Décryptage. Pourquoi les élus en Algérie n’ont pas beaucoup de pouvoir



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La relation qu‘entretien la commune algérienne avec sa la tutelle : la Daïra et la wilaya est une relation de subordinations totale voire de soumission. En effet, si on examine le dernier code communal (2011) dans ses articles 55, 56, 57 et 58, on s‘aperçoit que ces articles constituent un véritable verrou des P/APC aux mains de leurs tutelles. Ce texte stipule que les délibérations de l‘Assemblé populaire Communale sont exécutoires 21 jours après leur dépôt à la wilaya, plus en ce qui concerne les délibérations touchant le budget et la comptabilité, il faut 30 jours.

En effet, dans la Loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011 relative à la
commune. On peut lire :

Art. 55. — Les délibérations sont établies et transcrites par ordre chronologique sur un
registre ad hoc, coté et paraphé par le président du tribunal territorialement compétent.
Ces délibérations sont signées séance tenante par tous les membres de l‘assemblée présents au moment du vote et adressées dans un délai de huit (8) jours par le président de l‘assemblée populaire communale au wali qui en accuse réception.

Les modalités d‘application du présent article sont fixées par voie réglementaire.

Art. 56. — Sous réserve des dispositions des articles 57, 59 et 60 ci-dessous, les délibérations de l‘assemblée populaire communale sont exécutoires de plein droit vingt-et-un (21) jours après leur dépôt à la wilaya.

Art. 57. — Ne sont exécutoires qu‘après avoir été approuvées par le wali, les délibérations
portant sur :

— les budgets et — les budgets et les comptes ;
— l‘acceptation de dons et legs étrangers ;
— les conventions de jumelage ;
— les aliénations du patrimoine communal.

Art. 58. — Lorsque le wali saisi, aux fins d’approbation pour les cas prévus à l’article 57
ci-dessus, n’a pas fait connaître sa décision dans un délai de trente (30) jours à compter de la date de dépôt de la délibération à la wilaya, celle-ci est considérée comme approuvée.

Dans la pratique, après délibérations de l‘assemblée populaire communale, le P/APC ou son
représentant dépose les délibérations au niveau de la tutelle : la Daïra ou à la DAL (Direction de l‘Administration Locale), afin qu‘elles soient transmises à la wilaya. En cas de rejet, le refus se fait en général verbalement, assorti d‘une simple annotation en bas de la page. Les responsables de la commune procèdent alors à des modifications selon les consignes exigées par la tutelle, et redéposent les délibérations par la suite

En ce qui concerne, l‘autonomie fiscale des communes. Nos observations nous indiquent que ni l‘Etat, ni les élus locaux ni les fonctionnaires ne sont pour cette autonomie fiscale.

En effet, pour l‘Etat, une autonomie fiscale des communes est synonyme de perte de contrôle et d‘influence.

Et pour les responsables locaux, élus et fonctionnaires inclus, une autonomie
fiscale est synonyme de responsabilité et d‘être lâché par l‘Etat. Actuellement, les APC ne disposent que des recettes produites par le patrimoine communal (location des biens communaux, droits de place et de stationnement) administré eux aussi par le receveur communal. En réalité, les communes ne disposent même pas de données sur les
recettes fiscales. Il faut faire appel aux administrateurs de la wilaya pour avoir les chiffres
exacts. Pour preuve, lors de préparation des budgets communaux, c‘est la tutelle qui
communique les chiffres de base pour la composition des budgets.

D‘autre part, la discordance entre les ressources fiscales et patrimoniales communales et les différentes dépenses auxquelles sont soumises les communes, explique parfaitement le
déséquilibre budgétaire dont souffre la majorité des communes algériennes. Dans ce contexte, la plupart des dépendances financières des communes sont assurées par l‘Etat.

Les communes se trouvent, ainsi, systématiquement dépendantes de la subvention exceptionnelle d‘équilibre de la CSGC : la caisse de solidarité et de garantie des Collectivités Locales ex-FCCL.

En vérité, dans la plupart des cas, la gestion administrative de la commune est l‘affaire du
SG : le secrétaire général. Il joue le rôle d‘élément intégrateur dans les différents services
communaux. C‘est le connaisseur de la chose administrative, et le garant de la pérennité de l‘institution communale et du service public.

