Décryptage. Les ruptures dont l’Algérie a besoin pour devenir un pays émergent à partir de 2020



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Indéniablement, en 50 ans, l’Algérie a accompli de grands progrès. Dans l’éducation, l’accès à l’école primaire est passé de moins de 85% en 1980 à plus de 97% en 2011. Le revenu par habitant a plus que doublé en 50 ans, tout comme la consommation des ménages.  Les taux de pauvreté ainsi que les inégalités ont tous deux baissé. Mis à part la « décennie noire » des années 1990, le revenu par habitant n’a cessé de croître depuis l’indépendance, pour atteindre plus de 7000 dollars par tête (en Parité des Pouvoirs d’Achat) en 2011. Cependant, en comparant l’Algérie, à la fois à des pays partis du même point (voire avec de plus grands handicaps) il y a 50 ans, et à d’autres pays à revenu intermédiaire, deux constats s’imposent.

En premier lieu, malgré une rente importante, notre pays n’a pas connu la trajectoire de développement qu’il aurait pu atteindre compte tenu de son immense potentiel. En effet, durant la même période, la Corée a vu son revenu par habitant multiplié par 16, la Malaisie par 5 et la Turquie par plus de 3.

En second lieu, dans tous les domaines, que ce soit l’économie, l’éducation, la santé, ou la gouvernance publique, notre pays est à la traîne comparés à d’autres pays à revenu intermédiaire. Le secteur de l’éducation souffre d’une inefficacité criante et d’une faible qualité. Le coût d’un diplômé atteint plus de 500% du PIB par habitant, alors qu’il n’est « que de » 200% en Tunisie et 180% en Egypte par exemple. Au TIMSS 2007, une enquête internationale sur les acquis scolaires, coordonnée par l’International Association for the Evaluation of Educational Achievement (IEA), elle porte sur les mathématiques et les sciences, les performances des élèves algériens ont été médiocres : en mathématiques par exemple, seuls 7% des élèves de 8ème année atteignent le niveau III, contre 21%
des élèves tunisiens, 21% des élèves égyptiens, et 19% des élèves indonésiens.

Dans le domaine de l’économie, l’indicateur le plus révélateur est la part de l’industrie dans le PIB. Elle ne dépasse pas 8% du PIB, alors que ce taux oscille entre 25% et 35 % dans les pays émergents à forte croissance. Enfin, sur le plan de la gouvernance publique, nous figurons en queue de peloton des classements internationaux, au sein de pays à revenus comparables, quel que soit l’indicateur retenu (données 2010): transparence budgétaire (dernier sur 100), Etat de droit (73ème sur 100), efficacité de l’Etat (66ème sur 100), corruption (score de 2,9 sur 10), qualité de la régulation publique (89ème sur 100),
etc.

Ces comparaisons internationales, ainsi que le contraste saisissant entre l’aisance financière des années 2000 et les modestes performances en terme de croissance et de création d’emplois, témoignent du fait que notre modèle de développement est aujourd’hui en panne, voire dans une impasse : l’Algérie peine invariablement à trouver la voie de la diversification de son économie.

Il faut à présent faire preuve de lucidité et de pragmatisme, les recettes du passé ne marchent plus et ne marcheront pas mieux demain. L’idée d’une rente perpétuelle, isolant l’Algérie de la compétition mondiale et la protégeant de tous les défis futurs dont ceux liés au climat, à l’environnement et à la raréfaction des ressources, n’est qu’un mirage. Il est urgent pour notre pays de renforcer ses capacités à faire face, dans un futur très proche, à un monde de plus en plus turbulent, où seuls les pays qui auront la capacité de s’adapter et d’innover, pourront tirer leur épingle du jeu.

Les réponses urgentes et cruciales à apporter doivent à être à la hauteur des défis colossaux que nous devons relever. Nous devons rompre avec le fatalisme et prendre la pleine mesure de notre potentiel.

Riche de l’héritage et des enseignements de ces 50 dernières années, fort de notre formidable potentiel humain, notre pays est mûr pour un prendre nouveau départ.
Le temps presse, car si un changement radical de la trajectoire de développement de l’Algérie n’est pas engagé à court terme, nous irons dans le mur, sur tous les plans, économique, social et environnemental.

Il ne s’agit plus d’être pessimiste ou optimiste, mais volontariste, pour amorcer maintenant l’indispensable virage et éviter ainsi le même sort que le Titanic. Le souvenir de ce
magnifique paquebot qui, aveuglé par sa puissance, a sombré en heurtant un iceberg qu’il n’avait pu éviter faute d’avoir entamé son virage à temps, ne peut que nous rappeler la situation dans laquelle se trouve actuellement notre pays. Des simulations opérées dans le cadre de ce rapport, et présentées dans le chapitre consacré au thème de l’économie, montrent que si le statut quo actuel se poursuit, les réserves de change de l’Algérie seront consommées à l’horizon 2025 et la dette publique pourrait atteindre 80 milliards de dollars à cette date.

