La conversion patine



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Etabli au milieu des années 80’, le plan dédié à l’élargissement du parc automobile roulant au gaz de pétrole (GPL/C liquéfié peine à prendre son envol. Aujourd’hui, la part des véhicules convertis au GPL/C est insignifiante par rapport aux autres types de carburants. La structure de la consommation nationale actuelle par type de carburants du secteur du transport routier montre en effet que l’utilisation du gas-oil est dominante. Elle est à hauteur de 69%, contre 28,7% pour les essences et 3% seulement pour le GPL/C. En 2016 et selon le bilan de l’Agence de régulation des hydrocarbures(ARH), la consommation des essences a atteint 4,3 millions de tonnes et celle du gas-oil 10,3, soit plus du double. Au cours de cette période, il y a eu une baisse par rapport à 201 5 (4,43 millions de tonnes pour les essences et 10,62 millions de tonnes pour le gas-oil), conséquence de l’augmentation des prix à la pompe des essences et du gas-oil et de la baisse des importations de véhicules.  Mais le gas-oil a gardé sa position de premier carburant utilisé dans le transport routier. La même tendance est attendue pour 2017, puisque les prix ont encore subi une hausse, alors que les importations des véhicules ont drastiquement chuté. Certes, de manière globale, la consommation du GPL/C avec plus de 350 0000 tonnes (sur une consommation globale de 15 millions de tonnes) a connu une hausse de 21% en 2016 contre une baisse de 6,4 % en2015. Mais les objectifs assignés au plan de reconversion sont loin d’être atteints. Et pourtant, le prix du GPL/C est resté inchangé depuis 2005 (9 dinars le litre) et n’ a pas suivi les augmentations des prix des autres carburants qui se sont succédé ces dernières années. Les dernières en date ont été décidées dans la loi de finances pour 2018 (article 33) avec des hausses oscillant entre 3 et 5 dinars et l’impact commence déjà à se faire sentir par les consommateurs. «Si auparavant le plein me coûtait 1500 dinars, actuellement il tourne autour de 2000 DA, soit 500 dinars de plus par semaine et 2000 par mois pour des déplacements moyens», se plaint un automobiliste dont le véhicule roule à l’essence. Et à un autre de préciser sans se soucier de l’aspect environnemental : «Vu les nouveaux tarifs, j’ai pensé à acheter une voiture roulant au diesel. J’ai déjà fait la commande et j’ai pris cet élément en considération même si je dois payer plus cher. A long terme, ça m’évitera de subir les hausses du prix de l’essence. Difficile de concilier entre sa poche et l’environnement». Un argument qui tient la route, puisque l’augmentation de 2018 est moins importante pour le gas-oil (3 DA de plus contre 5 DA pour l’essence) comme ce fut le cas pour les précédents ajustements. Des ajustements qui viennent poser de nouveau la problématique de la satisfaction de la demande en carburants, essentiellement en gas-oil, d’autant que l’Etat avoue n’avoir plus les moyens de continuer à importer ce carburant et comparant les prix à la pompe appliqués en Algérie avec ceux des pays du Maghreb et de la France pour tenter de faire avaler la pilule, oubliant bien d’autres paramètres différents. Le premier ministre, Ahmed Ouyahia, l’a d’ailleurs relevé en octobre dernier à Arzew. «Les importations de carburants nous reviennent très cher et la dépréciation de la valeur du dinar rend la situation encore plus difficile. Il est donc nécessaire d’intensifier les efforts pour augmenter la production des carburants», avait-il relevé devant la presse, mettant l’accent sur la réalisation des nouvelles raffineries. Il s’agit, en effet, pour le gouvernement, de réduire la facture des importations évaluée actuellement à 2 milliards de dollars. Mais en parallèle, il y a lieu de rattraper le retard en matière d’équipements des voitures en kits pour GPL. Engouement Pour bon nombre d’observateurs, la nouvelle hausse des prix des carburants devrait jouer en faveur de cette solution. Pour le ministère de l’ Energie, il y a nécessité d’équiper 500 000 véhicules en GPL d’ici 2021 (alors que l’objectif est de 1 million à l’horizon 2030) soit le double de celui enregistré actuellement, puisque Naftal a recensé en 2017 260 000 véhicules GPL/C   en circulation. Ce n’e qu’en 2016 que l’utilisation du GPL/C a augmenté de de 21% par rapport à 2015. L’ engouement pour ce carburant propre se poursuivra-t-il ? Pour les représentants du secteur de l’énergie, ça serait le cas. Mais à condition de lever les contraintes pour assurer la disponibilité des kits et autres équipements mais aussi du GPL /C dans toutes les stations-service. Il y a aussi les lenteurs dans le placement des kits à lever. A ce sujet, faudrait-il souligner que l’attente est souvent longue, avec un délai dépassant les trois mois dans de nombreux cas, même si en moyenne il a été réduit en 2017 à 21 jours, selon Naftal. L’objectif étant de passer à un délai de 10 jours. Autant d’éléments à prendre en considération pour rattraper le retard accusé dans la reconversion vers le GPL/C. Pour cela, faudrait-il que l’ensemble des acteurs travaillent en coordination. Mais aussi que l’industrie automobile nationale (montage) prenne en charge cette nécessité. Comment ? En