LA FABULEUSE ODYSSEE DE LA PRESSE ECRITE ALGERIENNE

Un patrimoine national, une marque de fabrique



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Si la quête de la vérité et de la justice face à l’oppression demeure consubstantielle au journalisme. Si le rôle d’une presse est de rendre compte, de témoigner, de dénoncer, de relater, de condamner, sur la base d’enquêtes et d’observations minutieuses, objectives et impartiales, je serais tenté de reconnaître en la personne de Hamdan Ben Khodja une véritable source d’inspiration pour cette passion pour le journalisme même si ce personnage si émouvant occupait d’autres fonctions. Durant une triste époque où écrire, témoigner et diffuser avec une rhétorique incisive et calculée était vraiment quelque chose de rare ; il dira en 1833 : « Je vois tous les peuples libres …et quand je reviens porter les yeux sur le pays d’Alger je vois ses malheureux habitants placés sous le joug de la guerre, et de toutes ces horreurs commises au nom de la France libre…Je n’ai pas la tête calme, au contraire, les malheurs de mon pays m’inquiète continuellement » (1). C’était le début de l’oppression et de la servitude, et déjà une voix algérienne s’insurge avec la même indignation que celle portée par Zola dans son cri «  J’accuse », au  journal «L’Aurore » du 13 Janvier 1898.  On peut vraiment commencer à parler d’une presse  musulmane ou indigène  dès le début des  années 1900 , bien qu’il y eut auparavant des journaux portant des titres arabes (Akhbar-1846 », à tendance légèrement indigénophile ou  « Mobacher-1847 » ayant pour collaborateurs des algériens , un journal qui constituait selon l’historien Charles R.Ageron : « un premier exemple de l’école de journalisme en Algérie » (2)   , on ne peut toutefois les ranger dans la presse musulmane indigène , car sans aucune ligne éditoriale significative, pertinente et courageuse , on avait davantage l’impression que ce n’étaient que des recueils de lois et de statistiques rébarbatives , mêlant décrets , chiffres et littérature. Le début des années 1900 sera une date phare, c’était à ce moment là qu’on voyait nettement se profiler une presse musulmane à caractère revendicatif , militant et partisan , portée par une intelligentsia indigène influencée par l’effervescence politique et culturelle qui régnait en Europe et particulièrement dans le monde arabe ( Turquie , Egypte , Tunisie ). Le choix de cette date comme genèse d’un journalisme musulman différencié et inédit en Algérie sera confirmé par la réaction immédiate d’un pouvoir colonial inquiet au sujet  de cette presse naissante jugée subversive et à l’égard de laquelle il usera de tous les moyens coercitifs (censure, interdiction de publication). Chose plus inhabituelle encore, ce sera finalement cette même presse qui révéla au pouvoir colonial l’émergence  d’une « opinion publique musulmane indigène ».

Emergence  d’une « opinion publique musulmane indigène».
Ainsi, même si on recensait pendant la période coloniale près de 180 titres parus en français et  90 titres parus en arabe ou bilingues ; la majorité de ces journaux  étaient dirigés par des partisans de la cause coloniale , quant à cette presse indigène hétéroclite ( toutes tendances confondues) : «les jeunes algériens» ,partisans  de la « Nahda » , assimilationnistes partisans des valeurs héritées des « Lumières » et de la Révolution française , ou le courant musulman réformiste algérien (Ecole de Benbadis ), et qui militaient tous différemment mais  avec une ferveur et opiniâtreté admirables , pour le progrès , la science , l’abolition des discriminations, l’égalité des droits ,un islam réformiste… il faut cependant admettre  qu’il était encore tôt ou imprudent pour chacune de ces tendances d’aborder la question épineuse et pourtant incontournable de l’indépendance. On attendra encore longtemps pour voir ce type de revendications tranchées et carrément «  révolutionnaires » investir le discours journalistique.     Il faut reconnaître toutefois que l’élite musulmane algérienne prendra conscience très tôt du rôle de la presse comme véritable instrument de conscientisation des masses populaires, de propagande et d’éveil à la conscience nationale.  Pour l’historien Ali Merad, (3) le journalisme « musulman » ou « indigène », à ses débuts et assez tôt traduisait le dynamisme  d’une société civile en émergence. Les journaux tenaient lieu de cénacles, espace de sociabilité et confluent des idées véhiculées par une élite intellectuelle musulmane au sein de la société locale. C’était une véritable caisse de résonance. Le journal faisait presque office de parti politique à un moment où celui-ci ne s’était pas vraiment identifié, structuré et reconnu comme tel par la société musulmane indigène.  