Pour éviter ce scénario catastrophe, nous avons besoin de libérer les initiatives, de rompre avec le conformisme et de nous laisser porter par des idées neuves afin d’être capables de construire un nouveau modèle de développement. Notre pays doit s’engager dans de nombreuses ruptures, à la hauteur de l’attente d’un peuple qui a soif de progrès.

Comment diversifier notre économie et créer les emplois que commande une population qui atteindra 40 millions en 2020 et 43,5 millions en 2030 ? La réponse à cette question fondamentale nécessite avant tout de répondre à une interrogation plus structurante : quelle Algérie voulons-nous à l’horizon 2020 ? Il s’avère capital de partir d’une véritable
vision pour notre pays, porteuse d’ambitions dans les domaines fondamentaux qui touchent la vie des Algériens, afin de structurer une stratégie globale. On ne peut, en effet, penser indépendamment les unes des autres les réformes à mettre en œuvre dans des domaines critiques comme l’emploi, le développement du secteur privé, la gouvernance publique, la dépendance du budget de l’Etat aux hydrocarbures, l’éducation, la santé, etc. Cette stratégie globale doit avoir le double objectif de répondre rapidement aux aspirations du peuple algérien et de hisser notre pays de façon pérenne sur une trajectoire de croissance soutenue.

L’Algérie dont nous rêvons, celle que nous voulons bâtir, sera un pays économiquement plus prospère, socialement plus juste et plus égalitaire, un pays dans lequel chaque algérien pourra devenir un véritable citoyen, participer au développement de son pays, vivre en sécurité et trouver sa place dans une société harmonieuse et ouverte sur le monde ; recevoir une éducation de qualité, trouver un emploi qui lui permette de construire sa vie, fonder une famille, éduquer ses enfants, accéder à des services publics de qualité, accéder à des soins de qualité à un coût abordable, vivre dans un Etat de droit, et être
écouté des institutions et protégé de leur arbitraire.

La stratégie globale que nous proposons permet de se fixer un certain nombre d’ambitions en partant d’une déclinaison plus précise de la vision en objectifs quantitatifs et qualitatifs selon cinq thèmes : l’économie et l’emploi, l’éducation, la recherche et le savoir, la santé, le vivre ensemble (culture et urbanisme) et la gouvernance publique.

La vision économique à l’horizon 2020 : vers un nouveau modèle de croissance,
où la rente agit comme moteur de la diversification

 Augmentation du PIB hors-hydrocarbures de plus de 65% d’ici 2020 et doublement de ce dernier d’ici 2023, correspondant à un taux de croissance moyen hors-hydrocarbures de 6% par an à partir de 2015 et de 7.5% à partir de 2020

 Part des exportations hors-hydrocarbures proche de 4% en 2020, 9% en 2025 et 20% en 2030.

 Part de l’industrie dans le PIB dépasse 6% en 2020 (contre 5% en 2012), 7% en 2025 et 8% en 2030, alors que les autres secteurs hors-hydrocarbures (services, commerce, agriculture, etc.) croissent de 6% par an à partir de 2015 puis de 7.3% par an à partir de 2020.

 Un taux d’investissement privé qui atteint 20% du PIB en 2020 (contre moins de 10% en 2012).

 Un taux de chômage de 8% en 2020 (15% pour les diplômés de moins de 30 ans) et un taux d’emploi qui atteint 60% (dont 40% de taux d’emploi des femmes).

 Une densité des entreprises proche de la moyenne des pays émergents à forte croissance: 20 entreprises par 1000 habitants à l’horizon 2020.

 Un climat des affaires de classe mondiale en 2020: parmi les 3 meilleurs du pourtour
méditerranéen et parmi les 50 meilleurs mondiaux (classements internationaux).

 Un budget de l’Etat dont la dépendance aux revenus des hydrocarbures est progressivement réduite: au maximum 50% du budget étant financé par la fiscalité pétrolière en 2020 et 20% en 2030 (contre 66% en 2012). A partir de 2020, 75% du budget de fonctionnement sera couvert par la fiscalité pétrolière (100% en 2025).

Les éventuels excédents de recettes provenant de la fiscalité pétrolière seront alloués pour
un tiers à un nouveau Fonds Souverain pour l’Avenir, le reste étant versé au Fonds de
Régulation des Recettes. Ce dernier sera axé, de manière égale, sur : (i) l’éducation, la
recherche et le savoir scientifique ; et (ii) les générations futures, qui ne pourront accéder à leur part qu’à l’horizon 2050. Il sera aussi créé un Fonds Souverain International pour gérer de manière plus active et plus rentable de 10 à 20 pour cent des réserves de change. Ce Fonds pourrait, à terme, être utilisé pour stériliser une partie des recettes en devises de la Sonatrach.

 Le Fonds Souverain pour l’Avenir aura accumulé près de 900 milliards de DA en 2020, et plus de 3.000 milliards de DA en 2030.

Par le collectif NABNI, un think tank citoyen algérien fondé en avril 2011


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