réservant des quotas roulant au GPL/C. Justement, à ce sujet, le ministère de l’Energie a demandé récemment au département de l’Industrie de se pencher sur la question, selon l’ARH. Ce qui reste insuffisant comme mesure. Pour certains experts, cela ne changera pas grand-chose, puisque le développement du GPL/C (ou Sirghaz) dans le transport routier, va servir uniquement comme énergie de substitution aux essences et non au gas-oil. Rattrapage D’où la nécessité de viser plutôt le développement des carburants alternatifs en substitution au gasoil, par des carburants propres et moins coûteux, en l’occurrence le GNC (gaz naturel comprimé). A ce niveau, le retard est également important. Ce n’est que cette année que la Société nationale de véhicules industrielles (SNVI) sortira de son usine le premier bus roulant au GNC. Déjà, en 2012, l’Agence nationale pour la promotion et la rationalisation de l’utilisation de l’énergie (APRUe) avait envisagé de mettre en circulation une centaine de bus GNC à Alger sans aller jusqu’au bout du projet. Cette opération devait toucher d’autres villes d’ici 2020 alors qu’elle peine encore à démarrer à Alger. Pour rappel, dès le début des années 1990, un programme d’étude avait pourtant été initié par l’APRUE pour la conversion au gaz GNC. Des installations avaient même été réalisées par Sonelgaz. La crise semble accélérer les choses avec par l’incapacité des pouvoirs publics à faire face à la demande croissante en carburants, alors que la préoccupation revêt un caractère important. Celui de concilier entre la satisfaction du besoin de mobilité et la rationalité économique, d’une part, et d’assurer d’autre part la préservation de l’environnement et la protection de la santé de la population, Des points occultés pendant des années, Même si théoriquement, on rappelle à chaque fois la politique de développement du GPL/C en substitution des carburants traditionnels et notamment les essences qui remonte à 35 ans, dans les faits, la situation se présente autrement  Les chiffres de l’ARH parlent d’eux-mêmes : la consommation nationale des carburants a connu un rythme de croissance élevé. Elle est passée de 0,6 million de tonnes en 1964 à 5,9 millions de tonnes en 1999 et à 11,3 millions de tonnes en 2010, pour atteindre 14,9 millions de tonnes en 2016. Rien que sur la période 2010-2016, le taux de croissance annuel moyen de la consommation des carburants a atteint 4,8 %. Le gas-oil à lui seul a enregistré une croissance moyenne annuelle de 3,9 % contre 8% pour les essences et moins de 0,2% pour et GPL/C. «Diéselisaiton» Cela pour souligner la diéselisation du parc automobile national. C’est ce que notera d’ailleurs l’expert en économie d’énergie, Kamel Aït Chérif, qui nous dira: «La diéselisation du secteur du transport routier entraîne des conséquences qui risquent d’être encore plus difficiles à gérer sur le plan de l’efficacité énergétique et sur le plan environnemental. ». Comment faire alors pour ralentir la demande des carburants, notamment le gas-oil, sans sacrifier les bénéfices apportés par le transport, en termes de développement économique et social? En réponse à cette question, il précisera : «La solution est à la fois simple est complexe : en améliorant l’efficacité énergétique du transport». Quid des moyens ? «Les moyens sont nombreux, mais les moyens adaptés au contexte spécifique à l’Algérie méritent d’être mieux pensés»,recommandera-t-il. Il s’agit en premier lieu pour notre spécialiste de travailler pour assurer l’efficacité énergétique dans le transport. «C’est une nécessité absolue ! Nos véhicules ne répondent à aucune norme de consommation de carburants. Seule la mise en place d’une réglementation technique des véhicules assurera cette efficacité», expliquera-t-il, mettant par ailleurs l’accent sur la nécessité d’augmenter les prix de l’énergie. «C’est une mesure nécessaire mais insuffisante. Commençons d’abord par démystifier cette notion de vérité des prix des produits énergétiques. Le caractère éminemment stratégique des produits énergétiques contraint tous les pays à les encadrer étroitement par une politique des prix spécifique. Il faudrait bien entendu de relever les prix de l’énergie, gelés depuis 2005 et ne correspondant pas à la réalité du marché. Les augmenter progressivement se justifie donc pleinement. L’Algérie pourrait ainsi rationaliser la consommation interne d’énergie, limiter le gaspillage et augmenter les recettes tirées des exportations lucratives d’hydrocarbures», plaidera-t-il. Pour M. Aït Chérif, la révision des prix de l’énergie progressivement doit se focaliser sur les secteurs gros consommateurs, qui ont un impact significatif sur la demande d’énergie sans pénaliser les ménages et sans faire perdre à l’économie nationale l’un de ses rares avantages comparatifs. Cependant, avertit-il : «Prenons garde de croire que le seul relèvement des prix réduira sensiblement la consommation d’énergie. Il ne réglera pas celui du gaspillage inouï qui résulte de l’inondation du marché national par des équipements énergivores, qui se vendent à des prix tellement compétitifs qu’ils continueront à proliférer. Seule la voie réglementaire peut en juguler le flux.»   


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