El Kalima Éditions

L’Offense, premier texte théâtral algérien en français

Le professeur Hadj Miliani, de l’université de Mostaganem, chercheur au sein du Crasc d’Oran, vient de faire publier L’Offense, de Abdelkader Hadj Hamou (1891/1954).

Une œuvre qui constitue, en l’état de la recherche, le premier texte théâtral en langue française d’un auteur algérien. Il date de septembre 1910, devancé uniquement par la pièce de Abraham Daninos, écrite en dialectal en 1848.

Voilà qui remet les pendules à l’heure pour ce qui concerne l’historiographie du théâtre algérien. En effet, si, parmi les initiés, on sait que dès les années 1930, des pièces en langue française ont été écrites par des nationaux, le théâtre algérien d’expression française n’existe pour le commun des Algériens que depuis le déclenchement de la lutte de Libération nationale, avec Kateb Yacine en tête de file.

Hadj Miliani a donc raison de noter d’emblée en introduction à l’édition de L’Offense que la découverte fortuite qu’il a faite est «un événement d’importance pour l’enrichissement du corpus de l’histoire littéraire algérienne de langue française», même si, relativise-t-il, il s’agit d’un texte non publié et non mis en scène.

C’est dans le fonds des arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France (BnF) du manuscrit que le texte de Hadj Hamou était conservé. Jusqu’alors, on ne connaissait que  Le frisson de la chair,  de Monterra Mahieddine, publié en 1931.

Par ailleurs, indique Miliani, la presse coloniale de l’époque évoque en 1912 Mektoub,  une pièce de théâtre en français de Loukil Youcef, lequel fut récompensé par un premier prix en 1924 pour cette pièce par l’Académie Pro Arte de Marseille.

En outre, le même Loukil est distingué en 1930 par les Jeux Floraux de Constantine, pour L’Emir, une autre pièce. Ces faits démontrent une chose, l’existence d’une activité multiforme, et dans toutes les langues, au sein de l’élite musulmane lettrée de l’époque, allant d’un Hadj Hamou, plutôt assimilationniste, à un Loukil, réputé pour être un anticolonialiste déclaré.

L’Offense a été retrouvée dans un des plus importants fonds du département des arts du spectacle de la BnF, le fonds Auguste Rondel (1858/1934), légué par ce dernier à l’Etat français, soit 300 000 documents.

Œuvre de prime jeunesse, à 19 ans, Hadj Hamou n’en fait pas cas à la publication de Zohra, la femme du mineur, considéré comme un des premiers romans algériens écrits en français. De même, son fils Réda Falaki (1920/1993, un pseudonyme), homme de théâtre et animateur des émissions en langues arabe et kabyle à la Radio d’Alger, dans un courrier adressé à Jean Déjeux, ne lui signale pas ce manuscrit, à l’instar d’autres qu’il cite. Mais qu’en est-il de cette œuvre ? Maladroit mélodrame en trois actes et trois tableaux, il est l’exemple de toute cette littérature apparue au début du XXe siècle, marquée par les faiblesses inhérentes au mimétisme de la littérature dominante, ce qui la fige dans le formalisme.

Elle est d’ailleurs écrite en direction du lectorat français et non pas francophone. Ensuite, cette fiction ne fait aucunement référence au pays ni à la société colonisée dont fait partie l’auteur. Les noms des personnages à consonance vaguement européenne n’ont également rien de locaux. Yeure, le père, un vieillard légèrement sourd, se laisse maltraiter par Domparès, un fils ingrat.

Ce dernier, jouisseur et gaspilleur, fréquente Firmine, tout aussi égocentrique que lui. Elle mène la vie dure ignoblement à Romparette, sa sœur aveugle. Baignant dans le moralisme, L’Offense pèche aussi par une naïveté dans le traitement des personnages et de l’intrigue. Mais au-delà de toutes ces considérations,  L’Offense  demeure un document d’histoire littéraire maghrébine à découvrir.

L’Offense, de Abdelkader Hadj Hamou, présentation de Hadj Miliani, Collection Djib, série Petits inédits maghrébins sous le direction de Guy Dugas, El Kalima Editions 2018