Le journal faisait presque office de parti politique
 Cela finira par susciter au sein du pouvoir colonial une certaine « inquiétude inédite, une curiosité gouvernementale  à l’égard des comportements » (4) d’où le sentiment pour les autorités  d’être extrêmement vigilant, ce qui donnait lieu à reconnaître là  les prémices d’une  «Opinion publique musulmane » que le pouvoir colonial se devait de surveiller de très près. (5)  On verra péniblement émerger, fleurir et se développer au milieu d’une intelligentsia coloniale  écrasante une presse nationale déterminée qui militera pour l’amélioration de la condition sociale et politique de « l’indigène ». Les autorités coloniales, très attentives et inquiètes quant à  ce contre-pouvoir naissant, aussi circonscrit et surveillé qu’il eut pu être, ne tardera pas avec acharnement à neutraliser cette presse embryonnaire reconnue pour son mérite. La révolution se mettra en marche avec des mots. On assistera à la diffusion d’une quantité extraordinaire de journaux dont la parution fut très brève. Certaines publications éditées en langue arabe seront dirigées par des Français eux-mêmes, éditées en quantité très limitée et destinée à un lectorat ciblé et assez réduit, elles n’avaient donc ni l’ambition ni les moyens de couvrir tout le territoire, d’autant plus qu’il était peu probable à l’époque de trouver un lectorat indigène assez important , suffisamment instruit , intéressé et rompu à la philosophie politique de l’époque , ce qui rendit l’impact de ces publications quasi-insignifiant. D’autres titres dirigés par les algériens eux-mêmes connurent le même sort , il s’avère difficile d’en faire une liste exhaustive de ces tentatives louables et éphémères ; cependant, toutes ces belles expériences ratées témoignent d’une certaine prise de conscience très précoce de l’utilité sociale,  culturelle et politique de ce média , d’où chez certains cette irrésistible passion pour le journalisme , et  pour une presse algérienne et indigène ( nécessité oblige)   de combat , courageuse , éclairée et indestructible , renaissant à chaque fois de ses cendres. En 1893, paraitra à Bône (Annaba) le journal « El-Hack »,  dirigé par Khellil Caid Laioun , Slimene Bengui , Omar Samar  , publication hebdomadaire  qui avait pour sous-titre  (Journal français-arabe , politique et littéraire , s’occupant des intérêts des arabes algériens ) , et pour devise (Vérité , lumière et justice.)  On doit reconnaître  à propos de ce coup d’essai qu’il valait bien un coup de maître. La presse francophone coloniale de l’époque ne voyait pas cela d’un bon œil , pointant du doigt  le journal     « El-Hack » , elle dira : « Bien qu’il ne nous paraisse pas un  journal antigouvernemental ,il risque tout en mettant des formes plus réservées , d’atteindre les mêmes résultats …ses idées sur toutes les grandes questions qui passionnent l’Algérie, ne peuvent manquer d’avoir une répercussion parmi les indigènes » (6)  En 1894, les autorités françaises  mettront fin à la parution de ce journal qui essayera de réapparaitre, (chose que les algériens, dans leurs luttes,  sauront maitriser par la suite en toutes circonstances) sous des intitulés différents et créant une brèche assez déterminante dans la sphère politique, ouvrant la voie à d’autres émules qui affineront leurs idéologies respectives pour s’agréger enfin après moult péripéties et de manière unanime autour d’un consensus final ( proclamation du 1er Novembre 1954.) Une avalanche de publications  investira un espace public  indigène et musulman très attentif et intéressé : El-Misbah à Oran et El-Hilal à Alger (1906-1907). Des hebdomadaires comme le « Musulman » édition bilingue (1909) à Constantine,  « L'Étendard algérien » (1910) à Annaba,  à Oran encore une fois en 1911 paraîtra le journal Al-Haqq(le jeune égyptien) qui sera d’abord publié en français puis en édition bilingue (Français-Arabe), avec une ligne éditoriale assez dure et intransigeante pour l’époque, dénonçant ouvertement le code de l'indigénat, l'assimilation, le service militaire obligatoire pour les Algériens.

