Revendications socioprofessionnelles, pouvoir d’achat et libertés syndicales

2019, une année sociale charnière



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Certes, il n’y a aucun mouvement de protestation, grève ou action de rue, qui soit annoncé pour le moment.  Mais tous les paramètres plaident pour un regain de tension sur le front social.

Le front social en ce début de nouvelle année 2019 ressemble à un volcan prêt à l’éruption à tout moment. Certes, il n’y a aucun mouvement de protestation, grève ou action de rue qui soit annoncé pour le moment. Mais tous les paramètres plaident pour une explosion imminente, voire surprise, à laquelle le gouvernement ne s’attend pas. L’héritage laissé par l’année qui vient de s’écouler renseigne à lui seul sur un climat de colère et d’attente chez les travailleurs de plusieurs secteurs. Les revendications socioprofessionnelles restées en suspens, le pouvoir d’achat en érosion au moment où les salaires n’ont pas évolué sont autant de conclusions tirées par les syndicats et les organisations professionnelles des travailleurs à la fin de l’année 2018. Ce bilan ne peut être qu’annonciateur d’un exercice difficile pour le gouvernement en 2019. L’Exécutif mal en point avec une crise économique qui ne lui permet pas de faire des concessions aux travailleurs sera confronté très rapidement à la colère de ces derniers.
D’ores et déjà, l’on peut désigner certains secteurs susceptibles de connaître des perturbations : l’éducation nationale, la santé, l’enseignement supérieur, l’administration publique, la formation professionnelle, voire même les affaires religieuses. Lundi prochain, soit au lendemain du retour aux classes, la coordination des cinq syndicats autonomes de l’éducation se réunira pour, affirme-t-on, «fixer la date d’une action». Entre la ministre Nouria Benghabrit et ses partenaires sociaux, rien ne va plus. L’Unpef, le Cnapeste, le Snapeste, le SNTE, le CLA et le Satef ont quitté le 10 décembre dernier la Charte dite d’éthique et de stabilité signée en 2015, ouvrant un nouveau front avec la ministre qui n’a, jusqu’à présent, pas réagi. Dénonçant leur «exclusion» de la prise de décision et le «non-respect des engagements» par la tutelle, les syndicats sont plus que jamais décidés à renouer avec la protesta. Dans la santé, le tableau est presque le même. Rares sont les catégories professionnelles du corps médical à être satisfaites des conditions de travail, souvent dénoncées. Médecins généralistes, spécialistes, professeurs-chercheurs et paramédicaux sont dans l’expectative.
Quant à l’Enseignement supérieur, le ministre de tutelle, Tahar Hadjar a, par ses propos tenus dernièrement, déclaré la guerre au syndicat du secteur, le Cnes. L’université, déjà caractérisée par des grèves déclenchées d’un moment à l’autre par les étudiants, n’est donc pas à l’abri d’un nouveau cycle d’actions que mèneraient les enseignants. Un autre bras de fer hérité de l’année écoulée est celui qui oppose le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aïssa, au syndicat des imams, qui revendique «le respect des engagements» pris par Aïssa concernant la révision du statut et des salaires. Demande que le ministre ne peut satisfaire dans un tel contexte.

Contexte…

A ces particularités dans certains secteurs s’ajoute une situation marquée, de l’avis des syndicats, par «une régression en matière de libertés syndicales». Les représentants des travailleurs se disent «persécutés». Dans ce climat est née la Confédération des syndicats autonomes (CSA) qui regroupe pas moins de 13 syndicats de divers secteurs. La CSA qui fait de la défense du pouvoir d’achat, de la participation à l’élaboration du code du travail, du retrait de la nouvelle loi sur la retraite, son cheval de bataille, ne compte pas se laisser faire aussi en matière de défense du droit à l’exercice syndical. Elle veut désormais s’imposer comme un interlocuteur incontournable du gouvernement lors des réunions tripartites, aux côtés de l’UGTA qui, pour beaucoup de travailleurs, «a dévié de sa ligne directrice pour se limiter à une organisation de masse au service du pouvoir».
Ce tableau, enfin, intervient à quelques encablures seulement d’une élection décisive pour l’avenir du pays, ce qui constitue une pression supplémentaire pour le gouvernement, appelé à garantir les bonnes conditions à son déroulement. Seulement, les prémices d’un front social en ébullition ne sont pas en sa faveur.

Aïssa Moussi


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