Un créneau juteux, des pratiques douteuses



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Les librairies et autres papeteries commencent à tirer profit de ce marché juteux via les conventions conclues avec l’ONPS. Le nombre d’agréments accordés dans ce cadre a d’ailleurs augmenté. Conformément aux changements intervenus dans le cadre de la loi fixant les règles générales relatives aux activités et au marché du livre et de la loi d’orientation sur l’éducation, l’industrie du livre scolaire entame sa mue. Une mue qui se fait de manière timide à travers l’ouverture de l’édition, de l’impression et de la commercialisation au privé. Fini le temps où le manuel scolaire se vendait uniquement dans les écoles et les points de vente de l’Office national des publications scolaires (ONPS). Les librairies et autres papeteries commencent à tirer profit de ce marché juteux via les conventions conclues avec l’ONPS. Le nombre d’agréments accordés dans ce cadre a d’ailleurs augmenté. Il est passé de 130 en 2013, à 800 cette année (alors que le nombre de librairies proprement dit ne dépasse pas les 200, sans compter les 53 points de vente de l’Office. En ce qui concerne l’édition et l’impression, la part du privé reste faible par rapport à la taille du marché. C’est dire que le monopole de l’ONPS est toujours de mise. «Nous assistons à une ouverture à huis clos», nous dira à ce sujet Ahmed Madi, président du Syndicat national des éditeurs de livres (SNEL) qui est également directeur de la maison d’édition Dar El Hikma. «Il y a eu une décision d’ouvrir le marché du livre au privé à l’ère de Benbouzid. En 12 ans, de 2003 à 2015, seules quatre maisons d’édition ont pénétré ce marché. Même après la promulgation de la loi en 2015, il n’ y a pas eu de grands changements. Je persiste, le livre scolaire reste sous le monopole de l’ONPS, car il y a une volonté de ne pas faire bénéficier le privé de ce marché», notera M. Madi. Cela pour souligner l’importance des enjeux autour de ce marché. Le livre au centre d’intérêt pécuniaire «Il y a à boire et à manger dans cette filière industrielle. Si on commence à parler du marché du livre et de tous les intérêts qui gravitent autour, nous allons vite oublier le scandale de l’autoroute Est-Ouest et les autres dossiers de corruption. Les affairistes qui tournent autour de l’ONPS ne veulent pas lâcher prise dans ce marché inestimable», appuiera-t-il, sans omettre au passage de relever la désorganisation et la «mauvaise gestion» qui caractérise l’Office. «J’ai soumissionné une seule fois pour l’édition du manuel scolaire et je ne le referai plus, je le dis haut et fort, car les conditions ne sont guère faciles». Ce que notera aussi Abdelhalim Salhi, éditeur, imprimeur et distributeur de livres pour enfants. «Le marché est désynchronisé. Tout se fait dans la précipitation et beaucoup de choses restent encore à éclaircir dans cette décision de s’ouvrir au privé. Autant alors rester à l’écart», nous dira-t-il. Et ce, que ce soit pour la production ou la diffusion. Justement pour la distribution, les librairies et papeteries ayant signé des conventions avec l’ONPS font face à d’énormes difficultés pour répondre à la demande, le manuel n’étant pas disponible en quantités suffisantes. Les files interminables devant les points de vente de l’ONPS et ceux agréés le montrent clairement. «Difficile d’expliquer aux parents les raisons de la non-disponibilité des manuels, car nous-mêmes nous ne les connaissons pas», témoignera un gérant d’une papeterie à Alger-Centre. «Nous nous déplaçons tous les jours au centre de distribution de l’ONPS à Kouba, mais nous revenons avec des quantités insuffisantes, surtout pour les livres de deuxième génération». «Patientez, les livres vont arriver dans quelques jours», répond pour sa part un autre commerçant versé dans la vente de fournitures et de manuels scolaires à Bab Ezzouar, sans toutefois donner d’explications, alors que