Le gouvernement et sa logique d’étouffement de la presse



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En plus des pressions qu’elles subissent, entre autres le tarissement politique de la publicité, les entreprises de presse risquent de voir encore leurs revenus publicitaires abaissés.

Une disposition dans la première mouture de l’avant-projet de loi de finances 2019 prévoit «le plafonnement du seuil à partir duquel les dépenses de promotion et de publicité des produits sont déductibles du plan fiscal (2,5% du chiffre d’affaires)». C’est ce que le gouvernement a trouvé de mieux, sous prétexte de l’austérité, pour étrangler encore plus les médias. Le politique impose toujours ses propres règles au secteur économique.

Il est vrai que le marché publicitaire est en baisse depuis le début de la crise financière dans le pays, mais cela n’explique pas pour autant le désir du gouvernement de réduire les budgets publicitaires des entreprises auxquelles revient, en théorie, la décision de fixer elles-mêmes leurs plans marketing.

Il ne faut pas s’étonner de sa volonté de contrôler, voire asphyxier les médias, puisqu’il les a déjà mis depuis des années dans l’obligation de passer par l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP). Pourquoi plafonner le budget de la publicité si ce n’est pour tarir les revenus provenant de la communication publicitaire ? Pourtant il y a même des secteurs d’activité qui ne peuvent en aucun cas s’en passer, en cela que la vente de leurs produits en dépend essentiellement. C’est le cas, entre autres, des opérateurs de téléphonie mobile, des concessionnaires automobiles, des industries de l’agroalimentaire, de l’électronique et de l’électroménager.

Si elle venait à être adoptée, la disposition du gouvernement ne pourrait qu’affaiblir les entreprises de presse déjà mises en difficulté par la crise économique qui est une réalité dans le pays. Le marché, qui avait atteint le pic des investissements publicitaires en 2013 avec un montant de 160,7 millions d’euros, selon une étude de l’agence Media & Survey sur les investissements publicitaires en Algérie (2009-2013) dans la presse, la télévision, la radio et les affiches (El Watan du 4 mai 2015), a commencé à connaître une tendance baissière depuis 2014 pour atteindre le fond en 2015 et 2016.

A lui seul, le volume de la publicité publique a baissé de 65% entre 2015 et 2016, selon des informations officielles. Dans le secteur de l’automobile, il a perdu 80% de son chiffre d’affaires en 2016, soit une baisse à moins de 200 millions de dinars seulement contre près d’un milliard de dinars durant l’année 2015. Evalué à 200 millions de dollars, selon le ministère de la Communication – d’autres sources parlent de 350 millions de dollars –, le marché de la publicité, visiblement en crise, se dirige droit dans une nouvelle zone de turbulences qui sera forcément aggravée par l’usage politique qu’en fait le gouvernement.

Ce sera un fardeau de plus sur les épaules d’un secteur qui souffre déjà du lourd poids de la fiscalité. C’est le secteur le plus fiscalisé de l’économie nationale. En plus des pressions exercées sur les annonceurs, la machine fiscale et parafiscale se déroule comme un rouleau compresseur contre les médias, du moins certains d’entre eux. Une batterie d’impôts l’étouffant jusqu’à l’asphyxie. Selon des informations publiées par El Watan (édition du 3 mai 2018), la publicité provenant de sociétés étrangères établies en Algérie est soumise à une TVA de 29%, 10% de plus que la norme nationale, qui est de 19% depuis janvier 2017.

Les journaux payent aussi 2% de leur chiffre d’affaires en guise de taxe sur l’activité professionnelle (TAP). Une autre taxe de 2% est destinée à la formation professionnelle. 2% pour la formation, 1% versé au Trésor pour financer l’art et le cinéma. Pas seulement, les entreprises de presse paient 26% d’impôt sur le bénéfice de la société et 10% sur les bénéfices distribués.

La parafiscalité vient pour compliquer leur situation financière. 35% de la masse salariale brute va à la Caisse nationale d’assurances sociales (CNAS) ; 9% sont à la charge de l’employé et 26% à la charge de l’employeur. Quelle est l’entreprise qui peut survivre à ce matraquage fiscal ? 


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