Enquête. Pourquoi il faut privatiser les entreprises publiques algériennes



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En économie, la majorité des études empiriques soutient l’hypothèse d’amélioration de la performance de l’entreprise publique après sa privatisation. De nombreuses enquêtes réalisées sur le terrain ont démontré effectivement l’impact de la privatisation sur la performance des entreprises publiques. L’Algérie pourra-t-elle bénéficier de l’impact positif sur la performance des entreprises privatisées ? Enquête. 

Il faut savoir, d’abord, que l’entreprise est une entité économique qui utilise des moyens afin de produire des biens ou des services, destinés à être proposer sur un marché, l’entreprise publique est une entreprise sur laquelle l’Etat peut exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété ou de la participation financière, en disposant soit de la majorité du capital, soit de la majorité des voix  attachées aux parts émises. Et l’entreprise privée est une entreprise qui ne dépend pas directement de l’Etat et qui cherche toujours à être compétitive, et pour cette raison plusieurs auteurs recommandent la privatisation des entreprises publiques pour qu’elles soient compétitives.

Des managers motivés pour maximiser la rentabilité 

Il existe plusieurs justifications de l’impact positif de la privatisation sur la performance de l’entreprise publique. Par exemple, la théorie de l’agence suggère que la privatisation réduit le problème d’agence qui est généralement associé aux comportements des managers grâce aux changements apportés par les propriétaires privés au niveau des mécanismes de motivation (participation des managers au capital, système de récompense) et de contrôle.

De ce point de vue, la privatisation offrirait une approche de gestion qui incite davantage les managers à maximiser la profitabilité de leurs entreprises. Une autre justification est donnée par la théorie des choix publics qui stipule que la privatisation réduit l’interventionnisme étatique dans les entreprises publiques. Par conséquent, elle leur permet de poursuivre des objectifs strictement économiques et non politiques tels que la création d’emplois ou le développement régional. Cette vision suggère aussi que les entreprises publiques font l’objet de pressions sociales considérables à cause du pouvoir de négociation des syndicats et des groupes d’intérêts publics. De ce fait, la privatisation s’avère un moyen de prédilection pour débarrasser les entreprises publiques des contraintes sociales.

Mais Est-ce que la privatisation contribuera à l’amélioration de la performance de l’entreprise publique algérienne ? Afin de répondre à cette problématique nous émettons l’hypothèse suivante : La privatisation donne un impact positif sur la performance de l’entreprise publique algérienne

La privatisation consiste en une opération de transfert de propriété des acteurs publics vers des investisseurs privés. Elle vise à répondre à divers objectifs à savoir politiques, économiques et même idéologiques. Au niveau national, elle est considérée par les gouvernements comme une stratégie de financement de leurs déficits et de désengagement de l’état de certaines activités devenues moins profitables.

Au niveau organisationnel, elle présente une réforme qui a pour objectif d’améliorer l’efficacité financière et opérationnelle des entreprises. Ainsi, elle repose sur l’idée selon laquelle la possession de l’entreprise par des acteurs privés est perçue comme bénéfique pour la performance des entreprises comparativement à celle des acteurs publics.

Ce transfert peut être total ou partiel.

–  LA PRIVATISATION TOTALE : la privatisation est totale lorsque la totalité des droits de propriété de l’Etat sont transférés au secteur privé ;

– LA PRIVATISATION PARTIELLE : La privatisation est partielle si l’Etat s’engage dans la privatisation du secteur public progressivement et au fur et à mesure de l’ouverture des mentalités et de la levée des contraintes multiformes inévitables à tout processus de privatisation.

Les premières privatisation en Algérie sont apparues au début des années quatre-vingt avec la loi 81/84 relative à la cessation des biens immobiliers publics aux particuliers presque au Dinar symbolique, suivie de la loi 87/19 relative à cession de l’exploitation agricole publique aux particuliers que soit sous une forme individuelle ou collective. Puis en 1988, de nouvelles lois apparaissent relatives à l’autonomie de l’entreprise publique (loi 88/01), à la planification (loi 88/02) et aux fonds de participation (loi 88/0).

