The Guardian

petit rappel pour le chameau qui ne voit plus sa bosse



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Une contribution d’Al-Hanif – En matière de presse, le périmètre de la ligne éditoriale est mouvant et se déplace au gré des époques et des agendas idéologiques. The Guardian fut un très bon quotidien, référence de la presse écrite britannique, avant que sa version papier ne s’effondre et qu’il ne se réfugie dans le numérique, à la déontologie moins scrupuleuse. Le voir aujourd’hui sacrifier à la recherche du scoop exotique et donner un coup de bélier à un pays, en inventant même une «bélieraumachie» ou tauromachie du pauvre, est consternant.

Si Charles Dickens ou son héro David Copperfield venaient à visiter le Londres d’aujourd’hui, ils seraient aux premières loges pour voir la faillite du projet politique «Big Society» de David Cameron.

Et toute personne de bonne foi brandirait comme preuve la permanence du fossé entre riches et pauvres, et l’avertissement du Premier ministre et écrivain, Benjamin Disraeli, qui sonnait l’alarme en 1845 sur le risque de fracture et d’éclatement de l’Angleterre entre les deux nations – celle des nantis et celle des exclus.

L’ouvrage Les deux nations (Tale of Two Nations) de Disraeli, même dans sa forme romancée, doit être au programme de tout étudiant en sciences politiques ou de toute personne s’intéressant à la chose publique. Le diagnostic de cet homme politique, pourtant classé à droite, lui a permis de mener une action qui l’installe dans le panthéon des très grands hommes d’Etat et comme le plus grand Premier ministre de l’empire.

Le Londres, version carte postale de la City de Westminster, celui qui rit et draine banquiers, cohortes de touristes, hommes d’affaires et rentiers du Golfe autour de la National Gallery, de Buckingham Palace, du Pall Mall, en passant par la cathédrale de Saint Paul et de la Tour de Londres, dans laquelle des corbeaux noirs veillent sur les joyaux de la couronne, existe bel et bien comme carte de visite glamour.

Harrods est toujours incontournable pour les portefeuilles bien garnis, et nos amis du Golfe, escortés de leurs femmes dopées par la fièvre acheteuse, exhibent leurs achats comme des trophées, avant de se diriger vers les hôtels de luxe à proximité.

Pour apercevoir le Londres qui pleure, il suffirait de se juger sur la grande roue du Millenium Eye pour avoir une vue plongeante sur les milliers de sans-abri qui vivent sous Waterloo Bridge.

La vision est encore plus effrayante et plonge dans la gêne le voyageur qui vient du continent, bercé par le doux roulis de l’Eurostar, et se voit confronté à une véritable microsociété qui vit dans les marges sous Waterloo Bridge. Ce pont, situé entre Black Friars Bridge et Hungerford Bridge, est une véritable cour des miracles de la déchéance sociale, et vous culpabilisez à vie parce vous venez de payer un café et un rachitique sandwich au fromage pour plus de 18 euros au buffet de la gare.

Les femmes, même moins nombreuses que les hommes, souvent jeunes, mendient et se dirigent avec flair vers la personne qu’elles pensent charitable.

Londres intramuros compte plus de 8 000 sans-abri et le pays 317 000, selon le dernier recensement d’une organisation caritative fiable.

A un jet de pierre du palais de la reine, l’ascenseur social grippé, rouillé, cassé semble définitivement bloqué, non seulement pour ces exclus de la croissance, mais pour tous les derniers de cordée de l’Angleterre d’en bas.

Dans ce Londres où le thermomètre vous transforme en glaçon en hiver, des milliers de personnes sont dans la rue et les mal-logés sont légion. Dans les écoles, les enfants dont les parents ne peuvent fournir un petit-déjeuner ne parviennent pas à maintenir leur attention, et nombre d’écoles organisent une distribution de collations avant le démarrage des cours.

Des centaines de migrants qui ont cru à l’eldorado traînent dans les grands magasins chauffés pour échapper aux morsures du froid, ombres fantomatiques échouées dans cette ville mirage.

Le pays qui a fait de la représentation de sa famille royale un business juteux, fait de royalties et de produits dérivés, et de matraquage médiatique, n’arrive plus, comme aux siècles précédents, à cacher la mort sociale et le désespoir qui frappent les plus fragiles de ses concitoyens.

L’organisation End Child Poverty, en pointe dans la dénonciation de la fracture sociale, recense plus de 720 000 enfants dans le pays issus de familles en grande précarité.

Le spectacle d’enfants défaillants de faim, incapables de suivre une activité pédagogique pour cause de sous-alimentation, a alerté enseignants et société civile. Ceci a été identifié comme relevant de la plus grande urgence sociale.

Comme du temps de Dickens, chômage endémique, réductions drastiques d’aides sociales et déterminisme poussent les familles vers les soupes populaires et les dons alimentaires. Ces générations sacrifiées par le libéralisme, lorsqu’elles vivent à Londres, font partie intégrante du Londres qui pleure et se meurt.

Les happy few peuvent continuer à faire leur cinéma et The Guardian sa dérive vers une presse avilie.

J’observe cette dérive, comme on voit un ami se noyer sans que l’on puisse lui porter secours, avec peine, car je fus un lecteur régulier du Guardian du temps du format écrit et de sa ligne éditoriale de centre gauche.

A.-H.


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