Modèle économique des années 70’

mythes et réalités



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Ce serait l’une des questions qui prête le plus à controverse. Est-ce le fait de disposer des ressources en hydrocarbures qu’il faut incriminer dans la conduite des politiques économiques de notre pays ?

Ce n’est pas la seule controverse qui mine l’environnement économique de notre pays, mais nous en avons de nombreuses autres. Il serait intéressant que plusieurs thèses de doctorat soient consacrées à la culture économique en Algérie.

Une analyse approfondie révèlerait que nous avons des analyses économiques très en retrait par rapport à ce qui se déroule dans le reste du monde, y compris dans les ex-pays socialistes.

Dans les écrits des économistes des ex-pays de l’Est, y compris ceux qui étaient aux commandes des affaires économiques, on trouve surtout des critiques, des mea culpa, un deuil des pratiques super étatisées et une reconnaissance de la faillite et de l’insoutenabilité du système.

Par contre, chez nous, dans de nombreux écrits nationaux, surtout des anciens acteurs du système, on y détecte une certaine nostalgie, des regrets et l’idée centrale que l’industrie industrialisante aurait pu propulser l’Algérie en pays émergent si on n’avait pas abandonné le projet.

Quelque chose qui échoua partout était donc en train de réussir en Algérie. Certes, il y a une génération montante d’économistes qui ne croit pas du tout à ces nombreuses interprétations irréalistes des mécanismes économiques. Mais la plupart sont marginalisés, hors circuit des décisions les plus importantes.

Ceux qui sont en charge de la gestion des affaires ont des idées très enracinées dans les mécanismes de cette époque. On essaye de construire une économie de marché mais avec des réflexes et les outils des économies administrées.

Les racines du mirage

La question ne vaut pas la peine d’être revisitée n’étaient ses conséquences sur les performances économiques dérisoires de la période présente. Les adeptes de l’économie planifiée des années soixante-dix ne seront jamais convaincus que cette période avait balisé un sentier qui ne pouvait mener qu’à la débâcle. Quels que soient les arguments les plus rigoureux, ils auraient toujours un mécanisme du cinquième degré qu’ils réévalueront au premier rang.

Mais tenteront tout de même d’expliquer pourquoi ces personnes croient aux mirages et bloquent les véritables décentralisations et initiatives privées et publiques salutaires. Toute expérience recèle des éléments positifs et des lacunes. Et du positif, il y en avait durant cette ère. Nous avions un projet auquel croyait la majorité des Algériens. Les intentions des dirigeants étaient des plus louables. On était envié par de nombreux pays en voie de développement et l’aura algérienne faisait des émules. On pouvait continuer à faire l’éloge sans fin de cette période.

Cependant, des mécanismes imperceptibles étaient en jeu et nous dirigeaient droit vers la faillite, comme ce fut le cas de tous les pays socialistes. Mais il y a de grosses différences entre les deux cas et on comprend maintenant pourquoi les économistes des ex-pays socialistes font des mea culpa et les nôtres (la vieille génération aux commandes des affaires) sont les nostalgiques inconditionnels de l’époque.

La plupart des pays socialistes avaient démarré l’expérience des économies planifiées juste après la Deuxième guerre mondiale. Les formes de planification différaient, mais toujours est-il qu’on avait des constantes de base : une institution centrale décidait des prix, les biens à produire, les services à rendre, les prix, le taux de change, le commerce extérieur, etc ; presque la totalité des moyens de production était publique. Bien sûr que cette institution ne pouvait que prendre des décisions techniques pour exécuter sur le terrain des choix politiques.

Les phases économiques

L’analyse de ce qui s’est passé pour les économies des pays de l’Est nous explique très bien notre situation. Il faut tout simplement analyser les phases de leur développement économique. Nous devons cette analyse à de nombreux économistes expérimentés, surtout Krugmann (prix Nobel d’économie).

Une économie socialiste passe par deux phases : l’une où elle mobilise toutes les ressources à sa disposition pour faire de la croissance : on forme les ressources humaines, on mobilise les femmes au travail ainsi que toutes ressources non utilisées (terres, mines, pétrole, etc.). Durant cette phase, il y a des usines qui se construisent, des emplois qui se créent, des infrastructures qui se développent.

On se met à rêver de la société d’abondance et croire que la réussite serait au rendez-vous dans quelques années. C’était l’ère où Kroutchev promettait d’enterrer le capitalisme américain par une croissance double des pays impérialistes. Lorsque l’on met tout le monde au travail et utilise toutes les ressources, la croissance est au rendez- vous. Dans la deuxième phase, lorsqu’on cesse d’injecter des ressources, la croissance fléchit, stagne et la machine économique se grippe.

Ces pays ne savent pas croître sans nouvelles ressources. Ils ne savent faire que de la croissance extensive (injecter plus de ressources) mais pas la croissance intensive (due à l’innovation et au management de classe mondiale) qui fabrique le bien-être sans nouvelles ressources injectées. L’ère de la croissance se termine alors et les crises apparaissent. Les pays de l’Est ont vécu les deux phases : croissance et crise. Nous avons arrêté le système lorsqu’il faisait de la croissance. On ne l’a pas laissé foncer vers la crise.

Et pourtant, il y allait tout droit. Toutes les études rigoureuses au niveau international le montrent. Vers la fin des années soixante dix, chaque projet était financé à 70% par l’endettement et 30% par les revenus pétroliers dont une grosse partie était destinée à subventionner les entreprises créées. La dette extérieure qui était de 0,5 milliard de dollars en 1968 a grimpé a plus de 18 milliards de dollars en 1978. Si le système avait continué, les calculs montraient une dette de plus de 50 milliards en 1980.

Comment payer une telle dette avec des entreprises qui n’exportent pas et dont la majorité est subventionnée. Il nous arrivait exactement la même chose que les autres pays de l’Est. Mais la crise n’est pas apparue, le mirage de la réussite demeure ancré dans les esprits. Pourtant, les études et recherches internationales neutres montraient des indicateurs (taux d’utilisation des capacités, productivité marginale des facteurs, etc.) pires que ceux des pays de l’Est. On se dirigeait donc vers une faillite économique comme tous les autres pays. Mais rien n’y fait. En Algérie, la science a toujours tort.

 

 

 


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