Une ligne éditoriale assez dure et intransigeante
Le célèbre enlumineur et calligraphe  Omar Racim (1884/1959 ) fera partie de cette élite algérienne qui essayera à travers une presse pugnace et admirable  de faire valoir les droits fondamentaux des algériens face à un empire colonial sourd , inhumain et monstrueux. Omar Racim commencera assez tôt (en 1909) par publier des articles dans les journaux tunisiens "El Moudjahid" et "Mourchid El Ouma" dans lesquels il dénoncera l’effroyable monstruosité de l’indigénat. Dès 1908 il lancera  son journal « Al-Djazaïr », suivi 1913 du journal « Dhou el Fikar », publication de 4 numéros qui va être interdite de parution par l'administration coloniale le 18 juin 1914. Suite à ces publications, Omar Racim sera arrêté et emprisonné  le 6 novembre 1915  pour ses idées politiques et nationalistes et ne sera libéré que le 21 septembre 1921. Il se consacrera par la suite à ses vocations artistiques, une autre forme de militantisme et de revendication identitaire. Il est considéré comme l’un des précurseurs de la presse algérienne. Il y aura également l’hebdomadaire « L’Islam» (1909) à Annaba et le « Rachidi » (1910) à Jijel qui fusionneront par la suite (1919) pour donner «  L’Ikdam », dirigé successivement par Sadek Denden , Hammoud Hadj Ammar et l’Emir Khaled. Un journal imposant, courageux, offensif et subversif comme toujours selon  les autorités coloniales qui suspendront sa  publication  en 1927. 
Viendra immédiatement par la suite, le mensuel « El-Ouma », dirigé par Messali Hadj, publié à partir de 1930, publication plus offensive encore et qui entamait une rupture définitive par apport aux atermoiements des courants assimilationnistes et modérés du passé, s’engageant  clairement dans la voie d’un militantisme nationaliste et indépendantiste résolu et sans concession. « EL-Ouma  fit une grande impression en Algérie. C’était la première fois qu’un journal algérien traduisait fidèlement les véritables aspirations du peuple algérien » (7)   En réponse aux déclarations insensées de Ferhat Abbas au sujet d’une nation algérienne chimérique, le journal ripostera immédiatement : « El-Ouma se demande comment un arabe pouvait écrire ces énormités…Notre conception nationale est nette, et même en admettant l’inadmissible, c’est à dire qu’il n’ait jamais existé de patrie algérienne, est-ce que cinq millions d’hommes ne sont pas capables de la créer ? » (8)  Le  courant musulman réformiste (Association des Ulémas musulmans d’Algérie) et à leur tête le cheikh Abdelhamid Ibn Badis, sera partie prenante de cette lutte mémorable ; plus encore, il déploiera inlassablement une énergie inouïe  sur tous les fronts  (social, culturel, politique religieux) pour faire se réapproprier à l’Algérien sa dignité et son identité.  Benbadis ne tardera pas lui aussi, suite aux propos de Ferhat Abbas, de réagir avec vigueur à ce qu’il considérait comme une véritable insulte: « Ce peuple musulman algérien n’est pas la France, il ne peut être la France, il ne veut pas l’être et, même s’il le voulait, il ne le pourrait pas, car c’est un peuple très éloigné de la France par sa langue, ses mœurs, son origine et sa religion. Il ne veut pas s’assimiler » (9)  A l’instar de toutes les autres élites algériennes, L’Association des Ulémas, consciente du pouvoir de la presse comme outil de propagande, d’éducation, de formation et de sensibilisation à la question identitaire, religieuse et nationale, finira par lancer en 1925 son journal «  Al-Muntaqid » (le Critique).

La presse comme outil de propagande, d’éducation et de formation
Comme toujours, la publication jugée trop subversive (inévitablement pour une presse algérienne de combat digne de ce nom) les autorités coloniales mettront fin à la parution de ce journal, dès son 18ème numéro. C’était peu pour décourager Ben Badis qui créera par la suite d’autres publications périodiques, la plus célèbre reste « Al-Chihab » (Le Météore) qui servira de tribune (de 1925 à 1939) au combat politique, idéologique, social, culturel et religieux  de l’Association des Ulémas algériens.       A travers les colonnes de son propre journal, Ibn Badis confirme clairement non seulement la prise de conscience millénaire de l’Algérien quant à ses valeurs culturelles et religieuses mais aussi  cette résilience indigène musulmane capable de s’affirmer et de s’imposer par tous les moyens possibles.  « L’Algérie, quant à elle, possède cette personnalité et l’expérience a toujours montré que nous, Algériens, en sommes très jaloux et qu’avec le temps nous nous renforçons et nous nous y attachons fermement. Il est impossible de nous affaiblir et à plus forte raison de nous assimiler aux autres ou de nous faire disparaître » (10) Que ce soit une intelligentsia indigène bourgeoise assimilationniste et modérée ( Journal El-Hack-1893), ou à travers les virulentes publications de Omar Racim (Journal Al-Djazaïr-1908)et ( Dhou el Fikar-1913) , ou dans l’ activisme politique conciliant de l’Emir Khaled,( Journal « El-Ikdam-1919 ») , ou dans les déclarations plus vigoureuses du Cheikh Abdelhamid Ibn Badis (Journaux Al-Muntaqid, Al-Chihab , El-Bassaïr-1925/1939) ,  ou finalement dans les violents réquisitoires de Messali Hadj ( Journal El-Ouma- 1930)  et jusqu’aux déclarations de guerre ( Journal Résistance algérienne-1957 , El-Moudjahid-1956) , et dont les propos sonnaient le glas de plus d’un siècle d’atermoiements , de tergiversations et de joutes politiques et journalistiques humiliantes : « Le peuple algérien veut se libérer du colonialisme, mais cette libération, il ne la conçoit que dans une perspective révolutionnaire, impliquant la fin des féodalités et la destruction de toutes les structures économiques de la colonisation » (11)  Force est de constater que , même si elle demeure parfois en arrière plan , la presse écrite indigène musulmane a toujours été omniprésente et engagée , elles constituait avant l’heure un contre-pouvoir , une véritable institution sociale et politique avec laquelle il fallait négocier. Un instrument incontournable dans la communication politique, la diffusion d’une culture sociale, politique et militante, ainsi que dans la mobilisation de la population indigène autour d’un projet national qui n’a pas toujours été si évident.

