«Le gap entre les taux de change officiel et parallèle risque de s’élargir»



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– Comment analysez-vous la gestion actuelle de la parité du dinar par la Banque d’Algérie ?

L’une des prérogatives de la Banque d’Algérie est de gérer les fluctuations de la monnaie nationale par rapport aux devises des  pays avec lesquels l’Algérie entretient d’étroites relations de paiements, principalement le dollar américain et l’euro, dans le cadre du régime de change en vigueur dans le pays.

Des ajustements sont effectués chaque  semaine à travers la publication des cours des principales monnaies sur le marché interbancaire des changes d’Alger.

Les banques commerciales en tant que bureaux de change agréés par la Banque d’Algérie répercutent ces cours sur leur clientèle, notamment sur  les opérations du commerce extérieur ainsi que l’allocation touristique.

La conjoncture à l’international ces dernières semaines fait ressortir l’affaiblissement de la monnaie unique européenne par rapport au dollar américain.

Toute fluctuation de  ce couple de monnaies (euro/dollar) se répercute immédiatement sur la valeur du dinar pour la simple raison que les exportations algériennes constituées essentiellement d’hydrocarbures sont libellées exclusivement en dollar et que par ailleurs les importations sont facturées à hauteur de 60% en euro du fait des achats qui sont faits auprès des pays de l’Union européenne.

C’est ce qui justifie, à notre avis, les deux derniers changements du cours du dinar qui sont affichés. Le dollar s’est établi, dans un premier temps, à 118,14 et à partir de demain (20 août), il passera à 119,11.

Par contre, l’euro affiche un léger recul, allant de 137,05 à 135,53. Tant que la fluctuation sensible entre le dollar et l’euro continue, la Banque d’Algérie apportera les ajustements nécessaires. C’est toujours comme ça !

– Quelles conséquences induit la dépréciation du dinar sur l’économie nationale et la sphère productive locale ?

En conséquence à ces ajustements récents, les opérateurs économiques dont les achats sont facturés en dollar vont les payer plus chers par rapport à ceux qui se font en euro.  A l’inverse, les exportations libellées en dollar sont favorisées par cette conjoncture.

La dépréciation du dinar par rapport au dollar aura donc un effet réduit sur l’économie nationale pour le moment.

Cependant, s’il y a lieu d’anticiper et d’agir sur les comportements des importateurs, ceux par exemple dont les achats sont libellés en dollar mais les fournisseurs étant des entreprises turques vont bénéficier de prix bas à cause de l’effondrement de la livre turque. Affaire à suivre !

– La politique de change en vigueur, basée sur une logique de flottement dirigé, est-elle cohérente et efficace ?

Le régime de change suivi et déclaré au FMI est le flottement dirigé de la monnaie nationale par rapport aux devises étrangères cotées officiellement auprès de la Banque d’Algérie. Ce régime est celui qui correspond à la nature de l’économie algérienne mono-exportatrice et non diversifiée.

Le dinar reste convertible uniquement sur les opérations courantes (biens et services et transferts unilatéraux). Les opérations en capital sont toujours contrôlées par l’Etat, la convertibilité totale n’existant pas.

Sur un autre plan, la Banque d’Algérie se préoccupe beaucoup plus à stabiliser le taux de change effectif réel (TCER) pour qu’il ne soit ni surévalué ni sous-évalué afin de préserver le pouvoir d’achat de l’Algérie par rapport à ses partenaires commerciaux étrangers.

– Le marché parallèle des devises peut-il être éradiqué sans un alignement des taux de change formel et informel ?

Le marché parallèle des devises est toléré par les pouvoirs publics dans la mesure où ils sont incapables d’assumer objectivement une convertibilité totale du dinar. Le gap entre les deux taux de change risque de s’approfondir du fait que le dinar reste encore surévalué par rapport au couple euro/dollar.

Si des réformes sont entreprises dans ce sens, il serait difficile d’éradiquer ce marché parallèle dans la mesure où l’offre de devise n’est pas maîtrisée (émigrations, retraités, effets de la surfacturation dans le commerce extérieur…) d’une part, et que la demande de devises émane également de certains agents économiques dont les pratiques échappent à la logique du système bancaire (fuite de capitaux, importations frauduleuses, etc.) d’autre part.

L’unique solution reste la convertibilité totale du dinar. Mais en l’absence d’une diversification de l’économie, le changement dans la politique de change reste aléatoire, même si des outils existent pour des améliorations. 


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