La loi propre à la privatisation des entreprises publiques est celle indiquée dans l’ordonnance n° 95/22 du 26 août 1995. Cette loi a été révisée et modifiée par le décret n° 96 /10 de janvier 1996. Elle porte sur les modalités de la privatisation, les entreprises à privatiser et les différentes procédures relatives à cette opération.

Les principaux objectifs de la privatisation en Algérie sont :

$La réduction du déficit budgétaire ;

$la recherche de l’efficacité économique ;

$Le développement de l’actionnariat populaire et des salariés ;

$ La protection de l’emploi ou la minimisation des conséquences sociales de la privatisation ;

$L’appel aux investisseurs étrangers.

Pour répondre à ces objectifs, L’ordonnance n° 95/22 définit les secteurs concernés par cette opération et qui ont des caractères concurrentiels et exercent leurs activités dans les secteurs suivants : études et réalisations dans les domaines du bâtiment, des travaux publics et des travaux hydrauliques, hôtellerie et tourisme, commerce et distribution, industries textiles et agro-alimentaires; industries de transformation dans les domaines suivants : électriques, électroniques, bois et dérivés, papiers, produits chimiques, plastiques, cuirs et peaux, transports routiers de voyageurs et de marchandises, assurances, activités de services portuaires et aéroportuaires, petites et moyennes industries et petites entreprises locales.

 Mais quelles sont les principales méthodes que l’on peut utiliser dans un processus de privatisation ?  

     A- La cession par le biais de marché financier : cette opération s’effectue par offre de vente d’actions et autres valeurs mobilières à la bourse des valeurs mobilières ;

    B-La vente de l’entreprise à ses dirigeants et employés : en Algérie l’instruction N° 2 du 15 septembre 1997 définit les conditions et les procédures de cessions d’actifs au profit des salariés de l’entreprise publique. Ces derniers peuvent bénéficier d’un paiement à tempérament sur vingt (20) ans au taux d’intérêt de 6% par an. Il est important à noter que ces titres (parts sociales) sont cessibles et transmissibles après le paiement intégral de leur prix ;

    C –La cession gratuite des actions : en Algérie, l’ordonnance relative à la privatisation a prévu une distribution gratuite d’actions limitée à un maximum de 10 % du capital de l’entreprise et elle ne concerne que les salariés ;

  D- La procédure de gré à gré : cette procédure décidée par l’autorité gouvernementale sur recommandation de l’institution chargée de la privatisation comme une procédure exceptionnelle (selon les articles 31, 32 et 33 de l’ordonnance 95/22). Cette procédure de vente de gré à gré peut être utilisée en cas :

$- De transfert de technologie spécifique ;

$-  De nécessité d’avoir une gestion spécialisée ;

$- Lorsque les opérations d’appel d’offre sont demeurées sans suite ;

$-  De cession des entreprises publiques économiques aux salariés par décision du gouvernement.

    E-La vente aux enchères : Et en ce qui concerne la vente aux enchères, l’ordonnance a prévu la cession par appel d’offres (art 27 à 29). L’ordonnance reste cependant discrète sur le critère de sélection de l’acheteur. Au titre de la privatisation dite partielle, la cession d’actifs s’opère exclusivement par appel d’offres national et/ou international. L’article 28 de l’ordonnance ainsi que l’article 7 du décret exécutif n° 94-415 font obligation de prévoir une valeur minimale de mise à prix. La détermination de cette dernière nécessite une évaluation préalable de l’entreprise ou des éléments d’actifs ;

    F-La privatisation par augmentation du capital :  L’Algérie a entamé le processus de privatisation par cette formule, avec l’ouverture du capital des premières entreprises introduites en bourse à savoir SAIDAL, lERIADE-Sétif et l’hôtel EL-AURASSI, par le biais d’une ouverture à hauteur de 20% de leur capital ; ainsi d’autres entreprises ont été appelées à suivre le même parcours avec privatisation partielle tout en les introduisant à la bourse à savoir ENGI, hôtel EL- Djazaïr…etc.

