«La situation en Libye a aggravé les défis sécuritaires dans les pays voisins»



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  - L’Algérie va abriter deux importantes conférences africaines sur la lutte contre le terrorisme, l’une à Oran, aujourd’hui et demain, l’autre à Constantine, les 13 et 14 décembre 2017. Qu’en est-il au juste ? La réunion de haut niveau qui se tient à Oran a pour thème «Les réponses effectives et durables au phénomène du terrorisme : approche régionale». Cette rencontre prévoit d’examiner un large éventail de questions liées à la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, notamment l’évaluation de l’impact de ce phénomène sur la paix et la sécurité en Afrique, le partage des bonnes pratiques et des leçons tirées des expériences passées, y compris celle de l’Algérie, et pour identifier également les réponses les mieux coordonnées et les plus durables. Je dois souligner que cette réunion se tient en Algérie à la suite à la désignation du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, par ses homologues africains en qualité de Coordonnateur de l’Afrique pour la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent sur le continent. La gravité des menaces du terrorisme pour la sécurité, la stabilité et le développement d’un nombre croissant de pays africains demeure une source de préoccupation majeure pour l’UA (Union africaine) et une priorité dans son programme de prévention et d’action contre ce fléau. Au cours de la dernière décennie, cette menace a pris de l’ampleur et des régions qui n’avaient pas pleinement pris conscience de ses sérieuses répercussions, ou qui se considéraient à l’abri du terrorisme, sont devenues la cible des terroristes avec des niveaux de violence sans précédent. D’où la nécessité de revoir et d’adapter les mécanismes et instruments déjà mis en place par l’UA, à la fois sur les plans juridique et opérationnel. Par-delà l’expérience algérienne, les participants sont appelés à identifier les avancées et gaps de cette architecture de l’UA de lutte contre le terrorisme de façon à consolider davantage la coordination entre les pays africains dans ce domaine, en intégrant l’ensemble des moyens disponibles, en étroite coopération avec les Nations unies et nos partenaires pour répondre aux défis sans cesse plus complexes et une résilience avérée des groupes terroristes et criminels. S’agissant de la réunion de haut niveau qui se tient à Constantine, elle portera sur le thème : «Faire taire les armes d’ici 2020 : le rôle des femmes dans la médiation et la promotion de la coopération transfrontalière». Cette question s’inscrit dans la continuité des efforts de l’Union africaine visant à sensibiliser et accroître la compréhension au sujet de l’implication des femmes dans les efforts de médiation et de prévention des conflits en Afrique. Les efforts de l’UA dans ce cadre commencent à enregistrer des progrès considérables, notamment à travers l’initiative de FemWise-Africa, lancée à Constantine l’année dernière, et qui fournit une plateforme continentale pour le plaidoyer stratégique, le renforcement des capacités et la mise en place d’un réseau visant à renforcer l’application des engagements en faveur de l’inclusion des femmes dans le rétablissement de la paix et la stabilité en Afrique. - Le Sommet Europe-Afrique vient de s’achever ; quels dividendes l’Afrique en  a-t-elle tirés ? Les premiers dividendes restent sa consécration en Sommet UA/UE, permettant ainsi d’inscrire l’action collective des deux ensembles dans le cadre de la vision 2063 de l’UA et promouvoir une approche de ce partenariat tournée vers l’action et des résultats à atteindre d’ici le prochain sommet pour que ce processus reste pertinent et crédible. Cela dit, la préoccupation majeure de ce 5e Sommet UA-UE a été axée sur le thème : «Investir dans la jeunesse pour un avenir durable» dont le but est d’identifier des stratégies et actions communes en vue de traduire l’atout de la jeunesse des populations africaines en opportunités de développement économique et sociale induisant une croissance soutenue et durable. C’est à ce titre qu’ont été abordées les questions relatives respectivement à la nécessité d’accroître les opportunités économiques pour les jeunes, la nécessité d’investir