«C’est aux politiques sociales de tenir compte de l’évolution des besoins du travailleur»



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Nacer-Eddine Hammouda est directeur au Centre de recherche en économie appliquée au développement (Cread). Pour lui, la réaffectation du budget alloué aux subventions des prix aux différentes aides de l’Etat à travers une caisse dédiée adossée au système de sécurité sociale, serait le moyen idoine pour arriver à plus d’équité sociale.

Comment analysez-vous l’évolution des prix entre 2001 et 2018 ?

La croissance des prix est bien observable en Algérie, que ce soit sur le court, le moyen ou le long termes, mais à des rythmes très différenciés selon les produits. C’est ainsi que le prix du repas dans un restaurant universitaire est resté fixe (1,20 DA) depuis une cinquantaine d’années, alors que les prix d’autres produits ou services connaissent des croissances à deux, voire trois chiffres, sur une année. De même les prix des produits subventionnés (lait, pain, …) sont restés stables depuis plusieurs années, alors que les prix des produits frais varient au jour le jour.

C’est pourquoi les instituts nationaux de statistiques calculent des indices de prix régulièrement. En effet, ces indices permettent d’avoir une estimation des variations moyennes des prix. L’ONS en fait de même, mais nous lisons sur l’encadré présentant l’indice des prix à la consommation publié chaque mois (le dernier en date le n° 274 est celui du mois de septembre publié en octobre 2018) : «L’année de base est 2000 et l’année de référence (100 pour les calculs) est 2001». Cette méta-donnée, souvent ignorée, remet en cause la mesure de l’inflation en Algérie.

Il faut garder en mémoire qu’il s’agit d’une enquête pérenne, dont le coût est plus important dans le système statistique algérien. L’analyse de l’évolution des prix nécessite la connaissance de la formation des prix.

Une enquête sur les coûts unitaires était programmée dans les années quatre-vingt-dix, mais n’a pas été réalisée. Son objectif était de décomposer les prix de plusieurs produits pour connaître la part des consommations intermédiaires importées de celles produites localement, la part des salaires, la part des impôts et taxes, etc. En effet, quelle est la part de l’augmentation des prix imputable à l’augmentation des coûts des facteurs de production (travail et capital) de celle imputable à l’Etat à travers sa politique fiscale ou du taux de change.

Il s’agit là de l’inflation par les coûts, mais il y aussi l’inflation par la demande. En effet, la majorité des prix étant libres, leur augmentation peut être due à une demande plus importante que l’offre disponible pour certains produits. Dans une économie de marché, le retour à l’équilibre de l’offre et de la demande se fait par le biais des prix.

L’augmentation de la demande s’explique par au moins deux facteurs : l’un démographique, et l’autre économique. En effet nous observons un retour de la croissance démographique depuis quelques années déjà et il y a eu une augmentation substantielle des salaires en 2011, avec un effet rétroactif depuis 2008. Concernant les produits alimentaires, la demande des collectivités et des restaurateurs peut expliquer aussi la poussée inflationniste observée.

Mais d’un autre côté, les différentes aides consenties par l’Etat à l’agriculture et la décision de non-remboursement des prêts attribués aux agriculteurs auraient dû faire baisser les prix des produits agricoles, sachant que le secteur est totalement défiscalisé. La comparaison des conditions de vie des agriculteurs avec les autres catégories sociales nous montre qu’ils ne sont pas les principaux bénéficiaires des augmentations de prix récurrentes.

De quelle manière devrait-on aborder la question des prix et des salaires ?

On compare souvent l’augmentation des prix à l’évolution du SNMG. Si du point de vue économique on peut traiter l’emploi de façon individualisée, ce n’est pas le cas du point de vue social, dans la mesure où le travailleur subvient aux besoins d’une famille ou d’un ménage.

La rationalité économique nous impose de lier la rémunération d’un travail à la productivité du travailleur, indépendamment de sa situation familiale. C’est aux politiques sociales donc de tenir compte de l’évolution temporelle des besoins du travailleur en fonction de son cycle de vie.

L’erreur généralement commise c’est la confusion faite entre salaire minimum et budget familial type. Le budget familial type consiste à valoriser les besoins d’une famille moyenne de sept personnes. Les données des enquêtes ménagères nous montrent que la taille moyenne d’une famille varie entre quatre et cinq personnes. La taille moyenne d’un ménage (à ne pas confondre avec famille) se situe autour de cinq personnes.

Comment tenir compte de l’évolution des dépenses des ménages ?

La dimension temporelle n’est pas prise en compte explicitement par les différentes politiques de transferts intergénérationnels. L’idée même de l’indexation des différentes aides à l’indice des prix à la consommation est souvent rejetée par peur d’un effet inflationniste. L’inexistence d’une branche famille au niveau de la Caisse nationale d’assurance sociale est un manque flagrant qu’il faudrait combler à terme.

Il est vrai qu’il y a un grand risque de relance de la croissance démographique si les allocations familiales deviennent conséquentes. Nous restons convaincus que la réaffectation du budget alloué aux subventions des prix aux différentes aides de l’Etat (allocations familiales, primes de scolarité, allocations pour handicapés, allocations forfaitaires de solidarité, etc.) à travers une caisse dédiée adossée au système de sécurité sociale, serait le moyen idoine pour arriver à plus d’équité sociale. En effet, par le biais d’un numéro d’assuré social, le ciblage n’est que plus transparent au lieu et place d’une multitude de gestionnaires de ces différentes aides.

D’ailleurs il n’y a aucune raison objective pour que les non-salariés soient exclus du bénéfice des allocations familiales lorsqu’ils sont cotisants au même titre que les salariés. Ce sont ces aides qui devraient être indexées à l’indice des prix (faudrait-il qu’il soit calculé sur des bases saines) et non pas le SNMG dont la fixation doit obéir à une autre logique plus économique. 


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