nos importations de miel et se lancer également dans l’exportation de manière significative les plantes aromatiques et médicinales très lucratives et demandées sur le marché international. Il s’agit là de deux exemples, d’autres pourraient être rajoutés comme l’élevage, les fruits de montagne, l’oléiculture, le tourisme… Dans tous ces domaines, il faut bien reconnaître que beaucoup reste à faire. En réponse à la question comment faire, la réponse, pour nous, semble claire : que l’Etat arrête de se considérer comme l’acteur seul, unique et omnipotent du développement local et accepte enfin de déléguer quelques prérogatives. Les faits et les pratiques universelles montrent, en effet, que l’Etat ne veut pas, ne sait pas et ne peut pas faire de développement local, c’est-à-dire créer des activités locales à partir des ressources et des acteurs locaux. - Qu’avez-vous à dire sur les mesures annoncées par le gouvernement pour indemniser les populations ? Sur l’efficacité de la mesure, je ne discuterai pas. Par contre, ses motivations ne sont guère difficiles à deviner. Une fois de plus, l’Etat est en retard d’une guerre et cherche à rattraper une situation qui lui échappe. Mais il existe peut-être une dimension politique supplémentaire : ailleurs, dans le pays, l’Etat agit sous la pression du radicalisme religieux ; ici, en Kabylie, commencerait-il à subir la pression d’un radicalisme politique ?


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