dans la transformation structurelle de l’Afrique, l’éducation et la formation pour s’assurer les compétences nécessaires à ce développement, les questions de mobilité et migration des jeunes, ainsi que les impératifs de paix, de sécurité et de gouvernance. - Lors de ce sommet, il a été plus question de la limitation des flux des migrants que de la source de ce fléau lié principalement aux problèmes profonds que vivent de nombreux pays africains en raison des conflits armés qui les laminent et menacent leur existence. Peut-on connaître votre avis sur le sujet ? Au cours de ces dernières années, le problème de la migration n’a cessé de s’aggraver au point de constituer une des questions prioritaires sur le plan international. Les amalgames et tentatives récurrentes, en particulier dans les médias européens, visant à établir un lien de cause à effet entre les migrants africains et l’augmentation du nombre d’attentats terroristes suscitent de profondes inquiétudes du côté des Africains. Pour l’UA, c’est d’abord un phénomène naturel qui touche plus de 20 millions d’Africains par an dans le continent même. Une approche holistique et équilibrée de la migration s’impose. Elle est basée sur les principes d’humanité, de solidarité, de partage des charges, de la migration légale, du respect du droit international, y compris les droits de l’homme et le droit humanitaire. Tout aussi importante est la nécessité d’intensifier nos efforts collectifs des deux côtés pour s’attaquer aux causes profondes de ce problème, renforcer notre engagement à prévenir et à résoudre les conflits, et enfin accroître les investissements et les programmes de développement devant donner de l’espoir et des emplois décents aux jeunes Africains dans leurs pays. La déclaration finale du 5e Sommet UA-UE a été élaborée autour de ces éléments, et un grand travail nous attend à l’avenir pour renforcer le partenariat entre les deux organisations sur cette question cruciale afin de préserver en priorité la dignité de nos concitoyens. - Depuis quelque temps, le monde se focalise sur le grave phénomène «d’esclavage» en Libye en occultant l’éclatement du pays avec des régions entières qui échappent au contrôle de l’Etat, ainsi que la prolifération de factions armées souvent aidées et financées par des puissances étrangères. Quelle analyse faites-vous de la situation dans ce pays frontalier à l’Algérie ? Nous sommes indignés et choqués par la situation dramatique des migrants subsahariens en Libye mise en lumière par les derniers reportages des médias. Nous ne pensions pas que ces pratiques inhumaines d’un autre âge et que nous croyions à jamais révolues allaient resurgir et, pire encore, sur une terre africaine. L’Union africaine a fermement condamné cette situation et lancé un appel pour le démantèlement immédiat de ces camps, la destruction des réseaux criminels responsables et l’urgence de traduire devant la justice les personnes incriminées. A présent, l’UA travaille d’arrache-pied avec les autorités libyennes et les Etats membres dont sont originaires ces migrants et ses partenaires, notamment l’ONU et l’UE, pour le rapatriement, dans les six prochaines semaines, des 20 000 migrants se trouvant actuellement dans les centres identifiés de détention contrôlés par le gouvernement qui ont exprimé le souhait de quitter la Libye. Un groupe de travail conjoint UA-ONU-UE a été mis en place à cet effet en marge du 5e Sommet UA-UE. Cette situation dramatique souligne encore une fois l’urgence de résoudre la crise libyenne. Le conflit dans ce pays continue d’être pour le peuple libyen comme pour ceux de la région une source d’instabilité et de souffrances, de luttes d’influence auxquelles il est urgent de mettre un terme dans le cadre d’une solution libyenne négociée, durable et équitable qui permettra à l’ensemble des Libyens de retrouver la quiétude et la concorde. - Dans ce conflit, pourquoi l’Union africaine semble effacée, pour ne pas dire exclue, de la résolution de la crise où s’affrontent, il faut le dire, des puissances extrarégionales comme la France, l’Italie, les Emirats arabes unis, le Qatar et même l’Arabie Saoudite ? Je dois commencer par rappeler qu’à l’origine, le conflit a éclaté dans ce pays frère parce que l’Union africaine, initiatrice d’une