la ministre de l’Education nationale s’est engagée à assurer la disponibilité 15 jours après la rentrée. La deuxième semaine est entamée et ce n’est pas encore le cas. «Si je savais que je n’allais pas répondre à la demande, je n’aurais pas signé avec l’ONPS», regrettera M. Madi, non sans rappeler que même ces «fameuses» conventions ont été conclues en catimini. «Certains ont même usé de moyens illégaux pour pouvoir avoir les livres et les revendre en deuxième, voire en troisième main, avec tous les gains à tirer et qui vont dans le circuit informel. Pour mon cas, ce n’est que début septembre que j’ai pris cette décision de signer l’accord, le 3 exactement», enchaînera-t-il, s’interrogeant dans le même sillage sur les raisons de cette discrétion. Mais aussi sur les lenteurs dans la distribution. Dysfonctionnements «Nous n’avons que de petits lots, alors que les éditeurs qui se sont engagés dans l’édition et l’impression ont fait leur travail. Je citerais à cet égard l’Entreprise nationale des arts graphiques (ENAG), qui a tout livré en août», relèvera-t-il. Et même pour ce délai, certains pensent que c’est trop tard et qu’il y a lieu de tout planifier dès le troisième trimestre de l’année qui s’achève. «Normalement, les manuels devraient être prêts à la vente dès mai pour éviter toute cette cohue en septembre et épargner aux parents l’accumulation des dépenses à la rentrée», fera remarquer Abdelhalim Salhi, directeur de la maison d’édition La Bibliothèque verte. Surtout que la bousculade s’est accentuée en ce mois de septembre, puisque même au niveau des écoles, les nouveaux manuels sont indisponibles, au même titre que les anciens. Et là, ce sont les couches démunies qui en sont affectées, étant parmi les bénéficiaires du livre gratuit, comme c’est le cas aussi pour les enseignants. Au total, plus de 4 millions d’élèves, soit près de 50% (9 millions d’inscrits cette année) bénéficient de cette gratuité. Il s’agit des trois millions d’élèves nécessiteux, des élèves de 1re année primaire et des enfants scolarisés des enseignants, soit près de la moitié des livres distribués) 30 millions gratuitement aux élèves nécessiteux sur les 65 millions prévus cette année scolaires, selon la ministre Nouria Benghabrit. Un potentiel important à exploiter par le privé pour les prochaines années. «Pourvu que le jeu soit clarifié», notera un éditeur. Pourvu aussi que la matière première soit disponible. Car là aussi, les difficultés sont importantes avec des normes loin d’être respectées. La crise accentue les difficultés «Le papier utilisé pour le livre scolaire est très cher. Nous utilisons en Algérie le papier bloc de 80 grammes, le plus cher au monde alors qu’il y a plus léger et moins coûteux», soulignera Ahmed Madi. «La pénurie de matières premières commence à se faire ressentir. L’approvisionnement en pâte à papier est coûteux et les disponibilités sont en baisse», notera pour sa part Abdelhalim Salhi. Pour bon nombre d’experts, cette entrave pourrait être levée avec le lancement d’une industrie de la cellulose ou en réfléchissant à l’impression numérique. Ce qui semble freiner pour l’heure avec le déficit en ressources financières. Autant d’éléments qui font que beaucoup reste à faire pour voir l’émergence d’une industrie du livre scolaire et assurer son intégration dans l’économie, tout comme pour le parascolaire. La crise financière que traverse le pays ne fera qu’accentuer les difficultés des acteurs du secteur. L’infrastructure de la fabrication du livre risque d’être fragilisée par la crise économique nationale et mondiale dont l’impact pèse lourdement aussi sur les parents démunis habitués à acquérir les manuels gratuitement grâce aux subventions dégagées dans ce cadre : plus de 6 milliards de dinars annuellement. Il y a lieu de signaler enfin que nos tentatives de joindre les responsables de l’ONPS sont restées vaines.


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