La diffusion d’une culture sociale, politique et militante
Dans un contexte où l’expression « des revendications des colonisés » était limitée, la presse « indigène » sera amenée à jouer un rôle décisif. En assurant leur diffusion, elle contribua à forger une « opinion publique musulmane ».Suite à ce mémorable pugilat journalistique indigène séculaire qui fît amplement ses preuves , confronté à toutes les mesures de représailles et exactions possibles ( interdiction de publication , emprisonnement ,  bannissement , assignation à résidence…)  de la part d’un  pouvoir colonial conscient de cette intelligentsia révolutionnaire algérienne qui saura s’adapter et s’initier aux mêmes techniques modernes de combat politique et idéologique de l’ennemi , En 1955 , dans les premières années de la guerre de libération nationale , le Front de Libération nationale se dotera à son tour de son propre journal , d’abord la « Résistance algérienne » , organe officiel de communication du Front de Libération Nationale qui sera publié en arabe et en français( du 22 Octobre 1955 jusqu’en juin 1957) , suivi par la suite en 1956 du  journal « El-Moudjahid » . Les deux journaux sont publiés en parallèle  puis « Résistance algérienne » sera définitivement absorbée par « El Moudjahid » en 1957. On verra à la direction et à la collaboration de ces publications d’éminentes personnalités algériennes et françaises telles que Abane Ramdane, Benyoucef Benkhedda , Ahmed Boumendjel , M’Hamed Yazid, Rédha Malek , Frantz Fanon , Pierre Chaulet.  Le lendemain de l’Indépendance, l’Algérie connaitra une véritable disette en matière de médias,  la nature du régime politique ne pouvait s’accommoder que de quelques journaux conformes à l’idéologie officielle dominante. Les Algériens se contenteront de quelques titres qui se comptaient sur les doigts d’une main. En comparaison avec cette période coloniale si décriée, désavouée et fustigée, il faut bien reconnaître que celle-ci fût moins liberticide vis à vis de la presse algérienne indigène de l’époque. Ainsi, il aura fallu patienter près d’un siècle (date de la parution du journal « El-Hak » en 1893) pour qu’enfin en 1990, allait enfin s’amorcer une ouverture médiatique qui conférera à la presse algérienne une forme de liberté somme toute relative puisque l’Etat pouvait à tout moment reprendre d’une main ce qu’il avait concédé de l’autre.

