L’argent sale, les passe-droits et la politique…



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Après les fracassantes déclarations de l’ex-Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, sur l’argent sale qui a envahi la sphère politico-financière, Ahmed Ouyahia fait marche arrière et plaide pour «la nécessité de protéger les bâtisseurs de richesses et pourvoyeurs d’emplois». Ce même Ouyahia, occupant le même poste en 2012, affirmait lors d’une conférence de presse : «L’argent commande l’Algérie, il commence à gouverner et à devenir un argent mafieux...». Sans la casquette de chef de l’Exécutif, mais avec celle de directeur de cabinet de la Présidence, il avait déclaré en janvier 2016 : «L’argent sale est une réalité.» Qu’est-ce qui a changé depuis ? Rien, sinon les positions des uns et des autres. Mais entre-temps, les pratiques mafieuses se sont érigées en système qui a pris en otage les institutions de l’Etat. L’argent sale de la contrebande, de la drogue, de la corruption, des détournements des deniers des banques publiques, de l’évasion fiscale ne sert pas uniquement à ériger des fortunes, mais surtout à acheter les complicités au sein de toutes les structures de l’Etat et à avoir la couverture d’un système lui-même basé sur le clientélisme. Durant ces deux dernières décennies, une poignée d’hommes d’affaires a bâti des empires financiers à l’étranger, alors que leurs activités commerciales sont domiciliées en Algérie et sans que les autorités chargées de la réglementation de change ne les interpellent. Pis encore, cette même caste d’oligarques a bénéficié d’une importante manne financière sous forme de crédits octroyés par des banques publiques et de marchés de gré à gré, avec des avances sur paiement ayant servi à des opérations de surfacturation pour maquiller les manœuvres illégales de transfert de fonds vers l’étranger. Aussi bien les autorités bancaires, fiscales et douanières, et encore moins la justice ne pouvaient ignorer ces pratiques qui gangrènent l’économie du pays. Les rares enquêtes ouvertes ont vite été fermées ou sont restées pendantes. Les exemples d’affaires éclaboussant des hommes d’affaires, des trafiquants de drogue, ou des personnalités politiques sont nombreux et révélateurs. Le plus intrigant est celui de l’ancien wali de Blida, le défunt Mohamed Bouricha. Poursuivi en 2005 et après une longue instruction qui a duré des années au niveau de la Cour suprême, une dizaine d’hommes d’affaires ont été inculpés et placés sous contrôle judiciaire pour, entre autres, «détournement de deniers publics», «corruption», «faux et usage de faux». Ils étaient poursuivis pour avoir bénéficié auprès du défunt wali de «vastes terrains agricoles et industriels ainsi que des briqueteries publiques», en contrepartie de pots-de-vin. «Le dossier est resté des années au niveau de la Cour suprême. Mais après le décès de Bouricha, il a connu une autre tournure. Une grande partie des mis en cause, devenus entre-temps archimilliardaires, ont bénéficié de non-lieu. Par quel artifice ? Seule une autre enquête pourra donner la réponse. Les procès-verbaux de leurs auditions et les preuves matérielles contenues dans le rapport de l’enquête préliminaire de la Gendarmerie nationale étaient hallucinants. Que s’est-il passé ? Nous n’en savons rien.…», déclare un ancien juge. Échapper à la justice Une autre affaire qui mérite d’être citée, c’est celle de cette femme d’affaires très connue sur la place d’Alger, qui avait été arrêtée, en mars dernier, par les services de sécurité après une perquisition dans son domicile situé à la résidence d’Etat de Moretti, à l’ouest de la capitale. «Dans la maison de cette dame au carnet d’adresses bien rempli, les services de sécurité ont trouvé une importante somme d’argent et de la drogue. Durant la garde à vue, une autre perquisition a été effectuée dans une villa à Hydra, le quartier huppé de la capitale, où une somme d’argent colossale a été saisie. Cette femme recevait chez elle les plus hauts responsables de l’Etat et était reçue par de nombreux walis et ministres pour lui régler ses affaires», révèle une des connaissances de la mise en cause. «Mais la procédure n’a pas été loin. Elle a été stoppée net et la femme a été relâchée», affirme une source sécuritaire. Un autre exemple similaire concerne cette fois-ci une députée, membre du bureau politique du