La valse des partenaires étrangers continue



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Une réunion de haut niveau devrait se tenir avant fin juin au siège du ministère de l’Energie, à laquelle devraient prendre part l’ensemble des membres de la commission sectorielle mixte, installée en avril dernier et représentant, au total, sept ministères (Energie, Industrie et Mines, Agriculture, Finances, Intérieur, Ressources en eau, Travaux publics), avons-nous appris de la direction du Groupe public industriel engrais et produits phytosanitaires (Asmidal). L’ordre du jour : tracer une feuille de route pour la mise sur rails officielle du tant attendu projet intégré portant sur la transformation chimique des phosphates. Contrairement aux années précédentes, la partie algérienne aura, cette fois-ci, comme vis-à-vis des Chinois des entreprises Cetic et Wingfu. De ce projet dont le coût s’élève à plus de 10 milliards de dollars est attendue l’augmentation des capacités de production des phosphates à 11 millions de tonnes (MT), contre moins de 1,5 MT actuellement. Mieux, une fois opérationnel, à l’horizon 2020 promet-on, le nouveau complexe industriel intégré qui sera implanté à l’est du pays, plus précisément à Oued El Kebrit, aux limites administratives entre Tébessa et Souk Ahras, et celui de Hdjar Essoud, dans la wilaya de Skikda, l’Algérie sera en mesure de pourvoir le marché international d’au moins 3 MT d’engrais azotés et phosphatés, volume à même de la propulser au rang des leaders mondiaux à l’export. «C’est un projet hautement stratégique pour l’économie nationale. 10 milliards de dollars d’investissements, ce n’est pas rien. Il va nous permettre de nous désengluer de la rente pétrolière, de développer notre agriculture, d’assurer notre sécurité alimentaire et de créer des milliers de postes d’emploi. Nous avons des réserves prouvées et expertisées (2 milliards de tonnes) qui peuvent faire de notre pays un pôle mondial d’exportation de phosphate et ses dérivés», insistait, lors de sa visite d’il y a quelques jours à Annaba, le ministre de l’Energie et des Mines, Youcef Yousfi. En somme, un impact économique non négligeable, se situant, à en croire le ministre, autour d’un million de dollars/an. En attendant, et pour subvenir aux besoins de son agriculture, le pays continuera d’importer pour plus de 600 millions de dollars de dérivés de phosphate. Fortes résistances au projet Minerai jusqu’à l’heure exporté à l’état brut et rapporte quelque 80 dollars/ tonne, alors que ses dérivés reviennent à 800 dollars/tonne, selon les chiffres officiels des Douanes algériennes (port de Annaba). La question que d’aucuns se posent cependant est : contrairement à leurs prédécesseurs, Youcef Yousfi et son collègue de l’Energie, Mustapha Guitouni, réussiront-ils à contourner les fortes résistances sur lesquelles bute, voilà plus d’une décennie, la concrétisation de ce mégaprojet ? Dit autrement, tenir face à ceux que l’aboutissement de l’ambition des pouvoirs publics semble incommoder au plus haut point. Car ce que leur rapportent l’exportation du phosphate à l’état brut et l’importation d’engrais est loin d’être négligeable. Sinon, comment peuvent s’expliquer les tergiversations persistantes à doter le pays de sa propre industrie agrochimique, alors que toutes les conditions sont réunies pour en faire un grand exportateur de produits hautement rémunérateurs ? En tout cas, s’il est quelqu’un qui sait où se situe le blocage, c’est bien Ahmed Ouyahia. N’est-ce pas lui qui croyait dur comme fer à la matérialisation du projet, tel qu’ écrit dans une correspondance adressée fin octobre 2008 aux ex-dirigeants de feu Ferphos Group, lorsqu’il tenait les rênes du gouvernement : «…Avec sa réalisation, l’Etat entend injecter une industrialisation dans une région qui a perdu la quasi-totalité de ses installations industrielles des années 70’, y créer des emplois directs et indirects, générer une synergie de développement au niveau de toute la région du nord-est du pays et enfin fournir à l’agriculture du pays un surcroît d’engrais nécessaire à sa modernisation». En effet, se souvient-on encore à Ferphos-Group, «il existe une résolution du CPE en vertu de laquelle le projet devait officiellement être concrétisé. En 2007, nous avions obtenu l’accord du CPE pour le lancement du projet avec le pakistanais Engro, en association avec des Japonais et des Koweitiens à Bouchegouf (Guelma). Une joint-venture a même été