La destination Algérie manque toujours d’attractivité



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Avec l’été, une période propice au congé annuel, la question des vacances et du budget mobilisé à cet effet fait débat au sein des familles ou entre amis. Si pour certains, tout est déjà planifié, puisque s’offrir des vacances à l’étranger avec toutes les nouvelles destinations que proposent les agences de voyages est chose aisée, pour beaucoup d’autres, même à l’intérieur du pays, difficile de trouver la destination idoine alliant finances et disponibilité de l’offre.

Les raisons sont bien connues. Il y a d’abord la faiblesse du pouvoir d’achat qui ne permet pas aux familles d’économiser ne serait-ce qu’une petite somme symbolique lui permettant de passer une semaine au bord de l’eau.

Un séjour dont le coût varie d’une région à une autre et selon le lieu choisi pour l’hébergement. Globalement, les tarifs appliqués sont loin d’être à la portée des petites bourses. Mais aussi loin de la qualité du produit offert sur place.

Dans le cas où les difficultés financières ne se posent pas, c’est l’offre qui fait défaut. C’est justement le cœur du problème. Certes, la nature a gâté l’Algérie en paysages et sites paradisiaques, cependant le savoir-faire dans un secteur, qui pourrait pourtant contribuer à développer l’économie hors hydrocarbures notamment en cette période de vaches maigres, n’est pas au rendez-vous.

Ce qui réduit la qualité des prestations fournies. Sinon, comment expliquer la situation qui prévaut dans nos stations balnéaires et nos complexes touristiques qui n’arrivent toujours pas à changer de visage faisant fuir un potentiel important de vacanciers notamment en cette période estivale où la demande est des plus importantes. Mais sans pour autant trouver en parallèle d’offres satisfaisantes.

«A chaque fois que l’été arrive, la grande question se pose : «Quelle destination et à quel prix  ?  », nous confie un père de famille pour qui il devient de plus en plus difficile de planifier ses vacances d’abord faute de moyens financiers mais aussi par manque d’infrastructures d’accueils adéquates.

«Il ne suffit pas d’avoir 1200 kilomètres de côte pour dire que nous pouvons faire du tourisme, faudrait-il assurer les conditions nécessaires pour pousser les Algériens à découvrir leur propre pays. Or, ce n’est pas le cas», poursuit notre interlocuteur.

Des richesses inexploitées

En effet, le travail à faire pour améliorer l’attractivité de l’Algérie dans ce secteur est colossal. Il implique tous les secteurs. L’expert en développement touristique, Saïd Boukhelifa le dira d’ailleurs dans une contribution à El Watan. «Afin que la situation s’améliore à moyen et long terme, graduellement, il faudrait une mise en tourisme de chaque wilaya côtière.

Cela impliquerait durant toute l’année, les directions de tourisme de wilaya du tourisme et celles de la culture, des transports, de la communication des collectivités locales (DRAG), de l’éducation (pédagogie touristique), des offices locaux de tourisme».

Et d’enchaîner : «Il faudrait aussi beaucoup de moyens financiers et logistiques aux communes auxquelles il faudrait faire restituer leurs prérogatives importantes retirées qui les ont démotivées.

Les wilayas, daïras, communes côtières gagneraient à réapprendre le tourisme et ses retombées financières et sociales. Car dans leur majorité, elles ont désappris depuis très longtemps à faire des activités liées au tourisme ,attractives et attrayantes.

Elles ne savent pas communiquer et faire la promotion de leur ville et de leur région». C’est le cas justement de nombreuses localités qui recèlent d’importantes richesses sur le plan touristique mais n’arrivent pas à sortir de l’anonymat faute d’implication directe et de continuité. Même le tourisme est traité de manière conjoncturelle.

A chaque la saison estivale, l’on multiplie l’annonce des mesures et l’on donne des instructions sans suivi alors que l’Algérie a la possibilité de travailler le secteur tout au long de l’année contrairement à d’autres pays. La problématique de la gratuité des plages et des concessions illustre parfaitement cette situation.

L’accent est mis sur l’impératif d’appliquer la loi sur l’accès gratuit aux plages. Une loi vite bafouée par des acteurs étrangers au secteur qui profitent souvent de la complicité des collectivités locales.

Ce qui s’est passé à Jijel au début de l’été quand les gendarmes ont pris d’assaut les plages pour les «libérer» des pseudo-concessionnaires montre aussi cette difficulté à appliquer les lois.

Les loueurs de parasols et autres équipements balnéaires ont réagi violemment à cette sortie. «Nous sommes l’un des rares pays à pouvoir travailler le produit touristique tout au long de l’année.

Nous avons le tourisme de montagne, le Sahara, le tourisme thermal et le balnéaire alors que nous focalisons uniquement sur certains segments sans réussir à les développer», fera remarquer pour sa part un autre spécialiste du secteur.

Sinon comment expliquer le fait que les deux milliers d’estivants qui aspirent chaque année à passer leurs vacances au bord de l’eau ne trouvent pas de structures d’accueil ?

