Saïd Bouhadja 

«Je suis le président légitime…»



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Au moment où l’Assemblée se prépare, après un coup de force des députés de l’alliance présidentielle, à élire le successeur du président de l’Apn, Saïd Bouhadja maintient sa position de ne pas démissionner et de ne pas se taire. Contacté par nos soins, il qualifie la tenue de la plénière d’aujourd’hui d’«acte illégal» et précise : «Je suis toujours le président légitime de l’Assemblée. Je n’ai pas convoqué de plénière. Celle qui se tient aujourd’hui est illégitime.

Je reste attaché à la légalité. Tout ce qui en découlera est illégal. Nous sommes devant un coup d’Etat contre la Constitution et les lois. Je ne reconnais pas cette situation.» Saïd Bouhadja souligne qu’il ira à la plénière d’aujourd’hui qu’en tant que «président» de l’Assemblée, et «avec la garantie d’une sécurité et de l’ouverture des bureaux». Pour lui, «cette plénière entre dans le cadre de la situation du fait accompli, évoquée par Ahmed Ouyahia  dans sa déclaration et reprise par l’ensemble des médias. Les événements montrent que ceux qui tirent les ficelles n’ont rien à avoir avec les lois. Les menaces directes d’Ahmed Ouyahia, son acharnement et la manière primitive avec laquelle l’affaire a été gérée illustrent parfaitement les violations caractérisées de la Constitution et des lois.

Si la motivation était l’intérêt du pays, j’aurais démissionné sans aucune hésitation. Pour moi, l’Algérie passe avant toute autre considération. La manière avec laquelle ils ont agi constitue un défi et une attaque à la souveraineté populaire. Tout a été fait en dehors des lois. Ni moi ni le peuple ne pouvons accepter cette agression caractérisée.

Ils ont décidé, en dehors de l’Assemblée, de retirer la confiance au président. Est-ce légal ? Contrairement à ces derniers, moi, je défends les lois de la République. Si je démissionne, je cautionne le coup d’Etat. Je suis le président légitime de l’Assemblée nationale et je le reste…» Il rejette catégoriquement les accusations d’incapacité ou de vacance évoquées par les députés de l’alliance présidentielle (FLN-RND-MPA-Taj-indépendants) et explique : «Ils ont fermé la porte du Palais et changé la serrure du bureau du président. N’est-ce pas là une atteinte à l’institution ? La réunion du bureau de l’Assemblée est illégale. Le règlement intérieur est très clair. Seul le président peut la convoquer.

Ils parlent d’incapacité, alors qu’aucun élément constitutif de cette accusation n’existe. Ont-ils un certificat médical qui prouve que j’ai une incapacité physique ou mentale ? Non. Ils n’ont rien. Comment peuvent-il maintenir le contraire ? Ce sont eux qui parlent de vacance, après l’avoir créée en cadenassant les portes et en changeant les serrures…» Bouhadja se dit «non concerné» par ce qui se passe aujourd’hui à l’Assemblée. «La loi est au-dessus de tous. Je ne me défends pas pour le poste, mais pour le respect de la loi. Les autres sont dans la politique du fait accompli, c’est-à-dire en dehors de la loi», dit-il tout confiant. Revenant sur ceux qui ont «pris en otage» l’institution parlementaire, il révèle : «Comment voulez-vous que j’aille à mon bureau ? Ils ont dit publiquement qu’ils n’allaient pas me laisser entrer. En face de moi, j’ai un groupe de ‘‘baltaguiya’’ (voyous, ndlr) dont les membres sont connus pour leur passé peu glorieux à l’égard de la Révolution. Grâce à l’argent qu’ils brassent, ils sont arrivés à l’Assemblée. Aujourd’hui, ils veulent la tête du moudjahid Bouhadja.»

