«Un pilote comme celui de l’Iliouchine mérite considération et hommage»



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Dans des situations de crash aérien, la priorité des priorités est la prise en charge des familles des victimes. C’est ce que déclare Fateh Bekhti, vice-président exécutif de la Fédération internationale des associations de contrôleurs aériens, pour la région Moyen-Orient-Afrique du Nord, membre de la Société internationale des enquêteurs incidents et accidents d’avion et contrôleur aérien formateur. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il revient sur «l’acte de bravoure» du pilote de l’Iliouchine, Smaïl Doucène, qui s’est écrasé à Boufarik, et appelle les «pseudo-experts à arrêter de parler de choses qui n’ont aucune relation avec ce qui s’est passé» mercredi dernier. - Après des crashs d’avion comme celui de l’Iliouchine à Boufarik, quelle est en générale la priorité ? D’abord, il faut préciser que les accidents aériens ne sont pas nouveaux. Il y a toujours eu des crashs, que ce soit d’avion militaire ou civil. Par contre, il faut reconnaître que cette épreuve reste très dure à supporter par les familles des victimes qui vivent un véritable drame humain. Ce qui s’est passé juste après le crash de l’avion militaire à Boufarik doit nous interpeller tous. Les familles étaient confrontées à un bombardement d’informations loin de toute réalité. Elles étaient sous le choc et complètement désespérées, dans l’attente d’une nouvelle crédible. Il faut savoir qu’il n’y a pas un secteur aussi réglementé que celui de l’aviation, soumis à de multiples procédures, qui garantissent le maximum de sécurité et qui font, qu’aujourd’hui, l’avion est devenu le moyen de transport le plus sûr. Le nombre d’accidents est très infime comparativement à ceux de la route. Mais il faut garder à l’esprit qu’il n’y a pas de risque zéro. Pour moi, la priorité des priorités après un crash, c’est la prise en charge psychologique des familles. Malheureusement, celles-ci ont dû vivre un double cauchemar avec tout ce qu’elles ont dû entendre et lire. Ce sont elles qui devraient être la première des préoccupations et non pas l’enquête. Les causes de l’accident et les circonstances dans lesquelles  a eu lieu le crash sont l’affaire des experts. Il faut savoir que chacune des 19 annexes de la convention de Chicago, qui régit l’aviation civile, comporte une procédure et des normes, et la 13e concerne l’enquête et toutes les procédures y afférentes. C’est un travail minutieux et de longue haleine. Le chef des investigations est le seul habilité à communiquer sur le crash. Je dis à ces pseudo-experts d’arrêter de spéculer et de dire des choses qui n’ont aucune relation avec ce qui s’est passé à Boufarik. - Vous-voulez dire que les investigations prennent, en général, beaucoup de temps ? Mais bien sûr que l’enquête prend énormément de temps. La commission, qui a été installée pour déterminer les causes du crash de l’avion militaire, est composée de personnes très expérimentées. Ce sont des professionnels qui vont enquêter minutieusement. Cela peut prendre des semaines, des mois, voire des années. Il ne s’agit pas de dire comment l’avion s’est crashé. Ils s’intéressent au détail du détail et vont en profondeur. Juste pour vous donner un exemple. Si moi, en tant qu’enquêteur, je suspecte un problème de câblage, je dois vérifier mètre par mètre les kilomètres de câbles qui existent dans l’appareil, et s’il y a eu étincelle, je dois trouver l’élément qui a provoqué le feu. Alors si l’on suspecte un problème hydraulique, c’est encore plus compliqué. Mais, déjà avec les deux boîtes noires, nous pouvons connaître les dernières discussions dans le cockpit et avec la tour de contrôle, mais aussi tous les paramètres du vol. En tant qu’experts de l’aviation, ils analysent l’état de l’épave, sa trajectoire, discutent même avec les témoins oculaires, font appel à des médecins légistes pour constater l’état des corps, etc. Sur la base de ces premières informations, il y a ce qu’on appelle le rapport préliminaire, qui est en général le constat de ce qui s’est passé, en attendant d’aller en profondeur, pour expliquer les causes et les circonstances. - Est-il vrai que les problèmes techniques qui surgissent lors du décollage d’un avion peuvent être fatals pour un pilote, fût-il le plus expérimenté ? Comme je l’ai déjà expliqué, il n’y a pas de risque zéro dans l’aviation. Raison pour laquelle, les pilotes sont formés