Les gilets jaunes incendient Paris

Les gilets jaunes incendient Paris



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En intitulant, en 1966, son film « Paris brûle-t-il », le réalisateur René Clément ne pouvait pas savoir qu'en 2018, son titre allait se concrétiser dans la réalité. En effet, en ce samedi 08 décembre, la capitale française ressemblait plus à une vulgaire banlieue, attaquée par des hordes de malfamés prêts à en découdre avec les forces de l'ordre, qu'au Paris qui se prépare à accueillir les touristes pour les fêtes de fin d'année. A 15h, le bilan est lourd : près de 600 interpellations et des scènes de guerre sur les grands boulevards. C'est dire que la mobilisation des Gilets jaunes a ébranlé le pouvoir politique en France, la première fois de cette ampleur depuis mai 1968.


Après une matinée plutôt calme, la situation a dégénérée sur les Champs Elysées dès la mi-journée. Près de 8.000 forces de l'ordre étaient déployés dans Paris, 89.000 pour toute la France, et 12 véhicules blindés de la gendarmerie ont fait leur apparition dans la capitale. Des scènes de violences que la capitale française n'a pas connues depuis le soulèvement estudiantin de mai 1968. Et la visibilité de Paris n'est pas sans masquer l'ampleur de la contestation au niveau national : plus de 1.000 interpellations et plus de 720 gardes à vue dans tout le territoire. C'est dire que le mécontentement des Français contre les politiques ultralibérales du président Macron a gagné en amplitude.


Les scènes de chaos en plein Paris ont fait le tour du monde. Gaz lacrymogènes aux abords de la célèbre avenue des Champs-Elysées, la galerie commerciale chic du Drugstore de Publicis de l'avenue attaquée, des vitrines brisées sur plusieurs avenues avoisinantes, une barricade enflammée sur les Grands-Boulevards, des dizaines de voitures brulées. Tel est le bilan toujours provisoire de la journée d'hier.


Et la nature du mouvement des gilets jaunes n'aide pas a maitrisé le mouvement de foule qu'il a initié. Déstructuré, évoluant hors des cadres établis, n'ayant pas de véritable leader, rendant épineuses les tentatives de négociation du gouvernement avec lui, le mouvement des Gilets jaunes est visiblement inclassable, mais très populaire. Selon un sondage OpinionWay pour LCI publié vendredi, 68% des Français soutenaient la mobilisation des Gilets jaunes. Ce qui renseigne sur la popularité en berne de l'Exécutif français et surtout du binôme Macron-Philippe. D'ailleurs, la classe politique française réclame du changement et il n'est pas impossible que le fusible du Premier ministre saute pour préserver le Président.


La classe politique veut la tête de Philippe


Les jours d'Edouard Philippe sont-ils comptés ? Le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a de nouveau évoqué la « dissolution de l'Assemblée nationale » comme une issue « raisonnable et tranquille » à la crise. « Il faut aller au vote », a-t-il soutenu devant ses partisans à Bordeaux, affirmant que « deux légitimités », celle des Gilets jaunes et celle du gouvernement, s'arc-boutaient. Fidèle à sa logique d'opposant indéfectible


à la « macronie » (sic), Mélenchon a rajouté « je souhaite que le mouvement s'approfondisse et qu'il puisse vérifier dans les urnes les raisons qu'il a d'agir ».


Pour sa part, l'héritier de Nicolas Sarkozy à la tête des Républicains, Laurent Wauquiez, a dénoncé dans un message sur Twitter les « provocations immatures » d'un « gouvernement aux abois ». « Seuls importent aujourd'hui le retour au calme et l'écoute de la colère exprimée par les Français », a-t-il écrit.


Pour Marine Le Pen, ce mouvement de masse est du pain béni. Ainsi, la présidente du Rassemblement national, qui avait elle aussi demandé la dissolution de l'Assemblée il y a quelques jours, s'est réjouie de la présence de Gilets jaunes dans tout le pays, et ce en dépit d'une campagne « gouvernementale d'intimidation, de diabolisation ». « Espérons pour nos forces de l'ordre et pour les manifestants que les casseurs ne parasitent pas des manifestations largement pacifiques », a-t-elle tweeté peu de temps avant que des incidents ne viennent émailler la manifestation à Paris.


Trump et Erdogan se réjouissent !


Et comme Paris est en quelque sorte une ville-monde, ce qui s'y passe intéresse le reste du monde. Désormais en inimitié avec Emmanuel Macron, le président américain semble se frotter les mains des déboires de son homologue français. « L'accord de Paris ne marche pas si bien pour Paris. Il y a des manifestations et des émeutes partout en France. Les gens ne veulent pas payer de grosses sommes d'argent, surtout aux pays du tiers monde (qui sont dirigés de façon discutable), afin de peut-être protéger l'environnement », a-t-il écrit dans un tweet. Dans la logique de Trump, les émeutes de Paris sont en quelques sortes la conséquence de l'accord de Paris (la Cop21, ndlr).


Plus offensif, le président turc, Recep Tayyip Erdogan n'est pas allé lui non plus de main morte. « Le désordre règne dans les rues de nombreux pays européens, à commencer par Paris. Les télévisions, les journaux regorgent d'images de voitures qui brûlent, de commerces pillés, de la riposte des plus violentes de la police contre les manifestants », a-t-il déclaré. Ajoutant que la Turquie est « à la fois contre les scènes de chaos provoquées par les manifestants et contre la violence disproportionnée qui leur est opposée ». Erdogan a précisé qu'il suivait la situation « avec préoccupation ».



Quelle sera l'issue de ce bras de fer entre Macron et les gilets jaunes qui représentent une large proportion de la population française ? Sortira-t-il indemne de cette épreuve ou se résignera-t-il a lâché son Premier ministre comme gage de bonne volonté ? Les prochaines heures sinon les prochains jours le diront.


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