«En plus de l’état hideux de nos plages, les conditions de prise en charge dans les stations balnéaires sont loin d’être satisfaisantes avec des tarifs exorbitants», regrette une mère de famille avant de nous confier. «Pour fuir le rush sur la côte, depuis six ans, je prends la direction de la montagne chaque été avec ma petite famille pour des moments d’évasion dans le Djurdjura».

Un séjour d’une semaine qui coûte en moyenne 100 000 DA pour une famille de quatre à cinq personnes en demi-pension au Centre national des sports et loisirs de Tikjda (CNLST). Là aussi, ce n’est pas donné. «Mais, au moins, je gagne le calme et je m’éloigne du vacarme estival de la côte», reconnaît cette maman.

L’informel s’impose

Pour la même somme, il y a la possibilité de louer mais de manière informelle une maison au bord de l’eau dans l’une des quatorze wilayas côtières pour quelques jours. Avec des tarifs qui oscillent entre 4500 et 12000 DA, dix nuitées coûteraient au final entre 45 000 et 120 000 DA.

Ce qui fait une entrée d’argent de moyenne de 200 000 DA par mois pour les propriétaires. Du côté des locataires, les dépenses ne s’arrêtent pas à ce niveau. Il faudrait en effet compter les frais de déplacements, la restauration et autres avec tous les risques qu’encourent les locataires occasionnels.

Ces derniers font le bonheur des habitants des régions côtières qui font tout pour profiter de cette aubaine. Le phénomène en vogue depuis plusieurs années ne fait que prendre de l’ampleur. Les annonces pullulent d’ailleurs sur les réseaux sociaux. «J’ai pu trouver un F2 sur Facebook pour une semaine de vacances à raison de 6500 DA la nuitée.

Je suis rentrée en contact avec le propriétaire et tout s’est fait rapidement», nous confie une autre mère de famille qui n’est pas déçue par cette affaire. Mais ce n’est pas toujours le satisfecit du côté des estivants. Une fois sur place, les mauvaises surprises ne manquent.

Des surprises pourtant «évitables» si la formule d’hébergement touristique «chez l’habitant» encadrée depuis 2012 par une circulaire ministérielle est appliquée. Ce sont là les conséquences du déséquilibre flagrant entre l’offre très insuffisante et une demande trop forte. Et ce d’autant que d’un côté, les hôteliers, privés abusent de la spéculation tarifaire, tout en fournissant en contrepartie de faibles prestations, alors que le public qui prend également cher tarde à se moderniser.

«Avec les tarifs appliqués dans les complexes publics et les quelques sites touristiques privés, difficile de répondre aux attentes des estivants qui sont souvent limités en terme de budget», nous expliquera à ce sujet une gérante d’une agence de voyages à Alger. D’où le rush vers d’autres destinations.

«Entre un séjour d’une semaine en Tunisie à 20 000 DA et un autre à Aïn Témouchent à 30 000 DA, je préfère aller chez nos voisins», avoue une enseignante. Une comparaison que font bon nombre d’Algériens avant de choisir leurs destinations. Il faut dire en effet que la différence est importante dans plusieurs cas.

Il a même été proposé de faire une étude à ce sujet pour trouver les solutions adéquates et régler cette question des tarifs. C’est du moins ce qu’a suggéré le directeur du tourisme de la wilaya d’Alger, Nourredine Mansour, qui s’est engagé à faire de la capitale une «destination touristique par excellence».

Mais faudrait-il y travailler. Car, pour l’heure, peu d’efforts sont faits pour maintenir le touriste algérien chez lui. Les chiffres du Syndicat national des agences de voyages (SNAV) le montrent. 300 agences de voyages seulement sur les 2000 recensées font la promotion du tourisme interne.

Déficit criant

De son côté, le groupe Hôtellerie, tourisme et thermalisme (HTT), qui dispose d’une capacité d’accueil de 35 000 lits, applique depuis quelques années des réductions allant de 30 à 40% dans les complexes publics tout simplement parce qu’ils sont boudés par les estivants. Ils n’attirent plus avec la dégradation des lieux.

D’où le programme de réhabilitation qui touchera, selon le PDG du groupe HTT, Lazhar Bounafaa, 72 hôtels en 2019. Une opération qui a enregistré du retard avec des écarts dans le taux de réalisation Le ministre en charge du secteur n’a pas manqué de le reconnaître et s’engagent à régler le problème à travers la mise en place d’une commission nationale de suivi de la réalisation des projets hôteliers.

Et annonçant que 7000 nouveaux lits seront prochainement réceptionnés. Mais le déficit est beaucoup plus important. Les chiffres rendus publics à ce sujet font part d’un manque de 150 000 lits. Une lacune qui s’ajoute à bien d’autres, notamment le niveau d’encadrement et les conditions d’accueil des touristes.

Autant d’éléments qui montrent que tout est à faire pour construire le tourisme interne.


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