Affaire des 701 kg de cocaïne

les sociétés et chantiers de Kamel Chikhi saisis par la justice



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Alors qu’elle avait provoqué un véritable séisme au sein des institutions de l’Etat, l’affaire des 701 kg de cocaïne n’a pas encore livré ses secrets et l’enquête judiciaire n’arrive toujours pas à élucider le mystère qui l’entoure.

A ce jour, et en attendant les réponses des commissions rogatoires délivrées, entre autres, aux autorités brésiliennes et espagnoles, le juge de la 9e chambre du pôle pénal spécialisé – qui siège au tribunal de Sidi M’hamed à Alger – n’arrive toujours pas à clôturer le dossier des dix-huit prévenus, poursuivis pour des délits et dont le délai de détention expire aujourd’hui dimanche 7 octobre pour six d’entre eux, dont le fils de l’ancien Premier ministre Abdelmadjid Tebboune, le chauffeur personnel de l’ex-patron de la police Abdelghani Hamel, le fils de l’ancien wali de Relizane, le procureur du tribunal de Boudouaou et son adjoint.

Une procédure de prolongation de quatre autres mois a été engagée ces jours-ci. Les mis en cause, faut-il le rappeler, ont introduit des demandes de mise en liberté, rejetées par la chambre d’accusation. Au cours de ces deux dernières semaines, le juge a cependant pris de nombreuses décisions concernant Kamel Chikhi, principal accusé, et ses associés.

Plusieurs de ses sociétés et chantiers à Alger ont fait l’objet d’une saisie conservatoire. Elle concerne les bureaux de ses entreprises à Kouba, mais aussi d’autres situés ailleurs, ainsi que les chantiers dont certains sont en finition. Il y a quelques mois, le magistrat avait également procédé au blocage des comptes bancaires de Kamel Chikhi, de ses associés, dont ses deux frères, et de ses sociétés immobilières et d’importation de viande.

Par ailleurs, selon des sources bien informées, le juge n’a toujours pas donné de réponse à la demande d’audition de l’ex-patron de la police, Abdelghani Hamel, déposée sur son bureau, par les avocats de Kamel Chikhi, il y a près de trois mois. L’ex-premier responsable de la Sûreté nationale avait fait de très graves déclarations en jetant la suspicion sur l’enquête préliminaire, évoquant clairement des «violations» de la procédure.

Cette sortie médiatique inattendue est intervenue après l’interpellation et la mise sous mandat de dépôt de son chauffeur personnel, mais aussi après la distillation d’informations sur son fils, qui détient, à Oran, le port sec vers où Kamel Chikhi acheminait sa marchandise dès son arrivée au port d’Oran.

Le cri de colère qui a accéléré son limogeage visait, certes, les enquêteurs de la Gendarmerie nationale, mais surtout le premier responsable de l’état-major de l’ANP, qui d’ailleurs a profité de cette affaire pour procéder à une véritable décapitation de l’armée, en mettant fin aux fonctions des chefs des forces et des Régions militaires (des généraux-majors), ainsi qu’à des directeurs centraux au niveau du ministère de la Défense.

C’est la première fois dans l’histoire que la grande muette connaît un mouvement d’une telle envergure. Mieux encore, cinq des généraux-majors envoyés à la retraite ont fait l’objet d’un retrait de passeport, tandis que leurs domiciles ont été perquisitionnés dans des conditions troublantes.

Aucune information n’a filtré sur les raisons qui ont poussé le tribunal militaire de Blida à ouvrir (si cela est le cas) une information judiciaire sur des présumés faits de corruption qu’il reproche aux concernés. Depuis les perquisitions, le tribunal n’a procédé à aucun autre acte, alors que les cinq généraux-majors sont toujours chez eux et n’auraient pas été convoqués pour enquête, laissant croire que le dossier est mis au vert en attendant une conjoncture plus propice. Tout comme c’est le cas avec l’ex-patron de la police, Abdelghani Hamel.

Cité dans la procédure, son fils n’a pas été entendu et les privilèges liés à son poste de directeur général de la police (la villa de la police, le véhicule, le chauffeur et les gardes) ne lui ont jamais été retirés, malgré la demande expresse de son successeur à la DGSN.

Surprenant lorsque l’on sait que Abdelghani Hamel a été limogé de son poste pour ses graves déclarations et les suspicions qu’il a suscitées sur le rôle qu’auraient joué son chauffeur et son fils, ainsi que l’implication, directe ou indirecte, de nombreux cadres dirigeants de la Sûreté nationale, notamment les chefs de sûreté de wilaya et de sûreté de daïra, balayés par son successeur à la suite d’un mouvement qui s’apparente à une opération de «déhamélisation».

Peut-on croire que l’opinion publique pourra connaître un jour la vérité sur l’affaire Kamel Chikhi ? Pourra-t-elle aussi découvrir les conditions dans lesquelles les 701 kg de cocaïne pure sont arrivés à Oran, vers quelle destination ils partaient et l’identité de leurs propriétaires ?

Si à ce jour ce dossier a permis de régler les comptes à certains contre d’autres, il fait désormais partie des affaires d’Etat frappées du sceau du secret…

Salima Tlemçani

In El Watan du 7 octobre 2018


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