Ferhat Aït Ali. Expert financier

La crise a ouvert la voie au charlatanisme comme discipline économique



...

Le pouvoir d’achat des Algériens ne cesse de baisser. Comment expliquez-vous cela ?

La réponse est évidente : le pouvoir d’achat des Algériens est celui du baril de pétrole ! Ils sont intimement liés. Il est de ce fait tout à fait normal qu’ils se suivent dans la chute comme dans la hausse. Il a même été plus ou moins préservé en terme de taux d’érosion, en adossant la charge aux réserves de change, qui sont un héritage des hausses passées non inscrites dans la frénésie de dépenses qui ont généré ce pouvoir d’achat factice et surtout ses besoins et habitudes intenables en pratique. Sans ces réserves qui s’érodent à vue d’œil pour faire illusion, le pouvoir d’achat se serait réduit à ses niveaux de 2004 et avant.

Un modèle économique mono-exportateur et consumériste est insoutenable sans production interne suffisante et intégrant un fort taux d’intrants.

Les salaires n’ont pas enregistré de changement depuis 2012, date à laquelle le gouvernement avait décidé d’octroyer des augmentations à pratiquement tous les travailleurs algériens. A contrario, les prix à la consommation n’ont pas cessé de progresser. Pensez-vous qu’il est aujourd’hui possible pour le gouvernement, en ces temps difficiles, de renouveler l’opération ?

La décision d’augmentation avait été prise en 2008 – sous un agenda politique et pas socioéconomique – et elle a été appliquée en temps réel aux services de sécurité l’année même, or 2008 est l’année de la révision constitutionnelle, mais en 2009 le pouvoir – et pas la gouvernance économique – a cru bon de revenir dessus sans l’énoncer clairement, à la faveur de la crise mondiale de 2009,. Ensuite en 2011, un vent mauvais soufflant sur tous les pouvoirs de la région, les augmentations ont été débloquées en rappels pour 2012 et 2013, avec des effets dévastateurs pour l’économie, mais bénéfiques pour la paix sociale.

D’ailleurs, le gros de ces rappels a fini en voitures et autres bibelots de luxe inutiles pour la plupart des concernés. L’opération de 2012 n’ayant rien d’économique, le gouvernement qui se débat dans une impasse, cette fois économique, n’a aucun moyen de faire de même, ni aucune volonté ou capacité pour imaginer et proposer un nouveau deal sérieux avec ses moyens actuels. Cela nécessite des visions globales nouvelles de tous les flux de distribution de revenus.

Le Syndicat national autonome du personnel de l’administration publique (Snapap) lance une campagne nationale pour l’augmentation des salaires ainsi que la suppression des taxes et impôts sur les salaires et les retraites. Pensez-vous que cette pétition aura un quelconque impact ?

Pour la suppression des impôts sur les bas salaires et retraites de moins de 40 000 DA, je pense que c’est une bonne chose au plan politique sans grosse incidence sur le budget déjà plombé ailleurs. Mais le Snapap devrait préciser le plafond de ces franchises, sous peine de lâcher plus de lest aux favorisés de ce système inique qu’aux défavorisés. Quant à l’augmentation, ma vision porte sur une refonte des grilles et des catégories professionnelles, ainsi qu’une refonte monétaire globale. Des augmentations sectorielles sont porteuses de dangers et celles portant sur le point indiciaire accentuent les disparités actuelles et ne règlent rien pour les petits revenus. Et avec le dinar actuel, cela fera juste accélérer l’imprimante et la fuite en avant.
Selon des spécialistes, 2019 sera, pour les Algériens, plus compliquée sur le plan économique. D’après vous, pour quelles raisons ?

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’être spécialiste pour comprendre que le rapprochement d’une échéance fatidique pour les réserves en dollars, avec des émissions monétaires débridées et sans objet autre que politicien pour maintenir l’illusion d’une digue et d’une maîtrise, soit de mauvais augure pour les citoyens lambda du pays. Mais si 2019 et les suivantes s’annoncent dures pour un certain modèle intenable à la base et pour quiconque s’y est inscrit mentalement en le croyant pérenne, les années 2008 à 2013 sont celles où nous avons pris la mauvaise route, qui mène tout droit à cette fin, et 2014 à 2018 sont les années ratées pour changer de cap et d’équipage.

Au lieu de cela, la tempête a accentué les appétits de la flibuste locale et internationale, et ouvert la voie au charlatanisme comme discipline économique. Pour moi, elle ne sera pas pire que le passé, et peut-être même sera-t-elle celle de la remise des pendules à l’heure au pied du mur pour toutes les parties, celles qui mentent pour perdurer et celles qui les croient par refus de voir les choses en face.

Quelles seront les répercussions dues au recours à la planche à billets sur le pouvoir d’achat des Algériens ?

Elles seront celles de toute médication ou le taux d’excipient noie les proportions de principes actifs, ce qui casse l’effet du produit final à quantité égale absorbée. Une fois arrivée aux limites des résistance factice, avec probablement 7000 milliards de dinars de plus en masse monétaire et des réserves de change de 60 milliards de dollars au mieux à fin 2019, le dinar glissera tout simplement vers les abîmes et les petits détenteurs en premier, comme les passagers de cales du Titanic. Sans qu’aucune mesure n’ait été apportée pour y remédier par des équipes spécialisées dans l’anesthésie, l’incantation et la diversion et pas la gestion des situations critiques.


Lire la suite sur El Watan.

Publier des annonces gratuites

Petites annonces Babalweb Annonces

Publier une annonce gratuite

Autres sites

Sciencedz.net : le site des sciences
Le site des sciences en Algérie


Vous cherchez un emploi? Essayer la recherche d'emploi en Algérie
Babalweb Annonces Babalweb Annonces
Petites annonces gratuites