Tizi Ouzou

Les travailleurs de l'EGRTO en grève



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Rien ne va plus au sein de l'Entreprise Gare-Routière de Tizi-Ouzou (EGRTO). Ses soixante-dix-neuf travailleurs sont en grève de trois jours. Les grévistes, qui agissent sous la bannière de l'UGTA, exigent, en sus d'un plan de redressement de leur entreprise, en difficulté depuis au moins six ans, le départ pur et simple de leur PDG.

Rencontré hier au siège de sa permanence, sise dans l'espace de l'ex-gare routière, le collectif des travailleurs grévistes a signalé que la goutte qui a fait déborder le vase remonte au jour « où nous avons découvert que notre PDG s'est vu avaliser par le conseil d'administration une augmentation salariale d'environ 360 000 DA par mois et sans pour autant que toutes les parties concernées soient mises au courant ». Nos interlocuteurs assurent que les travailleurs de l'EGRTO perçoivent un salaire de 30 000 DA par mois.

« Nous avons saisi au mois d'avril passé le PDG pour augmenter, ne serait-ce que légèrement, nos salaires, mais nous avons essuyé un niet catégorique de sa part », ont affirmé nos interlocuteurs avec vive émotion.

A la question de savoir le montant du salaire de leur PDG, ils ont répondu qu'il est d'environ 78 000 DA par mois. « Cependant, avec la révision décidée en sa faveur par le conseil d'administration, il pourrait atteindre, avec l'inclusion des primes, 560 000 DA ; ce que l'entreprise ne peut en aucun cas lui assurer « , ont-ils expliqué, en insistant que la chose allait se faire dans le secret absolu.

Toutefois, le PDG de l'EGRTO, dans un communiqué portant le n° 443/DC/17 du 08 octobre 2017 et porté à la connaissance de l'ensemble des travailleurs, a mentionné sa décision de geler son augmentation salariale selon le contrat de travail avec le groupe et validé par le conseil d'administration.

Dans le même écrit, il est fait mention de l'invitation lancée au partenaire social quant à la réunion programmée pour la journée du 9 octobre. Ce partenaire social, le syndicat en l'occurrence, n'a pas répondu à l'invitation puisqu'il a déjà lancé le mouvement de grève.

Notre contact avec les travailleurs grévistes nous a permis de savoir que l'EGRTO, que tout le monde prenait pour une entreprise en bonne santé financière, n'est en réalité qu'un géant aux pieds d'argile.
L'administration de la wilaya de Tizi Ouzou a certainement sa part de responsabilité dans ce qui semble être « la très mauvaise affaire » de l'EGRTO.

Les bâtiments et l'ensemble des aires de stationnement de l'actuelle gare de Bouhinoun sont en réalité la propriété exclusive de la Société nationale des chemins de fer (SNCF). La SNCF prend au titre de la location 20% du chiffre d'affaires de l'EGRTO.

Quant aux dépenses relatives à l'entretien de ces espaces, elles sont prélevées de la caisse de l'EGRTO. A cela s'ajoutent les montants mensuels de 8 000 000 DA au profit de la CNAS et 170 000 DA d'impôts pour l'administration fiscale. Or, les recettes de l'EGRTO ne sont que de 4 000 000 DA. Trois millions de DA sont gagnés dans l'exploitation de la gare de Bouhinoun et un million de DA dans l'exploitation de la gare de Boukhalfa.

« Dans pareilles conditions, soulignent nos interlocuteurs, si l'on augmente le salaire du PDG selon l'accord du conseil d'administration, notre entreprise, déjà déficitaire, sera complètement anéantie. «

Cependant, si gestion rationnelle et intelligente il y a, l'EGRTO pourrait augmenter ses recettes d'une somme substantielle. En effet, les 34 locaux de l'ex-gare routière sont inexploités, au grand dam des travailleurs de l'entreprise.

Les espaces de la cour, avec un plan d'aménagement d'un spécialiste en la matière, pourrait constituer une bonne source de revenus. Ces espaces sont hélas à l'abandon depuis 2011, soit depuis la délocalisation de la gare routière vers Bouhinoun. A vrai dire, c'est la délocalisation même de la gare qui est sujette à caution.

Pourquoi l'EGRTO n'exploite-t-elle pas son bien immobilier ?

L'ex-gare routière, inaugurée le 2 août 1976 avec l'ensemble de ses installations, était une mine d'or. La location des locaux commerciaux à elle seule assurait d'importantes ressources financières. Une question se pose : pourquoi abandonner son propre bien immobilier pour louer chez d'autres ?

A cela s'ajoute le fait que l'ex-gare routière, du temps de son opérationnalité, était classée parmi les meilleures à l'échelle africaine. Aujourd'hui, ses espaces sont devenus lugubres et fantomatiques. « Pourquoi ne pas les louer ? », s'interrogent les travailleurs. Que cache donc en réalité cette absence de volonté de rentabiliser les 34 locaux de l'ex-gare routière ?

Selon les milieux universitaires, le principe est simple : maintenir les lieux dans un état d'abandon de sorte à entraîner leur chute en valeur marchande. Et à ce moment-là, un « chanceux » se proposera de les racheter à un prix dérisoire.

Cette pratique est connue à travers le monde entier. Il reste donc à l'Etat d'intervenir pour défendre son droit inaliénable. A commencer par la décision de rénover les locaux en état de délabrement pour les rentabiliser ensuite. Il y va de l'avenir de 79 travailleurs. D'ailleurs, si une telle option est choisie par les pouvoirs publics, l'EGRTO pourra même recruter davantage de travailleurs.


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