Quand Ouyahia justifie l’abandon par l’État de plus de 100 milliards de dollars



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La solution à la crise financière que connait l’Algérie ne viendra ni du recouvrement des impôts non payés, ni du remboursement des crédits bancaires ni de la masse monétaire qui est dans le circuit informel. C’est du moins le point de vue d’Ahmed Ouyahia.

Jeudi 21 septembre, face aux députés de la chambre basse du Parlement, le Premier ministre a curieusement minimisé l’ampleur des fonds que l’État n’a pas encore récupérés.

Il a même donné l’impression que l’État ne veut pas récupérer son argent !  Car, il n’y a pas d’autres explications à la légèreté avec laquelle le Premier ministre a présenté les chiffres en les faisant « parler » à sa manière.

« Il est vrai que l’argent existe dans le secteur informel. Pour certains, c’est un trésor qui peut régler nos problèmes, une fois récupéré », a ironisé Ouyahia.

Selon lui, la masse monétaire globale en Algérie était, à fin juillet 2017, de 14.500 milliards de dinars. « L’argent qui circule sur le marché parallèle est estimé au maximum à 1700 milliards de dinars. Cet argent n’est pas suffisant pour régler nos problèmes. On est d’accord qu’on doit faire entrer cet argent dans le circuit officiel. Nous espérons que l’institution de la finance islamique va convaincre certains à venir déposer leur argent dans les banques », a-t-il souhaité.

Comprendre qu’une bonne partie de cet argent est entre les mains des islamistes, qui ne veulent le bancariser parce qu’ils considèrent illicite les taux d’intérêts pratiqués par les banques.

C’est pour cela que le gouvernement a décidé d’introduire le système de la finance islamique à travers deux banques publiques avant fin 2017.

Ouyahia n’a, à aucun moment, précisé comment l’État envisage de faire entrer les 17 milliards de dollars (l’équivalent de 1700 milliards de dinars) dans les banques. Il s’est contenté d’exprimer un vœu sur l’effet attracteur de la finance islamique. « Le combat contre l’économie parallèle et l’évasion fiscale se poursuit et s’étale dans le temps », a-t-il dit sans expliquer les « armes » utilisées dans ce « combat ».

Ouyahia remet en cause un rapport de la Cour des comptes

Pour le Premier ministre, la valeur de la fiscalité non recouvrée est moins importante que celle avancée par les experts de la Cour des comptes dans un rapport publié en novembre 2016 et couvrant l’année 2014.

Selon ce document, près de 12.000 milliards de dinars d’impôts et taxes n’ont pas été recouvrés par l’État, ces dernières années. « Au 31 décembre 2014, les droits constatés en impôts et taxes ont atteint un total de 11.393,347 milliards de dinars (plus de 110 milliards de dollars) dont 10.115,148 milliards de dinars qui représentent les restes à recouvrer des exercices antérieurs et 1.278,199 milliards de dinars concernant l’année 2014 », est-il indiqué dans le rapport.

Les restes à recouvrer concernent notamment la TVA, l’IRG, la TAP et les impôts directs. Après la publication du rapport, le gouvernement a gardé le silence.

Ouyahia a apporté ses réponses dix mois plus tard en tentant de contester les chiffres mais en se trompant sur la date de la parution du rapport. Sorti, il y a cinq ans, selon lui. “Certains ont dit que si nous récupérions 12.000 milliards de dinars, nous pourrons régler tous nos problèmes. Il y a dans cette somme, 7000 milliards dinars d’amendes prononcées par les tribunaux depuis des années. Des juristes siègent dans cette assemblée et connaissent bien la règle de prescription (extinction). Nous ne pouvons pas récupérer des choses qui n’ont plus d’existence dans le dictionnaire. C’est l’erreur commise par les frères au niveau de la Cour des comptes”, a expliqué Ouyahia.

Autrement dit, les 70 milliards de dollars (équivalent de 7000 milliards de dinars) d’amendes non payées sont perdus à jamais ! Le Premier ministre reproche clairement à la Cour des comptes, institution de contrôle financier marginalisée depuis des années, d’avoir relevé et comptabilisé les amendes prononcées par les tribunaux surtout à l’égard de commerçants, d’importateurs et d’opérateurs économiques. Il a banalisé dans la foulée le non-payement des amendes et l’inefficacité des poursuites judiciaires en la matière.  Il n’a pas expliqué comment une telle somme a été touchée par la prescription.

