Les enjeux d’un débat socio-politique

Islam de France ou islam en France



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l Un colloque sur «L’islam en France : bilan et perspectives» s’est tenu vendredi 21 septembre au Sénat, à l’initiative du Conseil français du culte musulman et de deux sénateurs, André Reichardt (Bas-Rhin) et Nathalie Goulet (Orne), corapporteurs de la mission d’information sénatoriale sur l’organisation de l’islam en France (juillet 2016).

Pressés d’une part par les pouvoirs publics, décriés par leur base, les responsables du CFCM montent au créneau. Alors que le président Macron doit dans les prochaines semaines faire des annonces – «reportées au «premier semestre 2019», selon le bureau central des cultes du ministère de l’Intérieur – sur l’organisation de l’islam en France, le CFCM, pour ne pas être doublé, veut peser sur le sujet qui revient sur la scène publique en annonçant les futures réformes du Conseil du culte musulman sur lesquelles ses membres travaillent. S’en tenant à l’expression d’«islam en France» le CFCM récuse l’idée d’un «islam de France» qui a la faveur du chef de l’Etat français et qui est préconisé par le rapport de l’Institut Montaigne (rendu public courant septembre).

Critiqué par le CFCM, ce rapport est qualifié par Abdallah Zekri, vice-président d’«insulte» à la religion musulmane, lui reprochant d’aborder la question de l’islamisme sous l’angle de l’islamisme et du radicalisme.

Au programme de ce colloque, deux tables rondes traitant respectivement du contexte et de l’état des lieux (place des musulmans dans la société française, vision de l’Observatoire de l’islamophobie du CFCM, des tentatives de l’organisation du culte musulman jusqu’aux Assises territoriales de l’islam de France). La deuxième table ronde a été consacrée aux orientations et perspectives (laïcité, séparation de l’Etat et des cultes, libre exercice de la pratique religieuse ; le financement du culte musulman en France  : présentation de l’AFSCM ; la formation des personnels religieux  ; la juste place au sein de la société française de l’expression musulmane, son rayonnement et sa mise en valeur comme éléments de la richesse du patrimoine commun français.

Les dirigeants du CFCM ont fait valoir que l’organisation du culte revient aux musulmans eux-mêmes et que l’Etat français ne fait que les accompagner dans cette tâche. Avec son franc-parler Abdallah Zekri insiste : «Ce n’est pas au ministère de l’Intérieur de nous organiser, ce n’est pas l’Etat qui doit nous dire comment nous organiser.» «L’islam est une religion révélée au même titre que le judaïsme et le christianisme» et «il n’y a pas d’islam de France, il y a l’islam». L’Etat ne s’ingère pas mais accompagne une structuration de l’islam en France, a indiqué le représentant du bureau des cultes du ministère de l’Intérieur.

Nathalie Goulet, sénatrice UDI, souligne que «c’est un colloque qui arrive à point nommé. A mon sens il appartient aux musulmans de s’organiser eux-mêmes». Et «les musulmans ont toute leur place dans la République française».

«Il nous paraît indispensable que le CFCM s’ouvre aux jeunes, aux femmes, aux intellectuels», a relevé pour sa part le sénateur LR André Reichardt, avant de noter qu’«un programme commun des institutions qui forment des imams est un autre point fort» et que «nous appelons de nos vœux une association musulmane transparente pour assurer le financement du culte dans le respect de la laïcité». Des questions centrales au cœur de l’organisation du culte musulman.

L’actuel président du CFCM, le Turc Ahmet Ogras, a plaidé pour une feuille de route «claire», «partagée par tous», et de relever un certain nombre de problèmes auxquels se heurte la gestion et la pratique de l’islam en France, sa perception dans la société française, et de regretter l’amalgame qui est fait entre l’islamisme et l’islam. «Lorsqu’un attentat est commis, les mosquées sont pointées du doigt, alors qu’on omet de relever leur apport sur le vivre-ensemble». Et aussi «nous avons besoin de vrais experts pour faire le bon diagnostic et faire des propositions. Les premiers concernés, les musulmans, sont consultés en dernier».