créée entre Sonatrach/Ferphos (51%) et Engro (49%). Le chef du gouvernement d’alors (Ahmed Ouyahia) avait saisi officiellement les ministères de l’Intérieur, de l’Agriculture, le wali de Guelma et le DG des Forêts d’alors, leur ordonnant de mettre le terrain à la disposition du projet. Il fallait une procédure de déclassement du terrain (950 hectares) qui était du ressort exclusif du gouvernement». En 2012 déjà, tiennent-ils à rappeler, date initiale d’entrée en production de l’ensemble des lignes, trois unités de quelque 4500 tonnes/jour d’acide sulfurique, 1500t/j d’acide phosphorique et 3000 t/j de produits intermédiaires entrant dans le processus de fabrication de l’ammoniac, prévues, dont les coûts d’investissement étaient d’à peine un milliard de dollars, notre pays était en mesure de placer plus de 2 millions de tonnes d’engrais sur le marché extérieur. Capacités qui devaient générer une manne se chiffrant en centaines de millions de dollars/an et concourir de manière significative à la diversification des exportations hors hydrocarbures ainsi qu’à la sécurisation des besoins de l’agriculture nationale en engrais, 300 000 à 400 000 tonnes/an. Nous sommes en juin 2018 et pas l’ombre d’un pas n’a été franchi dans cette perspective. Bien au contraire, on continue de naviguer à vue, puisque la valse des ‘‘partenaires’’ étrangers se poursuit, comme en témoigne notamment l’exemple suivant : «Bien que les accords aient été signés avec nos partenaires algériens en juillet 2016, pour l’instant, nous attendons de voir comment vont évoluer les choses. Nous n’avons rien d’officiel et de concret à vous annoncer à propos du grand projet algéro-indonésien portant sur la mise sur pied entre les wilayas de Souk Ahras, Skikda et Tébessa d’une plateforme pétrochimique qui sera spécialisée dans l’exploitation et la transformation de phosphates», s’inquiétait, depuis Annaba où elle était en visite, il y a exactement une année, Safira Machrusah, ambassadrice de la République d’Indonésie en Algérie. Or, le gouvernement finira par classer les accords conclus avec le leader Indorama, déjà présent en Afrique à travers ses usines du Sénégal et du Nigeria, et optera pour les Chinois. Et, aujourd’hui que l’ambition algérienne a grossi davantage, les capacités théoriques dont devaient initialement être dotées les trois unités à mettre sur pied, à savoir plus de 4500 tonnes/jour d’acide sulfurique, 1500t/j d’acide phosphorique et de 3000 t/j de produits intermédiaires entrant dans le processus de fabrication de l’ammoniac, nécessitant la transformation jusqu’à 05 MT de phosphates, sont appelées à doubler. Idem pour les investissements, de 1 milliard de dollars en 2007, puis 5,7 milliards en 2016, ils sont passés à presque le double, soit 10 milliards en 2018. Tergiversations C’est dire qu’au fil des années, des rebondissements et des déconvenues, ce projet en a connus plus d’un. Délocalisé d’une wilaya à une autre, Jijel, Tébessa, Annaba puis Guelma, il aura d’abord parcouru un long et laborieux périple avant d’élire domicile à Oued Kebrit, entre El Aouinet, à une soixantaine de km au nord de la wilaya de Tébessa, et la wilaya de Souk Ahras. Aussi, outre les atermoiements interminables, c’est une valse de partenaires issus d’horizons divers dont il sera marqué depuis son élaboration voilà plus d’une décennie, à l’initiative de l’ancienne équipe dirigeante du défunt Ferphos Group (dissous en 2015). Et, avant l’arrivée en juillet 2016 de l’indonésien Indorama, les Algériens s’étaient associés avec les Qataris (Groupe Qatar Petroleum International (QPI). Toutefois, au printemps 2015, la puissante compagnie intervenant dans l’industrie pétrochimique et pétrolière avait précipitamment décidé de se retirer du projet Oued Kebrit pour de prétendues raisons internes, «une profonde opération de restructuration et de réorganisation et la révision de la stratégie d’investissement à l’étranger». Or, en réalité, les motivations seraient d’une tout autre nature. Certaines sources pensent que «le départ de QPI était curieusement intervenu environ une année après que le Norvégien Yara, son allié traditionnel, s’en fut séparé. Sans son principal partenaire Yara, QPI était persuadé qu’il lui était techniquement et technologiquement quasiment impossible de s’engager, en solo, dans un projet de l’envergure d’Oued Keberit. La perte d’un partenaire de la taille de Yara (il est présent dans 50 pays, dispose d’un savoir-faire technologique