La solution de notre agriculture doit passer par la réorganisation de l’exploitation agricole



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Depuis le 1er juin, plus de 1600 incendies ont été recensés par les services de la direction des forêts. Bilan : 14 310 ha ravagés. Les agriculteurs ont demandé compensation ; ils ont eu gain de cause mais pas en numéraire. En effet, l’Etat a promis de restituer leurs biens. L’expert agronome, Akli Moussouni, nous livre son avis sur cette décision et revient sur quelques questions qui rythment le secteur. - Abdelkader Bouazghi, le ministre de l’Agriculture, a annoncé que les agriculteurs dont la production a été affectée par les incendies seront indemnisés mais pas en numéraire. Quel est votre avis sur cette décision ? Cela peut se comprendre dans la mesure où l’Etat n’a pas les moyens financiers de rembourser en liquide ! C’est triste d’arriver à cette situation où d’une part la biodiversité n’est pas exploitée en tant qu’opportunité économique et d’autre part la propriété agricole familiale de proximité des lisières de forêt s’étend de par son archaïsme dans le prolongement naturel du maquis. En conséquence, le Trésor public est appelé à chaque fois pour compenser le manque d’évolution de ces secteurs. Dans ce cas précis, il n’est pas possible d’envisager une forme de remboursement en nature des richesses perdues, ce qui poserait un problème de faisabilité, d’évaluation et d’opportunité. - Le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné de geler les décisions portant affectation des réserves foncières agricoles destinées à la création de nouvelles exploitations agricoles et d’élevage. Que vous inspire cette décision  ? C’est une décision raisonnable, mais dont la solution du problème du foncier agricole demeure suspendue en l’absence d’une planification du physique des terres en fonction d’une politique agricole qui doit intervenir pour concilier le potentiel productif du sol et la vocation des territoires avec les exigences de la sécurité alimentaire du pays. L’imposition d’un partenariat obligatoire aux détenteurs des ex-domaines autogérés (EAC-EAI) pour toute éventuelle exploitation en association du patrimoine dont ils ont bénéficié n’a pas fait évoluer l’activité de ces derniers. Cette situation a amené l’Etat à payer presque deux fois le peu de production céréalière algérienne par rapport au prix sur le marché international et d’importer l’essentiel des besoins du marché. La solution de l’agriculture algérienne doit passer avant tout par la réorganisation de l’exploitation agricole algérienne quels que soient son statut et son implication au sein d’une organisation autour des productions. Ce n’est qu’à ce moment qu’interviendra de lui-même le statut du foncier pour l’adapter, dans la transparence, à des objectifs économiques précis. - Le gouvernement introduit le système des licences pour plusieurs produits agricoles et agroalimentaires. Quel impact faut-il attendre de cette mesure ? La réduction de la facture d’importation, en limitant les produits «inutiles» ou en plus, s’impose d’elle-même pour contrôler les volumes et la qualité. Mais les conséquences sur la majorité des commerces algériens, qui ne fonctionnent qu’avec la revente de ces produits (quelle que soit leur nature), seront dramatiques. Dans le cas des produits agricoles (intrants et produits à transformer), il faut s’attendre à des résultats contreproductifs, dont les conséquences sur le producteur et le consommateur final ne feront que compliquer leur situation.  L’idée des licences pose problème que si accompagnée d’outils et de mécanismes de suivi de la distribution de ces produits. Comme exemple flagrant, au moment où le prix de la tonne de maïs a dégringolé sur le marché mondial de 8,4%, soit 185 dollars, nous assistons actuellement à une flambée du prix du même produit sur le marché national faisant que le prix du quintal de maïs destiné à fabrication de l’alimentation animale est passé de 3800 DA avant les licences à 5250 DA à fin juillet, soit une augmentation de 38%. Ce qui a engendré l’arrêt dans la mise en place de nouvelles bandes d’élevage du poulet, tandis que le poussin est jeté sur la voie publique ! - L’Algérie connaît un stress hydrique qui s’aggrave en raison des grandes chaleurs et de la faible pluviométrie. Faut-il craindre des conséquences graves pour le secteur agricole ? Les deux effets naturels, en l’occurrence la faiblesse de la pluviométrie qui ne date pas d’aujourd’hui et le cumul des périodes sécheresses, conjugués au phénomène d’évapotranspiration très élevé, conséquence des grandes chaleurs, ne sont pas pris en considération pour exploiter rationnellement les réserves d’eau souterraines. Pire, au lieu d’introduire des techniques d’irrigation appropriées, on a autorisé jusqu’à l’irrigation gravitaire des céréales pour des rendements ridicules et lancé des cultures consommatrices d’eau dans des régions dépourvues totalement de pluie, à l’instar du tristement célèbre programme destiné à produire 70 000 tonnes de pommes de terre à l’exportation dont les conséquences sur la culture du palmier seront dramatiques. Dramatique également le rabattement de plus de 50 m du niveau des nappes du Hodna (M’sila), Biskra, Gheris (Mascara) Gassi-Touil (Sahara), Bouna Moussa (Annaba), Abadal (Béchar), Arib (Bouira), etc., dont les célèbres périmètres agricoles des années 1980 ont carrément disparu. - L’Instance arabe d’investissement et de développement agricole (IAIDA) est officiellement installée en Algérie depuis avril dernier. L’ambition de cette instance étant de mettre en œuvre un projet similaire «au mégaprojet algéro-américain dans la wilaya d’El Bayadh», projet au demeurant beaucoup critiqué. Ce nouveau plan est-il plus réalisable que le précédent ? Je doute fort qu’un investisseur étranger potentiel puisse s’aventurer dans un mégaprojet par rapport à la règle des 49/51. Ceux qui l’ont fait, c’est pour l’exploitation exclusive des ressources du sous 185 dollars-sol où cette règle n’a aucun sens. La crainte résiderait justement dans l’exploitation des nappes sahariennes dont l’eau n’est pas renouvelable. Dans tous les cas, les projets agricoles en partenariat avec des entités étrangères doivent s’inscrire dans une politique de refondation totale de la configuration actuelle du contexte agricole pour l’ériger en secteur économique dont l’essentiel du chantier se trouve au nord du pays par rapport à des conditions naturelles plus appropriées. A défaut, ils ne feront que passer par là, sans incidence significative.  


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