Le président du CFCM relève un «deux poids, deux mesures», un «silence politique et médiatique» sur les actes anti-musulmans, un «emballement» autour de l’islam. «Nous avons besoin de sérénité pour une réflexion de fond.» Il observe également que «ce sujet ne doit pas être un ascenseur politique pour certains, ni un objet de repli sur soi, ni de buzz». «Certains veulent contrôler notre religion alors que c’est contraire au principe de laïcité de gérer l’islam à la place des musulmans.» «Les musulmans ont leurs propres échéances, ils ne sont pas obligés d’obéir à quelque autre calendrier.»

Aussi, «nous devons redoubler d’efforts pour mieux nous organiser et améliorer la qualité de nos actions». «Le CFCM a montré son utilité, il a entamé sa propre réforme.» Ahmet Ogras annonce que fin 2018 un projet de réforme sera finalisé pour être appliqué en 2019. S’agissant de la question du financement du culte, il rappelle que les statuts d’une fondation pour ce faire ont été déposés en préfecture en juillet dernier.

«Nous avons une place légale mais invisible et contestée»

«Les musulmans sont en France depuis longtemps, n’en déplaise aux contempteurs de l’islam», a rappelé Chems Eddine Hafiz, vice-président du CFCM. «On semble oublier que le sang des musulmans a coulé pour que vive la France. L’islam a sa place en France, c’est une évidence, nous sommes citoyens de ce pays. On aimerait nous confiner au bas de l’échelle sociale. Nous avons une existence légale mais invisible et contestée.» «Les musulmans, devenus des victimes expiatoires, sont responsables de tout.» «Nous sommes pratiquants et nous n’avons à aucun moment enfreint la loi».

«Je le dis avec force, l’islam est une religion qui peut se conformer avec les lois de la République.» «C’est de notre responsabilité d’aller vers les non-musulmans pour expliquer notre religion, il faut que nous fassions œuvre de pédagogie.» Chems Eddine Hafiz est ensuite revenu sur le long processus qui a conduit à la création du CFCM pour préciser ensuite que «le CFCM ne représente pas les musulmans de France, c’est un simple gestionnaire de lieux de culte. C’est cela son rôle, celui de permettre aux musulmans de pratiquer leur religion dans des conditions dignes».

Frédéric Lallier, chargé de mission au bureau des cultes du ministère de l’Intérieur) a abordé le sujet des «assises territoriales» voulues par le ministre de l’Intérieur et qui se sont tenues durant la première quinzaine de septembre au niveau préfectoral autour de trois lignes forces : gouvernance, formation et financement du culte musulman. Précisant que «le dialogue entre l’Etat et le culte n’est ni de l’ingérence ni contraire au principe de laïcité», Frédéric Lallier a toutefois affirmé que «l’Etat est en droit d’initier, d’organiser ce dialogue». Pour rappeler que la première initiative en ce sens remonte à 1989, avec le Corif, par Pierre Joxe, alors ministre de l’Intérieur. «L’Etat demande un interlocuteur unique, inclusif, représentatif et crédible. C’est au culte musulman de répondre à cette demande.»

Les assises s’inscrivent dans «la continuité et par souci de proximité avec le terrain» pour faire émerger une «instance représentative» du culte musulman, a-t-il ajouté avant de souligner que le président Macron a défini trois objectifs pour l’organisation de l’islam en France en juin 2017: «Exercice serein du culte» ; «Volonté de mener avec les institutions musulmanes un combat contre le fanatisme et le repli» ; «Volonté d’aider à la formation de cadres religieux dans le respect des valeurs de la République en France».

Un bilan partiel des assises territoriales fait ressortir la focalisation des échanges sur les thèmes suivants: Gouvernance, représentation locale, transparence du financement et probité, ouverture du CFCM à la communauté musulmane dans toutes ses composantes, particulièrement aux femmes, aux jeunes et aux convertis… Un consensus s’est dégagé pour une représentation issue du terrain pour un dialogue régulier et pragmatique.

S’agissant du financement, une préoccupation centrale, deux sources sont proposées : outre les dons de fidèles, un label halal et une contribution des hadjis. En matière de formation profane, 25 diplômes sont agréés dans la formation d’aumôniers pour un enseignement de 120 heures. L’offre académique pour la formation théologique est jugée insuffisante. L’idée d’un cursus complet dans quelques universités a été émise. La formation à l’imamat dans les huit instituts existants gagnerait à être homogénéisée.