    G-La privatisation par conversion de la Dette Extérieure : cette technique a été utilisée principalement pour les prêteurs Français et Allemands. En octobre 2004 l’Algérie a signé un accord d’investissement direct avec la France en contre partie de la dette Algérienne. Cet investissement direct Français en Algérie a touché plusieurs secteurs par exemple : le transport (métro d’Alger), l’hydraulique, les travaux publiques…etc

 

Mais la privatisation est-elle vraiment un gage de performance ? 

En réalité, il existe de différentes formes de performance, mais cette dernière a été toujours réduite à sa dimension financière. Cette performance consistait à réaliser la rentabilité souhaitée par les actionnaires avec le chiffre d’affaires et la part de marché qui préservaient la pérennité de l’entreprise. Mais aujourd’hui, dans l’économie moderne, on est passé d’une représentation financière de la performance à des approches plus globales incluant plusieurs dimensions sociales et environnementales.

Donc, la pérennité des entreprises ne dépend plus seulement de l’aspect financier de leurs activités, mais également de la manière dont elles se conduisent. Dès lors, la responsabilité des entreprises s’élargit, elle ne se limite plus aux seuls actionnaires, mais intègre d’autres parties prenantes (associations, syndicats, clients, fournisseurs, …). Ces nouveaux acteurs exigent d’être entendus et constituent cette nouvelle notion de performance globale.

Plusieurs recherches ont démontré la supériorité de l’entreprise privée sur l’entreprise publique et suggèrent la privatisation des entreprises publiques, et cela sur la base des arguments suivants :

Sur le plan micro-économique : plusieurs théories  soutiennent l’hypothèse de la supériorité de l’entreprise privée sur l’entreprise publique, parmi ces théories, on trouve la théorie des droits de propriété. (Alchia, 1965) et (Demsetz, 1967), justifient cette supériorité par les principales caractéristiques de l’entreprise privée qui sont : l’exclusivité et transférabilité.

Dans une entreprise privée, les propriétaires assurent parfaitement la fonction du contrôle. Ce qui incite les dirigeants et l’ensemble du personnel à créer, à maintenir et à améliorer les rendements avec une utilisation plus efficace des ressources. De ce fait l’entreprise privée met en place des mécanismes de contrôle pour une meilleure circulation d’information à moindre coût. L’entreprise publique, quant à elle, crée un environnement défavorable à l’efficacité économique.

Et sur le plan macro-économique : les avantages de la privatisation sont multiples, parmi ces avantage on trouve : la réduction du déficit des finances publiques et des transferts aux entreprises publiques ; l’augmentation de l’investissement total étranger et de la productivité de l’économie. Ces résultats contribueront à la création d’emplois et favoriseront par la suite la balance commerciale et la balance des paiements.

Pour apprécier l’impact de la privatisation il existe deux approches comparatives. La première consiste à comparer un groupe d’entreprises du secteur public avec un groupe d’entreprises du secteur privé. La seconde consiste à comparer la performance avant et après la privatisation.

Selon un répertoire de 89 études économiques internationales portant sur la comparaison de la performance des entreprises publiques et privées, 56 études (63 %) suggèrent que l’entreprise privée est plus performante que l’entreprise publique. Onze études (12 %) font plutôt la démonstration contraire alors que 17 études (19 %) constatent l’absence de différence entre les entreprises et 5 études (6 %) présentent des résultats mitigés.

Ces résultats nous appellent à penser que la privatisation des entreprises publiques peut contribuer à l’amélioration de leur niveau de performance. Il faut donc reconnaître enfin l’existence d’un potentiel impact positif de la privatisation sur l’amélioration de la performance des entreprises publiques algériennes. Les autorités algériennes doivent uniquement s’inspirer de ces études empiriques pour sauver nos entreprises publiques de la faillite.

Cette enquête a réalisée suite à une étude universitaire menée par Amel CHADILA de l’Université d’Ouargla 


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