FLN, Salima Athmani, qui avait défrayé la chronique à la veille des élections législatives de mai dernier. Elle avait été arrêtée par les services de sécurité au moment où elle percevait des pots-de-vin. Après avoir fait la une des médias, elle quitte la prison quelques mois plus tard et la procédure est mise sous le coude. Elle n’est pas la seule à avoir échappé à la justice. Tout comme elle, le fils de Djamel Ould Abbès, le secrétaire général du FLN, chez lequel les services de sécurité ont saisi une importante somme d’argent en dinars et en devises, en lien avec la préparation des listes électorales, a fait l’objet d’une enquête préliminaire dont la procédure a été mise au vert. En l’absence de moralité, la corruption est devenue, comme l’explique assez bien un avocat connu sur la place d’Alger, «un sport national». Pour bien argumenter ses propos, il évoque l’affaire Zendjabil, ce Pablo Escobar algérien, mort il y a trois ans dans une clinique privée, après une cabale de plusieurs années. «Cet homme bénéficiait de la complicité des plus hauts responsables sécuritaires de l’Oranie alors qu’il faisait l’objet de plusieurs mandats d’arrêt internationaux. Grâce à l’empire financier qu’il avait érigé, il achetait la complicité de tous. Il n’est pas le seul. Sertah, un autre grand bonnet de la drogue qui avait commencé avec Zendjabil avant de s’installer à Alger, a construit un immeuble haut standing à quelques centaines de mètres de la Cour suprême, à El Biar, alors qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt. Son problème de mise en conformité a été même réglé par un ponte du système et les appartements cédés à de hauts responsables, notamment de la Présidence et à des membres du FCE. Lorsque l’affaire a commencé à s’ébruiter, il a pris la fuite vers les Emirats et un mandat d’arrêt international a été lancé contre lui. Les Emiratis étaient sur le point de le livrer, mais à la dernière minute ils ont dit qu’il n’était plus chez eux. En fait, il avait payé cher pour racheter sa liberté. Il lui arrive de rentrer en Algérie. Il n’a jamais abandonné ses nombreux biens à Alger, et la justice ne s’est jamais intéressée à ce patrimoine provenant certainement du trafic de drogue», raconte l’avocat. La corruption, un sport national Pour ce dernier, l’argent sale n’est pas uniquement le produit de la criminalité. «Il est aussi produit par le trafic d’influence et la corruption. Les affaires de ce genre ne manquent pas. La plus importante est celle de Sonatrach. Mais quelle suite a connu ce dossier ? Les cadres dirigeants ont été certes poursuivis, mais le principal mis en cause, qui est l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, a échappé à la justice. Mieux : après avoir fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, il est revenu par la grande porte et a mené une campagne médiatique pour son retour dans le gouvernement. Tous les cadres qui ont participé de près ou de loin dans l’instruction judiciaire ont été écartés, voire carrément remerciés. Après de telles décisions, peut-on avoir foi en la justice ?» s’interroge l’avocat. Il regrette «l’absence d’une volonté politique» de lutter contre l’argent sale et le blanchiment. «Comment expliquer qu’il existe deux mécanismes de lutte contre la corruption, l’un, Office central de lutte, placé sous l’égide du ministère de la Justice, et l’autre, Organe de prévention, une autorité administrative placée auprès de la Présidence ? A-t-on fait le bilan des activités de ces structures ? Elles existent, mais sur le terrain leur rôle reste très confus et leurs activités très rares. Comment peut-on se prévaloir d’être un pays qui combat la corruption, alors que le système érigé au plus haut niveau de l’Etat fonctionne sur la base du clientélisme, des services rendus et de corruption aussi bien matérielle que politique ?» déclare notre interlocuteur. L’avis est largement partagé, alors que les acteurs pointés du doigt - banques, administrations fiscale et douanière, services de sécurité - se renvoient la balle. Depuis des années, le gouvernement se montre à la recherche de la parade idéale contre l’argent sale et la corruption, mais la criminalité en col blanc ne cesse de prendre de l’ampleur. Elle a fini par s’incruster dans les rouages des institutions de l’Etat, depuis le sommet jusqu’à la base.  


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