«J’appelle le président à prendre des mesures pour protéger les institutions»

Pour le président de l’Assemblée, vu les événements, ni le Conseil d’Etat ni le Conseil constitutionnel ne peuvent agir. «Toute saisine sera vouée à l’échec», dit-il. Il revient sur les griefs retenus par ses opposants et les énumère un par un en apportant des précisions. «La liste des griefs qu’ils me reprochent comporte le fait que je ne les reçoit pas, alors que mon bureau a de tout temps été ouvert. Ils m’accusent de recrutements complaisants, alors qu’ils n’ont jamais réagi lorsque, durant le mandat précédent, un seul vice-président a recruté 87 personnes. Moi, je n’ai ramené que trois personnes qui travaillent au cabinet. Ils disent que j’ai dilapidé les deniers de l’Assemblée, alors qu’ils savent que c’est le comptable qui gère tout ce qui est finance.

Tous mes actes sont validés par ce dernier. Ces griefs n’avaient rien d’important. Ce député, qui intervenait sur une chaîne de télévision privée, parlait des véhicules, alors que lui-même en avait trois, que j’ai repris quelques jours avant la crise, et un autre en possédait cinq que j’ai eu du mal à récupérer. J’ai pris sur moi d’assainir la situation pour rationaliser la gestion, en mettant un terme à certaines pratiques qui datent de longtemps. Ils ne peuvent rien me reprocher, parce que je n’ai rien pris. Je les défis de trouver un seul grief de ce genre. Je me soigne avec mon argent, et je voyage avec mon argent. Je suis propre. Lors de la dernière réunion du bureau de l’Assemblée, les membres ont salué mon travail et fait l’éloge des résultats qu’ils ont jugés historiques.»

Le président de l’Apn refuse de croire que la décision de le faire démissionner puisse émaner de la plus haute institution de l’Etat, à savoir la Présidence. Pour lui, le retrait de sa garde et de sa voiture ne peut émaner que du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, partie prenante dans cette opération de destitution du 3e homme de l’Etat. «Ces décisions de me priver de ma garde et de mon véhicule émanent plutôt de la situation du fait accompli. Ce sont des mesures personnelles, hostiles et revanchardes d’Ouyahia. Elles sentent l’odeur du coup d’Etat. Il n’aurait pas fallu enlever les gardes. C’est une lourde décision. Un jour, il devra être comptable. Est-ce que Ouyahia pense avoir bien agi ? Non. Je ne le pense pas.» Bouhadja poursuit son réquisitoire contre le Premier ministre sans mettre de gants, et précise : «L’Algérien n’est plus ce qu’il était. Il sait tout ce qui se passe. Un mouvement populaire se met en branle. Ce qui arrive est un grave précédent.

Bouhadja ne démissionnera pas. Les postes ne sont pas éternels. Même Ouyahia partira un jour. Ces personnes qui ont déstabilisé l’institution de la République et l’ordre devront être comptables de leurs actes.» Le président de l’Assemblée se montre très confiant à l’égard du premier magistrat du pays. Il en profite pour lui lancer un appel en disant : «Je ne pense pas que le Président, que j’ai eu le privilège de connaître, puisse accepter de telles dérives. Je lui demande solennellement de prendre des décisions afin de protéger les institutions de l’Etat. Je suis très serein. J’ai une confiance considérable en la personne du Président que je respecte. Je ne lui demande pas de me maintenir à mon poste. Saïd Bouhadja, qui a pris part à la Guerre de Libération, à la construction du pays et à sa stabilité par l’instauration de la charte pour la paix et la réconciliation, ne lui viendra jamais à l’esprit de violer les lois de la République.» N’y allant pas avec le dos de la cuillère, Bouhadja se montre tenace. Il refuse de faire marche arrière. Il déclare : «Je ne me tairai pas. Le peuple jugera.

Je m’attendais à ce qu’ils réagissent en respectant la légalité des formes, pour que la personne puisse partir dignement, sans porter atteinte aux institutions, à travers un dialogue serein dans l’intérêt du pays. Mais eux ne voulaient pas de cette voie. L’intérêt général était loin de constituer la préoccupation de Djamel Ould Abbès ou de Ouyahia. Pour moi, l’intérêt de la patrie reste au-dessus de toute autre considération. Ma carrière est derrière moi. Je n’attends rien de plus et je n’ai aucune autre ambition que celle de faire en sorte que les lois de la République soient respectées.» 


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