Une ouverture médiatique qui conférera une forme de liberté
Une véritable épée de Damoclès (à travers le fameux article 144/144 bis), un traquenard juridique assez subtil censé dissuader les plus malins. C’était sans compter sur la détermination inébranlable de la presse algérienne. Il reste à savoir dès lors  comment  les autorités algériennes décrypteront l’herméneutique de l’article 50 de la nouvelle constitution face à une liberté d’expression qui s’approprie de nouveaux outils , de nouveaux supports et une rhétorique incisive et peu conventionnelle.  Ni l’imprimatur, ni la geôle, ni toutes les autres formes de pressions, de menaces et d’intimidations, ni la situation financière catastrophique des uns et des autres, n’arriveront à amenuiser cette force étrange, presque surnaturelle qui anime cette presse algérienne sensationnelle. Mais le véritable coup de grâce lui sera asséné avec une lâcheté innommable lors de la décennie noire, triste époque et règne de tous les abus et de toutes les impunités. La presse algérienne payera le plus lourd tribut de toute son histoire, une véritable hécatombe qui n’a pas son pareil au monde. Ce sera comme toujours des personnes d’une extrême générosité qui  seront aveuglément happés par cette machine de guerre, des héros, femmes et hommes, froidement et impitoyablement exécutés par de vulgaires « marchands  de bonbons sur l'ordre d'un ancien tôlier » selon les paroles de Rachid Mimouni. Choisis comme martyrs par un destin étrange, ils étaient tous disposés à en payer le prix. Des gens  qui ne voulaient pas du silence comme philosophie de vie face à la tyrannie, considérant la mort comme alternative plus noble que la servitude et la résignation.  « Le silence, c'est la mort, et toi, si tu te tais, tu meurs et si tu parles, tu meurs. Alors dis et meurs ! », dira Tahar Djaout.  Des attentats déconcertants seront perpétrés avec une habileté extraordinaire, digne des scénarios Hollywoodiens les plus élaborés, comme celui du Journal « L’Hebdo Libéré » un certain lundi 21 mars 1994. Attentat minutieusement fignolé qui nous fait penser au célèbre film de Sydney Pollack « Les trois jours du condor », Cet étrange fléau que l’écrivain Rachid Mimouni qualifiera de « Malédiction » allait décimer près d’une centaine de journalistes. Je serais incapable de tous les citer, et je m’en excuse profondément, car ils furent « Légion ». Evoluant sur un terrain constamment miné, la presse algérienne saura à chaque fois réaliser l’impossible, avec des hommes de très grande valeur , probes , honnêtes et incorruptibles , de la trempe de Mostefa Lacheraf  qui , en dépit d’être toujours  à la tête de la rédaction du journal «El-Moudjahid »(Aout 1962), il eut ce courage et cette probité de l’intellectuel et du journaliste  qui , lorsque les circonstances l’exigent , n’hésite pas à désavouer le même système dont il faisait auparavant l’éloge.«Peut-on décemment parler d’esprit révolutionnaire, de garants de la révolution, en évoquant des hommes qui ne savent même pas se retenir sur la pente facile des tentations matérielles, de la soif frénétique de s’enrichir et de s’embourgeoiser » (12) Il justifiera sa position face à cette débâcle de l’après indépendance (crise e 1962) qui « en fit obligation à l’un des responsables du journal (c’est à dire Mostéfa Lacheraf  lui-même), en accord avec l’équipe rédactionnelle, d’éclairer objectivement et sans parti-pris les militants de l’opinion publique et de préserver l’unité du peuple au nom même des principes de la révolution » (13)  Seuls des engagements aussi nobles et héroïques ont pu , dans le sang et dans le feu , conférer incontestablement à la presse écrite algérienne ses titres de noblesse.                                                                                                                

Notes :

1_ Hamdan ben Khodja, Aperçu et statistique sur la régence d’Alger (Le Miroir).Ed.1833
Hamdane Ben Othman Khodja (1773-1842)  appartenait à une famille de notables algérois, fils d’un  jurisconsulte de renom,  responsable auprès du Dey de la supervision des comptes budgétaires et des dossiers contenant les noms et les grades, ainsi que les traitements des janissaires. Dans son livre « Le miroir », il dresse un virulent pamphlet contre une barbarie coloniale qui portait offense à la philosophie des lumières.
2_ Ch. R. Ageron, « Regards sur la presse politique musulmane dans l'Algérie française », dans Cahiers de l’Institut d’histoire de la Presse et de L'Opinion, V, 1966, p. 39.
3_ A. Merad, « La formation de la presse musulmane en Algérie (1919-1939) », IBLA. Revue de l’Institut des Belles lettres arabes à Tunis, 1964.
4_  B. Gaïti, « L’opinion publique dans l’histoire politique : impasses et bifurcations », Le Mouvement social, octobre-décembre 2007, p. 95-104
5_ANOM 9H/27 : surveillance politique des indigènes, 1926, 1935-1936.
6_Zahir HADDADENE «Regards sur l’histoire de l’Algérie» Ed, « AT TURATH », 2002, p.85
7_Ahmed Mahsas , Le Mouvement révolutionnaire en Algérie ,Ed. L’Harmattan, 1979, p.97
8_ Mahfoud Kaddache, L’Algérie des Algériens, de la préhistoire à 1954, EDIF 2000  p.744
9_ Ach-Chihab , Avril 1936
10_Ach-Chihab , Février 1934
11_El-Moudjahid, N°12 du 15 décembre 1957
12_ Mostefa Lacheraf , L’Algérie , Nation et société , Casbah édition , Alger , 2006 , p.270.
13_ Mostefa Lacheraf ,Op. cit., p.271

 


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