Les professionnels s’inquiètent…



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Diminution des carnets de commande publique, retards de paiements, bureaucratie inhibante… Les professionnels du secteur du bâtiment et des travaux publics sont sur le fil du rasoir, alors que le secteur, l’un des plus dynamiques de l’économie, s’enfonce dans la crise. «Avant la crise, le secteur du BTP était un marché florissant. On faisait des heures supplémentaires et on travaillait les week-ends. Mais, avec la diminution des marchés publics, nous avons beaucoup souffert. Actuellement, on est en veilleuse», révèle Djamel Eddine Benbrahim, cogérant d’une des filiales du groupe Benbrahim, spécialiste de la production de granulats et de carbonate de calcium, rencontré au Salon Batimatec d’Alger. Seule l’activité de production de carbonate de calcium du groupe familial, basé à Constantine, a été épargnée. «Mais, s’agissant de l’activité des travaux publics et de l’exploitation des carrières, le marché a reculé de manière spectaculaire», s’inquiète-t-il. «L’année 2018 est terminée et je ne pense pas que la situation va s’améliorer. On espère que l’année prochaine sera porteuse de bonnes nouvelles», ajoute notre interlocuteur, sans trop de conviction. A l’instar du groupe Benbrahim, de nombreux professionnels ont aussi été affectés, à des degrés divers. «On a réellement senti un tassement de la demande. Le marché est plus ou mois figé depuis 2016, sauf pour quelques marchés publics importants qui nous permettent encore de tenir. Mais, il est vrai qu’il y a une baisse de la demande. Nous nous maintenons dans le marché grâce aux petits opérateurs qui continuent, bon an mal an, à réaliser des projets. La solution pour nous a été de nous diversifier. Nous ne sommes pas restés sur un seul créneau (le carreau). Nous avons diversifié sur le béton préfabriqué, les dalles extérieures... pour lesquelles une demande continue d’exister», confie Mustapha Lehouidj, directeur de développement d’une entreprise spécialisée dans le fabrication du carreau (carreau du Sahel-Koléa). Selon lui, la solution a priori envisageable en cas de baisse de la demande sur le marché  local est l’export. «Pour notre part, nous avons des ouvertures sur le Sénégal», précise-t-il. L’autre contrainte évoquée par ce responsable est liée aux retards de paiement. «Toutes les entreprises fournisseurs du secteur public subissent des retards de paiement. Dans tous les cahiers des charges que vous retirez, vous avez des clauses qui prévoient des retards de livraison. C’est-à-dire si vous mettez un retard à honorer votre engagement, vous êtes pénalisés. Mais en cas de retard de paiement, il n’y a absolument aucune clause dans les cahiers des charges. Aujourd’hui, il n’ y a pas une seule entreprise fournisseur du secteur public qui est payée avant un délai de six mois et cela va jusqu’à une année, voire plus», dénonce-t-il. Protectionnisme préjudiciable A propos de la politique d’interdiction d’importation de nombreux produits, en vigueur depuis janvier, Mustapha Lehouidj se dit opposé. «Je suis plutôt favorable à une politique de protection. Il aurait fallu augmenter les droits de douane pour les produits importés afin de protéger l’économie nationale comme cela se fait dans tous les pays du monde», explique-t-il. Si l’entreprise pour laquelle il travaille a réussi à tirer son épingle du jeu, lui s’inquiète pour l’avenir du secteur du BTP. «Il faudrait que les responsables se réveillent et pensent à l’avenir des emplois. Si les mesures d’austérité affichées continuent dans ce sens, il y aura beaucoup d’entreprises qui vont fermer», met-il en garde. Comme lui, des opérateurs jugent le dispositif gouvernemental préjudiciable pour l’économie. «Faute d’une concurrence étrangère, un fabricant local ne peut pas progresser. Dois-je rappeler que des opérateurs algériens ont pu développer leurs produits avec l’entrée sur le marché de produits importés. Si on décide de revenir à l’ère de l’économie administrée, on risque de créer des situations de monopole préjudiciables pour l’intérêt des consommateurs», prévient Abdelhamid Mouda, directeur technico-commercial de Midy peinture, en plaidant pour l’institution de taxes pour les produits importés, la mise en place de normes algériennes et le renfoncement des contrôles de qualité. Sur un autre registre, des producteurs locaux de polystyrène dénoncent le blocage du ministère de l’Energie au sujet de l’importation de produits jugés sensibles. «Jusqu’a maintenant, nous n’avons pas d’agrément d’importation de produits sensibles. Depuis 2005, nous renouvelons la demande d’agrément chaque année. Depuis 2015, nous avons obtenu seulement une prolongation de délai. Depuis janvier 2018, notre usine fonctionne uniquement avec notre stock. C’est le 4e dossier que j’ai déposé au ministère de l’Energie pour avoir l’agrément d’importation du polystyrène. L’administration nous a mis des bâtons dans les roues. C’est trop !» fustige Rachid Hamouri, fabricant de polystyrène, implanté à Boumerdès. Des usines ont déjà fermé leurs portes faute d’obtenir ce précieux agrément d’importation, selon lui.  


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