mondialement reconnu, trône sur les marchés mondiaux du négoce et du fret d’engrais avec 440 000t/an de capacités de transport) auraient découragé QPI à s’engager dans la filière agrochimique en Algérie». D’autres sources imputent le retrait des Qataris, au même titre que les Pakistanais d’Engro, aux nôtres : «Vu tous les problèmes et toutes les difficultés insurmontables auxquels ils s’étaient heurtés, les Qataris, comme les Pakistanais, ont, en quelque sorte, été poussés à se désengager du projet et des dessous de table, des dizaines de milliers de dollars, qu’ils avaient du verser à leurs vis-à-vis algériens qui se reconnaîtront. Si je parle de ces deux Groupes en particulier, car il y en a eu d’autres, c’est parce qu’ils sont les seuls avec lesquels des JV avaient été officiellement créées. Aux autres ex et nouveaux partenaires, l’Algérie, à travers les groupes industriels publics Asmidal, Manal (Manajim El Djazaïr), y est liée par de simples MoU -Memorandum of understanding- (protocoles d’accord)», nous a-t-on révélé. Mieux, après le départ de QPI, et sous la pression des plus hautes autorités du pays, la crise financière commençait à pointer du nez, l’ancien ministre de l’Industrie, Abdesslam Bouchouareb, devait mettre en branle ses réseaux de contacts personnels aux fins de dénicher un autre partenaire potentiel. Avaient alors été sollicités, fin 2015, le français Roullier, leader européen de l’agrochimie, de l’agroalimentaire ainsi que des technologies marines, puis le puissant Groupe russe EuroChem, qui figure dans le Top 5 des producteurs mondiaux d’engrais et dont est propriétaire l’oligarque Andrey Melnichenko. Echaudé par «les expériences malheureuses vécues par Engro et QPI», EuroChem aurait décliné l’offre algérienne, ont indiqué nos sources. Ne sachant plus à quel saint européen se vouer, Bouchouareb s’était tourné vers l’Asie, trois nouveaux accords signés, l’été 2016, avec l’indonésien Indorama. Les deux parties conviendront alors de la création d’une société minière entre le Groupe et Manal pour l’exploitation du gisement de phosphates de Bled El Hedba à Bir El Ater, dans la wilaya de Tébessa. Toujours avec ce même ex-partenaire, il était question de monter une autre société exclusivement dédiée à la transformation de phosphates en acide phosphorique et phosphate de diammonium au niveau des deux sites industriels projetés à Oued Kebarit et Hdjar Essoud (Skikda). Annoncé pour le 2e trimestre de 2017, le démarrage des lignes de production devait générer un chiffre d’affaires d’au moins 1,7 milliard de dollars/an. Et ce, outre les «600 millions de dollars/an attendus de l’exploitation d’un autre site industriel appelé à produire dès 2017 des engrais à partir du gaz naturel, dans le cadre d’une coentreprise associant Indorama, Asmidal et l’Office national des explosifs (Onex)», se réjouissait-on. Alors que les Indonésiens étaient en attente d’un quelconque signe de la part de leurs interlocuteurs algériens pour lancer les chantiers, un nouvel accord sera scellé, mi-février 2017, entre le couple Manal-Asmidal et le saoudien Radyolla. Trois contrats distincts portant sur la valorisation, l’exploitation, la transformation et la commercialisation des phosphates pour 15 milliards de dollars d’investissements, soit près du triple et 14 fois plus que ce qui a été convenu au départ avec Engro, puis avec Indorama. C’est, une fois encore, peine perdue. «Je peux vous dire qu’avec l’approche actuelle, il faudra attendre 2030 ou au-delà pour parvenir à concrétiser le projet. Bien que le dernier partenaire, le saoudien Radyolla se soit engagé à se conformer au contenu du protocole d’accord le liant à notre pays, en réaction à la polémique d’il y a quelques jours consécutive aux informations relayées en sa défaveur par les médias nationaux, la transformation des phosphates en Algérie n’est pas près de se réaliser. Qu’on arrête de mentir. Avons-nous les infrastructures portuaires, la logistique, le rail qu’exige le traitement, aussi bien à l’import qu’à l’export, de dizaines de millions de tonnes de produits brut ou transformés, pour ne citer que ces de contraintes ?», s’interrogeait, en juin 2017, un ex-haut cadre dirigeant de Somiphos Tébessa. Moins d’un an après, tous ces obstacles ont, on ne sait par quel miracle, soudainement disparu, puisque la mise en service du complexe devrait être effective dans moins de deux ans (2020).  


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