« Si l’entreprise n’existe plus, qui va payer ses impôts ? »

Décortiquant le montant de l’évasion fiscale, Ouyahia a précisé que la valeur des impôts non réglés par les entreprises publiques dissoutes est de 1900 milliards de dinars. « La dissolution de la dernière entreprise publique remonte à 1998. Si l’entreprise n’existe plus, qui va payer ses impôts ? Au niveau de la direction générale des impôts, cette fiscalité des entreprise dissoute a été supprimée », a-t-il indiqué.

Là aussi, il n’existe aucune possibilité de récupérer les 19 milliards de dollars d’impôts non payés par des entreprises publiques. Le montant réel de l’évasion fiscale, selon Ouyahia, serait de 2500 milliards de dollars. « Certains dossiers font l’objet d’un recours, d’autres sont devant le tribunal administratif. Nous menons une lutte quotidienne pour récupérer ce qu’il faut », a-t-il souligné. D’après ses dires, la question de la fiscalité non recouvrée ne doit pas faire l’objet d’une polémique.

Parlant des crédits bancaires non remboursés par les opérateurs économiques privés, Ouyahia a critiqué son prédécesseur. « Je ne vous fais pas le reproche parce que le responsable de l’Exécutif (Abdelmadjid Tebboune) a déclaré que 90% des 4800 milliards dinars de crédits accordés aux privés n’ont pas été remboursés. Un étudiant en troisième année en économie sait qu’une banque qui ne récupère pas 90% des crédits est appelée à disparaître. On a donc donné une information mal formulée à ce responsable », a soutenu Ouyahia.  Il a suggéré que Tebbounbe a été induit en erreur.

84 milliards dollars de crédits bancaires

Mais, d’où proviennent les chiffres communiqués par Ouyahia ? « Je vous donne les vrais chiffres. Vous pouvez les vérifier auprès du président de l’Abef (Association des banques et des établissements financiers). Selon le rapport qui m’a été remis par l’Abef, le 12 septembre dernier, le total des crédits octroyés par les banques à tout le monde est de 8467 milliards de dinars dont 4000 milliards de dinars accordés à des entreprises publiques et 700 milliards dinars aux microentreprises Ansej. Le reste des crédits est parti aux privés », a-t-il détaillé.

Une petite opération de soustraction fait ressortir l’octroi de 3767 milliards de dinars (soit 37 milliards de dollars) de crédits aux opérateurs privés. Se peut-il que Tebboune s’est trompé de 1033 milliards de dinars (10 milliards de dollars), à supposer que les chiffres de l’Abef soient vrais ?

Seuls 11% des crédits bancaires n’ont pas été remboursés, selon Ouyahia. « Cela représente, 800 milliards de dinars et pas 4800 milliards de dinars. Et parmi ces 800 milliards de dinars de crédits compromis, il y a 100 milliards de dinars de crédits Ansej. Les banques publiques ou l’État n’ont pas abandonné leur argent », a-t-il rassuré.

Mais quel est le sort des 8 milliards de dollars (800 milliards de dinars) ? Seront-ils récupérés ? Dans quelles conditions ? Ouyahia n’a pas donné de précision mais a dit autre chose : « La politique des banques dans le monde est de prêter de l’argent. Il arrive parfois que les crédits ne soient pas remboursés en raison de faillite ».

Les opérateurs économiques privés, ayant bénéficié de ces crédits, ont-ils fait faillite ? Le Premier ministre a justifié, plus loin, l’effacement de 27 milliards de dettes des jeunes entrepreneurs Ansej (il s’agit surtout de pénalités de retard). « Certains nous ont critiqués de donner des crédits aux jeunes. Oui, nous donnons de l’argent aux jeunes algériens. Ils sont l’avenir du pays. La plupart d’entre eux ont réussi puisque nous parlons que de 100 milliards de dinars non remboursés. Nous allons faire un nouveau rééchelonnement de la dette pour permettre aux jeunes d’avoir plus de temps pour rembourser les crédits », a-t-il promis.

En conclusion, il apparaît clairement que l’État abandonne au moins 105 milliards de dollars de son argent ou ne fait pas l’effort de le récupérer au moment où le déficit budgétaire devient de plus en plus grave.


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