D‘après nos entretiens et nos investigations, nous avons eu la confirmation que les secrétaires généraux interviennent directement dans la gestion de toute la commune. Ils interviennent dans les services techniques comme dans les questions réservées aux élus. Ils avancent souvent l‘incompétence des élus et du personnel administratifs. A l‘image du SG de la commune de Séraidi, qui nous a confirmé que : « par manque de savoir-faire, c‘est les élus eux-mêmes qui sollicitent l‘aide du SG pour faire marcher les affaires courantes. Malheureusement, c‘est l‘incompétence généralisée ».

En réalité, la wilaya constitue le niveau régional de la déconcentration du pouvoir de l‘Etat.
Ses deux organes délibératif et administratif permettent, en principe, d‘exercer une bipolarité dans la gouvernance locale. Alors que dans la pratique c‘est l‘administration wilayale représentative du pouvoir de l‘Etat, qui détient de loin les règnes de la gouvernance locale, notamment, par le biais du Wali, qui constitue l‘unique dépositaire de la puissance publique à l‘échelle locale.

Malgré que la présence d‘autres collectivités territoriales au sein du territoire de la wilaya,
témoigne de l‘existence d‘autres niveaux de pouvoirs locaux, ces niveaux sont la daïra : un
échelon administratif, qui a pour mission une tutelle et un relais en assurant la liaison entre la commune et la wilaya. Et enfin, la commune qui est sensée être la cellule de base de l‘Etat et le niveau où se manifestent la décentralisation et la participation citoyenne.

 

Beaucoup de témoignages d‘élus lors de nos entretiens viennent confirmer la déresponsabilisation des élus locaux par la tutelle. A l‘image d‘un ex-élu de la commune
d‘Annaba qui nous a raconté une situation qu‘il a subie durant son mandat : « une fois, lors de  mon mandat à la commune d‘Annaba, j‘ai pensé à informatiser le service d‘état civil, dans la mesure où c‘est l‘un des services problématiques de la commune d‘Annaba.

Notamment, à cause du nombre très important de citoyens qui viennent demander un document administratif du type : extrait de naissance ou résidence. J‘ai réellement entamé l‘opération, et j‘ai créé un petit service chargé d‘informatiser les registres des naissances et autres. Un jour, j‘étais stupéfait par une visite surprise du wali au siège de la commune où il s‘est dirigé directement vers ce service puis a hurlé : « qui t‘a donné l‘autorisation pour engager ce genre de chose, tu dois arrêter l‘opération immédiatement ».

Il a été très hostile à cette idée en exprimant un comportement à même de décourager toute initiative. C‘est à notre sens ce qui déresponsabilise les élus locaux et les rend totalement dépendants de la tutelle ».

Ce qui est davantage frustrant c‘est que cette opération d‘informatisation de l‘Etat civil a été engagée quelques années plus tard, sur ordre du ministère de l‘Intérieur pour l‘ensemble des wilayas et des communes d‘Algérie sous les feux des projecteurs des médias faisant les éloges du ministre modernisateur du secteur sous les Directives de son excellence le Président de la République.

Dans le même registre, un Ex P/APC de la commune d‘Annaba, note que : « Lors des débats sur la ville, je me suis heurté à plusieurs reprises dans des réunions plénières avec Monsieur le Wali sur des sujets qui relevaient directement de mes compétences, avant de comprendre qu‘il aurait fallu avancer toute nouvelle idée avec lui en aparté de sorte qu‘il puisse avoir la primeur pour l‘avancer dans la réunion et me donner ensuite la parole pour la développer davantage à l‘auditoire».
A

Aussi, Mr BOUCHAMI, Ex P/APC Annaba, nous révèle que : « Lorsque le P/APC fait des
arrêtés ils ne sont pas exécutables, même la police ne les applique qu‘après approbations du Wali »

Par conséquent, nous pouvons conclure que là l‘exercice de la tutelle de la wilaya sur la
commune est double. Elle est premièrement systémique, vu l‘arsenal juridique qui impose aux responsables communaux d‘avoir l‘aval du wali et de son administration pour la moindre action entreprise par la commune. Mais elle est surtout financière. Dans la mesure où, la commune est appauvrie par un système fiscal qui renvoie toutes les recettes au niveau central, pour qu‘elles soient redistribuées par la suite. Ce qui rend la commune totalement liée à la tutelle pour assurer d‘abord son fonctionnement, et pour tout projet d‘équipement ou d‘investissement.

Par Djamel TELAIDJIA, Ingénieur en aménagement et Magister en aménagement 


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