Chem Eddine Hafiz rappelle que dans le projet de réforme du CFCM des dispositions figurent pour que les départements jouent un rôle plus important. Sur la question d’élargir l’élection du CFCM aux fidèles, il a précisé que le CFCM ressort de la loi de 1901 sur les associations qui a ses règles. «Le CFCM est perfectible et toute initiative visant l’amélioration de sa gestion est la bienvenue», «J’espère que le CFCM restera le creuset des musulmans. Il est favorable à la présence des femmes, des jeunes et des convertis. Dans les aumôneries, les femmes sont en plus grand nombre que les hommes», a-t-il ajouté.

«On a l’impression de parler dans le vide»

«On a l’impression de parler dans le vide, la presse et les politiques doivent écouter ce que nous disons», a indiqué Anouar Kbibech, ancien président du CFCM, avant d’exposer les orientations et les perspectives proposées et discutées au CFCM ou déjà réalisées. Sur l’organisation du culte, a-t-il dit, dix points sont sur la table, parmi lesquels une campagne pour l’affiliation des 2300 lieux de culte avant les élections du CFCM de juin 2019 ; la préparation des prochaines échéances électorales du CFCM et des CFCR. Il a fait état d’une «volonté d’apaisement et de dépassement du critère électoral du mètre carré» des lieux de culte. Pour ce faire, le CFCM regarde de près le modèle de l’organisation du culte protestant. «Nous imaginons une représentation à trois niveaux: départemental, régional et national ; l’ouverture à la société civile». Des instances de dialogue ont été lancées avec des femmes, des jeunes, des convertis, a ajouté Anouar Kbibech. «Nous voulons institutionnaliser cette ouverture

. Qu’on arrête de nous interpeller sur la place des femmes». «Cette ouverture est un objectif primordial». «Le CFCM veut porter une parole forte sur le plan théologique par un conseil théologique mis en place il y a trois ans avec un comité de coordination qui interviendra dans les médias et sur la scène publique». Et en réponse à une préconisation du rapport Montaigne, il indique : «On n’a pas besoin d’un grand imam de France. Sur quel critère serait-il désigné ?» Quant au travail d’harmonisation des formations théologiques «il a commencé», «il faut nous entendre», sur la formation continue, le CFCM «incite les fédérations à initier des conseils des imams».

Le président de l’observatoire contre l’islamophobie, Abdallah Zekri, estime que les actes, menaces et discours xénophobes sont en recrudescence, particulièrement depuis les attentats de janvier 2015. «Les chiffres communiqués ne reflètent pas la réalité, beaucoup d’actes islamologues et racistes ne sont pas déclarés, faute d’être sanctionnés. Nous avons remis un rapport circonstancié à la garde des Sceaux, nous attendons la suite», a affirmé le vice-président du CFCM. «Des hommes politiques de droite comme de gauche surfent sur les thèmes du Front national».

Et d’ajouter : «L’islamophobie doit être combattue par la communauté nationale dans son ensemble.» A noter que Le 17 juin 2010 une convention-cadre a été passée par l’Observatoire contre l’islamophobie du CFCM et le ministère de l’Intérieur portant sur le recensement des actes islamophobes et leur poursuite judiciaire.

En clôture de ces échanges, la sénatrice Nathalie Goulet souligne : «Nous travaillons depuis des années sur ce dossier avec le sénateur André Reichardt et un rapport de confiance a été établi avec les responsables du CFCM.» Elle a enfin mis en garde contre les tentations d’adosser le problème de la radicalisation à l’islam pour ne pas créer un climat anxiogène.

Cela sonne comme un reproche au consultant Hakim El Karoui, auteur du rapport «Un islam français est possible pour l’Institut Montaigne», lequel écrit que «c’est parce que la méfiance, l’ignorance et l’hostilité croissante d’une partie de la population menacent notre cohésion nationale qu’il est indispensable que les musulmans de France mènent une bataille de la connaissance afin de lutter contre les idées reçues et contre le fondamentalisme».


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