médiation et d’un plan de règlement pacifique dont l’aboutissement aurait pu éviter la situation de chaos et de destruction actuelle, n’avait pas été écoutée. L’intervention militaire dans ce pays en 2011 constitue malheureusement un cas classique si l’on veut se renseigner sur les conséquences dramatiques de la marginalisation des efforts de l’UA. Aujourd’hui, malgré toutes les entraves, l’Union africaine poursuit ses efforts en vue de promouvoir une solution politique durable à la crise en Libye à travers notamment son Comité de haut niveau conduit par le président de la République du Congo, S. E. Denis Sassou Nguesso. Malheureusement, la contrariété des agendas et des approches des intervenants extérieurs continue de nuire aux efforts de l’UA qui, faut-il le souligner encore une fois, n’a pas d’agenda caché. Je saisis cette occasion pour réaffirmer les principes qui guident notre action en Libye. D’abord, je dois le rappeler, il ne peut y avoir de solution militaire à la crise en Libye. C’est aux Libyens eux-mêmes de trouver cette solution, basée sur un véritable dialogue inclusif. Enfin, l’unité et l’intégrité territoriale de ce pays doivent être préservées. C’est à ces conditions que sera surmontée cette tragédie qui n’a que trop duré. - Pourquoi, selon vous, les solutions politiques n’arrivent-elles pas à se faire entendre aussi bien en Libye qu’au Mali ? Il est évident que la première responsabilité pour promouvoir une solution durable à toute crise repose naturellement sur les acteurs nationaux. Une des règles de base pour toute médiation est d’amener l’ensemble des intervenants à délivrer le même message aux protagonistes pour hâter une solution à la crise et assurer sa mise en œuvre. Cet objectif a été admirablement obtenu par le médiateur algérien au Mali, mais n’est pas encore atteint en Libye. Même si nous déplorons les retards dans la concrétisation de toutes les dispositions de l’accord de paix issu du processus d’Alger, le défi majeur au Mali reste le terrorisme et les réseaux criminels qui retardent sa mise en œuvre. La situation en Libye qui a aggravé les défis sécuritaires au Sahel et dans les pays voisins doit connaître son épilogue en laissant aux Libyens eux-mêmes toute la latitude de promouvoir une solution nationale, conforme à leur culture, aux valeurs et la vision qu’ils souhaitent souverainement à leur pays. De nombreux Africains nous interpellent à la Commission de l’Union africaine pour exiger que le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU soit enfin un Africain pour mieux conjuguer les efforts internationaux visant à assurer la solution politique durable tant attendue au conflit dans ce pays frère. - Depuis que le monde est en guerre contre le terrorisme d’Al Qaîda et de Daech, partout dans le monde, et particulièrement au Mali, en Libye, au Niger, au Tchad, en Somalie, etc. la situation ne fait qu’empirer dans plusieurs pays africains, devenus des refuges pour les gros bonnets de la drogue, des trafiquants d’armes et des trafics en tous genres. N’est-ce pas paradoxal ? Votre question illustre parfaitement la complexité de la menace terroriste à laquelle l’Afrique fait actuellement face. Les liens entre le terrorisme et la criminalité transnationale sous ses multiples formes (trafic de drogue, circulation illicite d’armes, traite des êtres humains, enlèvements en échange de paiement de rançons et blanchiment d’argent), sont devenus aujourd’hui des plus évidents. Le marché lucratif de la drogue soutient nombre de groupes terroristes, alimente le trafic des armes, génère la violence et la corruption et constitue, de ce fait, une grave menace pour la paix et la sécurité internationales. Il suffit de noter que ces groupes terroristes et criminels sont actuellement les premiers employeurs dans certaines régions du continent pour se rendre à l’évidence du niveau du défi à relever, y compris l’assèchement de leurs réseaux de financement en Afrique, en Europe et au Moyen-Orient notamment. L’Union africaine est pleinement consciente de cette complexité et poursuit ses efforts en vue d’adapter ses mécanismes aux réalités du terrain afin de mieux aider ses Etats membres à lutter plus efficacement contre le fléau du terrorisme.  


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