Etude. Comment l’alliance entre les zaouïas et l’Etat algérien a vaincu le salafisme dans les wilayas du sud



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Les territoires du sud de l’Algérie restent marqués par une forte implantation confrérique qui a su garder une partie de sa vocation auprès des populations dans ce nouveau contexte socioculturel. Le rôle éducatif des zaouïas reste ancré. La mobilité des talabat (les adeptes des zaouïas) témoigne de l’importance culturelle de cette mouvance dans les espaces les moins urbanisés.

Cependant, les actions menées par l’État dans la mise en place des réseaux institutionnels (justice, enseignement…) ont remis en cause le rôle traditionnel de ces confréries. C’est ainsi que les anciennes instances confrériques qui puisaient leur légitimité dans leur pouvoir religieux se trouvent relayées par de nouvelles instances qui représentent l’État moderne. De nouvelles références idéologiques et culturelles sont intégrées par le biais de l’administration, de la justice et de l’école, entraînant des ruptures dans le fonctionnement des zaouïas et créant peu à peu des clivages dans leurs rapports classiques avec la population locale.

Pour se repositionner, les zaouïas ont pu renégocier ces dernières années des passerelles qui permettent à leurs étudiants d’intégrer l’enseignement supérieur et de s’insérer par la suite dans la fonction publique en tant qu’imams de mosquées. L’intégration des jeunes imams issus des confréries arrangeait bien l’État qui voulait écarter les salafistes dominant les lieux de cultes (Belguidoum, 2005, p. 227). Cette alliance stratégique avec les zaouïasa instauré l’institutionnalisation de la fonction des imams et leur formation. Ceci procure aux zaouïas un nouvel espace pour exercer des pouvoirs indirects dans les institutions publiques. « Le capital symbolique se transforme en capital social et ces réseaux, en traversant la structure sociale, participent aux restructurations en cours » (Belguidoum, 2005, p. 228).

L’exemple de l’implication de la Grande Zaouïa d’Adrar dans la création de l’Université Africaine d’Adrar illustre bien ce fait. Cette université doit en vérité son existence à l’institut des sciences islamiques que la Zaouïa de Cheikh-Mohammed-Ben-Lekbir a initié. Son cheikh monta ainsi un grand projet pour la création d’un institut des hautes études islamiques à Adrar, inspiré du modèle d’Al-Azhar en Egypte. Maintes tentatives ont été entreprises auprès des pouvoirs centraux pour concrétiser ce projet dans les années 1980, mais sans y aboutir. Il faut attendre, la montée d’un islam politique radical sur la scène sociétale pendant les années 1990, pour que ce projet voie le jour sous la forme d’un petit institut pour la formation des imams, sans pour autant donner les prérogatives de la gestion à la zaouïa ou à son cheikh. L’administration désigne son représentant direct pour cette mission, tandis que le cheikh n’est que membre du conseil scientifique.

Néanmoins, il est difficile d’évaluer les interférences entre le pouvoir confrérique et le pouvoir institutionnel, car les stratégies de positionnement des pouvoirs publics face aux zaouïas sont souvent brouillées, à la différence des pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest comme le Sénégal où ces mouvances sont très présentes dans la sphère publique.

« La question la plus lucide à formuler est de s’interroger sur les éventuelles relations existantes entre les membres de confréries religieuses et les militants des divers partis politiques voulant se présenter sur la liste partisane aux élections communales car en, définitive, les deux aspirent à gérer au mieux les affaires de la population ; cette redoutable question est caractérisée par une prudence extrême exprimée par des personnalités locales qui attestent que ces relations sont feutrés et frappées de ce fait, par le sceau de secret » (Bendjelid, 2011, p. 57).

En effet, tandis que quelques zaouïas se contentent des activités d’éducation religieuse que l’État leur a cédées, d’autres s’impliquent sur la scène publique locale. Ces zaouïas comptent parmi leurs adeptes les descendants des fondateurs, les chorfa et les merrabtine, et de nouveaux adeptes, souvent des cadres et des commerçants installés dans la région. Dans ces stratégies d’affiliation à des réseaux confrériques, les convictions religieuses se croisent souvent avec les intérêts et les projets politiques et économiques des fidèles.

Aujourd’hui, de nouvelles valeurs «libérales» reposant sur la démocratie, la compétence, le savoir et l’argent, remplacent peu à peu les anciennes valeurs religieuses de la société locale. C’est ainsi que de nouveaux rapports sociaux prennent place, suite à l’avènement de nouvelles institutions publiques remplaçant les institutions traditionnelles. Une nouvelle élite est en cours de formation, constituée aussi bien par des cadres non originaires de la région que par des cadres appartenant aux différentes « ethnies » de la société locale, notamment les harratines. Ce processus contribue à rompre définitivement avec les anciennes pratiques et remet en cause la notion de notabilité dans ces territoires.

Ce texte a été extrait d’une étude menée par Badreddine Yousfi, enseignant à l’Université d’Oran et Chercheur associé au CRASC, et publiée initialement par la revue universitaire l’Année du Maghreb 

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