Produits pyrotechniques

Les barons des «pétards» mis en difficulté



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Des bougies, quelques modèles de pétards et pratiquement rien des paquets de «bombes», double-bombes, «zombies» et autres fusées explosives qui garnissaient les étals plus d’un mois avant la fête du Mawlid Ennabaoui.

Pour la première fois, les produits pyrotechniques se font rares sur les marchés et le nombre d’accidents liés à leur utilisation a sensiblement diminué. Principale porte d’entrée des pétards, le port d’Alger est de plus en plus difficile d’accès aux importateurs.

Inhabituellement, les batailles de rues avec les pétards, les bruits assourdissants des explosions, la fumée et les odeurs suffocantes et toxiques des produits pyrotechniques, qui marquent chaque année les festivités du Mawlid Ennabaoui (naissance du prophète), se sont dissipés et avec eux le nombre d’accidents dus à l’utilisation de ces produits ont sensiblement diminué.

Pendant longtemps et à quelques semaines de cette fête religieuse, les Algériens, notamment les habitants des grandes villes, passaient leurs jours et leurs nuits au rythme des détonations, des forts décibels et de feux d’artifice qui souvent se terminent en drames familiaux. Prohibés à l’importation, les produits pyrotechniques ont depuis longtemps alimenté en grandes quantités les marchés et les étals, générant des revenus colossaux à leurs propriétaires. Malgré les saisies importantes opérées par les services de sécurité, le marché n’a jamais désempli.

Subitement, depuis ces deux dernières années, la situation a totalement basculé et les étales se sont bizarrement vidés. Pour le contrôleur en chef, Djamel Brika, directeur du service communication de l’administration douanière, «ce constat est le résultat du nouveau dispositif de transfert aléatoire de la marchandise du port d’Alger vers les ports secs par le biais d’un logiciel informatique, évitant ainsi toute intervention humaine dans le circuit». Ce responsable reconnaît que la plus grande quantité de produits pyrotechniques, pour ne pas dire la totalité, passait par le port d’Alger et provient principalement de la Chine, le premier producteur et exportateur mondial des pétards et des feux d’artifice.

La mise en place du logiciel a déstabilisé les circuits d’importation. L’exemple le plus flagrant est ce navire qui a accosté au port de Ghazaouet, au mois d’août dernier, avec à son bord 37 millions d’unités de produits pyrotechniques. Il devait rejoindre le port d’Alger, mais il a changé d’itinéraire parce que le propriétaire de la marchandise ne pouvait pas savoir vers quel port sec il allait être orienté. Il a fait 14 escales à travers les ports avant d’arriver à Ghazaouet. Avant, le choix du port sec incombait aux importateurs. Cela a ouvert la voie à des pratiques frauduleuses.

L’autre aspect «aussi important», révèle notre interlocuteur, est lié à la gestion de la ressource humaine qui active au niveau des ports. «La direction générale a décidé d’opérer un mouvement, chaque trois ans, dans les rangs des agents qui exercent dans les ports. Ce qui réduit sensiblement toute intervention ou complicité», explique le responsable.

Ce dernier met l’accent aussi sur le renforcement des opérations de contrôle «à travers le déploiement de barrages routiers qui ont permis d’obtenir des résultats assez significatifs. A Sétif par exemple, nous avons saisi 37 000 unités de produits pyrotechniques, pour ne parler que des prises. Nous agissons en amont avec le logiciel de choix aléatoire du port sec et en aval avec le renforcement des opérations de contrôle et les campagnes de sensibilisation sur le danger de ces produits sur la santé des enfants, que nous menons avec la Protection civile.

Ces produits sont prohibés et ceux qui les importent sont poursuivis en justice. Généralement, ils utilisent des registres de commerce nouveaux. Mais il faut savoir que le risque zéro n’existe nulle part ailleurs, et tant qu’il y a de la demande, il y aura toujours une offre, même en quantité minime. Il faut faire en sorte qu’il n’y ait plus de demande».

Le responsable ne semble pas d’accord avec ceux qui affirment que les produits pyrotechniques sont aujourd’hui utilisés tout au long de l’année durant les mariages et toutes les circonstances festives familiales ou autres. «En fait, ce ne sont pas les pétards qu’on utilise mais plutôt les feux d’artifice et les fumigènes qui sont eux aussi prohibés à l’importation. Je pense qu’il s’agit d’anciens stocks, parce qu’ils se raréfient sur le marché et leur coût devient de plus en plus élevé. Il faudra que les gens prennent conscience d’eux-mêmes qu’il y a danger à recourir à ces produits qui ne sont pas à la portée de tous, comme ils l’étaient il y a quelques années.»

Tout comme les services des Douanes, la Sûreté nationale a elle aussi renforcé son dispositif à travers des opérations de contrôle dans les quartiers où les étals de pétards font le bonheur des marchands informels. De nombreuses arrestations ont eu lieu ces derniers mois avec des saisies de quantités importantes.

Toutes ces actions ont visiblement eu un impact considérable sur ce marché qui tend à disparaître, au grand bonheur des familles qui désormais pourront célébrer la naissance du Prophète dans un cadre plus spirituel que festif.


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