pour gérer des situations de crise durant toutes les étapes du vol. Si je vous dis, par exemple, qu’un Boeing 737-800 peut décoller avec un des deux réacteurs à l’arrêt. Nous avons même décollé avec un Airbus 330, qui avait un seul moteur en marche. Les pilotes sont formés de telle sorte qu’ils puissent atteindre l’altitude nécessaire en cas de difficulté. C’est vrai que durant la phase de décollage, avec un des moteurs à l’arrêt, l’appareil devient très difficile à manœuvrer. C’est ce qu’on appelle les incidents sérieux qui arrivent souvent au moment où l’avion prend son envol. Aujourd’hui, même lorsqu’un feu qui se déclare dans le moteur, ce dernier est équipé d’un extincteur automatique que le pilote peut déclencher dès que l’enseigne lumineuse s’allume devant lui. - Mais alors quelles sont les situations les plus difficiles, pour ne pas dire fatales, pour un pilote ? Le décrochage, c'est-à-dire tous les moteurs à l’arrêt. Il y a aussi les situations aggravantes qui viennent se greffer à la panne d’un des moteurs, comme, par exemple, faire face à un système hydraulique qui ne répond pas et qui fait perdre le contrôle de l’avion. Il faut savoir que même les avions de haute technologie, comme le A 380, connaissent des problèmes de moteur en plein vol, mais le pilote a pu s’en sortir. Je ne sais pas si cela se passe de la même manière avec les avions militaires. Seulement, je sais que le pilote de l’Iliouchine, qui s’est écrasé à Boufarik, était dans une situation des plus critiques. Il était à moins 200 mètres et n’arrivait pas à prendre de l’altitude. Cela s’est passé très vite. Durant quelques minutes, il a eu juste le temps de dire à la tour de contrôle qu’il allait s’écraser, mais qu’il ferait tout pour éloigner l’appareil de l’autoroute et des habitations. La trajectoire de l’appareil montre très bien qu’il a évité le pire. C’est un acte héroïque. Nous devons parler de tous ces jeunes, civils ou militaires, qui pilotent quotidiennement et qui gèrent des situations très délicates. Ce sont des professionnels exemplaires. Un pilote comme celui de l’Iliouchine mérite toute la considération et l’hommage. Il y a lieu de sensibiliser les pouvoirs publics sur la nécessité de développer la culture de l’aviation et de vulgariser les risques y afférents. Vous ne pouvez pas imaginer le danger que des personnes inconscientes font prendre aux membres de l’équipage en pointant des rayons laser sur le cockpit. Ils peuvent perdre la vue à cause de ces gestes irresponsables. Il faut que les citoyens sachent ce qu’est l’aviation, ses risques et ses caractéristiques. - Avons-nous un bureau d’enquête sur les accidents aériens ? Malheureusement non. Pourtant ce ne sont pas les compétences qui manquent. Nous avons des experts et des professionnels de très haut niveau. L’aviation est un domaine très réglementé. Chaque acte fait l’objet d’une procédure très spécifique. Un bureau d’enquête permet de renforcer les procédures, changer la réglementation, mais aussi le contrôle, à travers les recommandations qui sanctionnent chaque investigation. Celles-ci nous permettent de nous corriger et de renforcer la position de notre pays. - Si l’on se réfère au nombre de crashs, aussi bien d’avions civils que militaires, peut-on dire que l’Algérie est mal ou bien classée ? Le nombre d’accidents aériens en Algérie est insignifiant par rapport à ailleurs dans le monde. Nous avons d’excellents pilotes, des techniciens de maintenance compétents, des structures de contrôle aérien performantes et des administrations qui sont très à cheval sur les procédures. Tous ces efforts peuvent être optimisés en ayant un centre de sécurité de l’aviation, et aussi en renforçant la situation de l’Entreprise de navigation aérienne. Une enveloppe de 55 millions de dollars a été dégagée par l’Algérie pour moderniser la navigation aérienne. Aucun pays africain ou de la région Moyen-Orient-Afrique du Nord n’a injecté autant d’argent dans la sécurité aérienne. L'Algérie vient de signer un contrat de 50 millions de dollars pour avoir un deuxième centre régional de contrôle aérien, l’acquisition de 5 nouvelles tours de contrôle modernes, etc. Il faut cependant appuyer tout ce dispositif par la formation, ainsi que le recrutement et l’amélioration du niveau de performance. L’Algérie est appelée à multiplier ses destinations domestiques et internationales avec l’arrivée de nouvelles compagnies privées…


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